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15 novembre 2015
Chapitre à la communauté de
Scourmont
Le Pacte des Catacombes
En ces derniers mois de l’année 2015, on célèbre le 50ième anniversaire de plusieurs événements liés au Concile Vatican II, qui s’est
terminé le 6 décembre 1965. Récemment le pape François a prononcé un discours
extrêmement important sur la synodalité à l’occasion du 50ième anniversaire de la création du Synode des évêques. Demain, 16 novembre on
célèbrera à Rome et sans doute en beaucoup d’autres endroits du monde le 50ième anniversaire de ce qui a été appelé le « Pacte des Catacombes
Quatre jours avant la clôture
officielle du Concile Vatican II, un texte fut diffusé parmi les Pères
conciliaires et présenté à la presse par don Helder Camara. Ce texte fut connu sous le nom de « Pacte des catacombes », car il
devait son origine à la rencontre d’une quarantaine d’évêques, en majorité
latino-américains qui s’étaient réunis dans les catacombes de Domitilla, à Rome, le 16 novembre 1965. C’est évêque de Tournai, Charles-Marie Himmer, qui avait invité ce groupe de confrères à y concélébrer une messe pour implorer la grâce de la
fidélité à l’Évangile et aux pauvres. Les historiens ne sont pas d’accord sur
les nombre précis de Pères conciliaires qui « assumèrent » ce texte,
c’est-à-dire qui le firent leur. On
parle de 500 des 2500 évêques du Concile. Chose certaine c’est qu’ils étaient
42 à la concélébration convoquée par Mgr Himmer, et
leurs noms sont connus. On a souvent attribué la rédaction de ce texte à Helder
Camara, parce que c’est lui qui l’a présenté à la presse ; mais ce fut un
texte travaillé et retravaillé par plusieurs personnes. En fait les initiateurs
du texte furent non pas des évêques, mais deux personnes présentes à Rome
durant le Concile, un prêtre ouvrier du nom de Paul Gauthier et une religieuse
carmélite du nom de Marie-Thérèse Lescase, qui
devient elle aussi par la suite ouvrière à Nazareth.
Dans ce
texte, les participants, et tous ceux qui l’assumèrent par la suite,
s’engageaient à un style de vie personnelle dépouillé et à la solidarité avec
les pauvres. Voici quelques-uns des treize paragraphes de cet engagement :
1. Nous essaierons de
vivre selon le mode ordinaire de notre population en ce qui concerne
l’habitation, la nourriture, les moyens de locomotion et tout ce qui s’ensuit.
2. Nous renonçons pour
toujours à l’apparence et à la réalité de richesse spécialement dans les habits
(étoffes riches, couleurs voyantes), les insignes en matière précieuse...
5. Nous refusons d’être
appelés oralement ou par écrit par des noms et des titres signifiant la
grandeur et la puissance (Éminence, Excellence, Monseigneur). Nous préférerons
être appelés du nom évangélique de Père.
De nos jours on notera avec un intérêt renouvelé un autre
passage, c’est-à-dire le nº 11, où ils parlent de la collégialité épiscopale, et où ils considèrent que cette collégialité
« trouve
sa plus évangélique réalisation dans la prise en charge commune des masses
humaines en état de misère physique, culture et morale » qui, disent-ils, forme les 2/3 de
l’humanité. Cette approche de la collégialité conçue non pas d’abord comme un
exercice collégial de l’autorité mais d’abord comme un prise en change
collégiale de la pauvreté et de la misère ; on la retrouve tout à fait
dans la pensée du pape François.
L’Église postconciliaire en Amérique latine
L’esprit
de ce texte se traduisit dans la vie de plusieurs évêques d’Amérique Latine et
s’exprima dans les rencontres de Medellin et de Puebla. On le retrouve tout
spécialement dans les grands textes de Puebla sur l’Option préférentielle pour les pauvres.
À l’époque
où se terminait Vatican II Jorge Mario Bergoglio était étudiant en théologie à
Buenos Aires. Il ne deviendra évêque
auxiliaire de Buenos Aires qu’en 1992, puis archevêque en 1998. Et pourtant
tout ce qu’on sait de son style de vie comme archevêque nous montre qu’il
vivait fidèlement selon ce Pacte des
catacombes. Les premières années du
pontificat du pape François, avec son désir exprimé, dès les premiers jours,
d’une Église pauvre pour les pauvres en sont évidemment aussi marquées.
De grands
évêques latino-américains ont vécu cet engagement d’une façon radicale. On pense bien sûr à un Helder Camara, mais
aussi à Evaristo Arns,
franciscain, archevêque de São Paulo au Brésil et à Manuel Larrain,
évêque de Talca, au Chili. Beaucoup eurent à souffrir pour cet engagement et
furent souvent incompris par Rome. Ils ont été en général remplacés par une
nouvelle fournée d’évêques penchant dans un sens tout différent, plus proche
des classes dirigeantes et des pouvoirs en place. Pedro Arrupe, supérieur
général des Jésuites de 1965 à 1981, s’engagea à fond et engagea sa compagnie
dans cette « option » pour les pauvres. Ce qui lui valut beaucoup
d’incompréhension de la part de Rome et de grandes souffrances durant les
dernières années de son supériorat.
Et
cependant, malgré toutes les difficultés, malgré la notification adressée par Rome en fin de carrière à Jon Sobrino qui avait formé des générations de Jésuites latino-américains,
l’Esprit qui avait suscité le Pacte des
Catacombes est resté actif dans l’Église latino-américaine. José Comblin, dans une conférence donnée à l’Université
centroaméricaine José Simeón Cañas (San Salvador), le 18 mars 2010, peu avant sa mort, y discernait l’avènement
d’un nouveau « franciscanisme ».
L’humour de l’Esprit Saint
Ne peut-on
pas voir une manifestation de l’humour de l’Esprit Saint dans le fait qu’il a
donné à l’Église de Rome un Pasteur venant de cette Église d’Amérique Latine
mal comprise de Rome. Et, au surplus, un jésuite qui choisit même de s’appeler
François ! -- José Comblin avait donc été prophète en parlant de
« nouveau franciscanisme », trois ans avant l’élection de François.
Armand VEILLEUX
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