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Chapitre du 18
octobre 2015
L’exercice de la
synodalité
À la fin
du chapitre de dimanche dernier l’un d’entre vous me demandait des nouvelles du
Synode actuellement en session à Rome, sur le thème de la famille, Je n’avais
évidemment pas beaucoup plus à dire que ce que l’on peut trouver dans la presse
et dans les commentaires de certains bons commentateurs de ce qui se passe à
Rome. Mais cela a réveillé mon intérêt
sur la nature même du Synode. (Un article de Robert Mickens,
bon « vaticanista » qui vit à Rome depuis
1986 m’a aidé dans cette réflexion).
En
réalité, lorsque nous parlons du Synode de cette année, ou du Synode de l’an
dernier, ou du Synode sur la famille, etc. notre façon de parler n’est pas
adéquate. Il n’y a pas des « Synodes »,
mais il y a un Synode, qui est une structure permanente dans l’Église depuis
1965, et qui se réunit périodiquement, soit pour des réunions ordinaires, soit
pour des réunions extraordinaires, sur tel ou tel thème. Il s’agit de beaucoup
plus que d’une nuance de langage. Il s’agit de quelque chose qui touche à la
structure et à la nature de l’Église.
Lorsque
Paul VI institua le « Synode des évêques » par un motu proprio publié le lendemain de l’ouverture de la dernière session du Concile, le 15
septembre 1965 (la session s’était ouverte le 14 septembre), il le décrivit
comme suit :
a)
un organisme ecclésiastique central ;
b)
représentatif de tout l’épiscopat catholique ;
c)
d’un caractère perpétuel ;
d)
d’une structure telle que sa fonction s’exercera d’une façon temporaire et
occasionnelle.
Le Synode
est donc bien une institution permanente, avec un secrétaire et un secrétariat
permanent, qui se réunit de temps à autre.
Comme on l’a
vu par diverses lectures au réfectoire (p.e. le livre
de O’Malley sur le Concile et la biographie de Paul
VI) que la notion de la collégialité épiscopale, qui est l’un des principaux
fruits de Vatican II, fut aussi l’un des points les plus discutés de la
Constitution Lumen Gentium, sur l’Église, comme en témoigne la fameuse « Note
explicative préliminaire » voulue par Paul VI et entièrement consacrée à
préciser la nature du collège épiscopal.
Dans son motu
proprio, Paul VI précisait : « ... ce Synode..., comme toutes les
institutions humaines, pourra être perfectionné par la suite ». Le Synode existe maintenant depuis 50 ans et
sa structure ainsi que son mode de fonctionnement n’ont guère changé. Or, le pape François est en train de modifier
son mode de fonctionnement pour en faire un véritable exercice de collégialité
épiscopale. Et c’est ce qui explique les vives tensions que l’on a perçu à Rome
dès l’ouverture de la présente session du Synode, entre le Pape et un bon
nombre de cardinaux.
En
réalité, cela ne concerne pas simplement les évêques, mais nous concerne
tous. Cet intérêt de Vatican II pour la
notion de collégialité s’enracine dans la redécouverte de l’Église comme « koinonia » ou communion. Dans un commentaire de Lumen Gentium, écrit en 1972 alors qu’il était encore archevêque de
Cracovie, Karol Wojtyla écrivait :
« Le
principe de la collégialité détermine de lui-même la manière d’exercer l’autorité
dans l’Église, manière institué par le Christ lui-même. En même temps, ce principe exprime
indirectement la réalité de l’Église comme « koinonia »... »
La
constitution Lumen gentium, au numéro 23,
parle d’un « sentiment collégial » que doive avoir les évêques et qui
est plus important que les structures collégiales.
La notion
des Koinonia ou de communion est au coeur de
la vie monastique, d’abord chez saint Pachôme puis chez saint Benoît, qui écrit
une Règle pour les cénobites, c’est-à-dire ceux qui vivent la vie de Koinonia.
Il n’est
donc pas surprenant que dès que nous nous sommes attelés, dans notre Ordre,
après Vatican II, à la révision de nos Constitutions, la dimension « collégiale »
de tout service dans l’Ordre – et non seulement le service d’autorité – est apparue comme une notion incontournable. Il faudra un jour faire l’histoire de toutes
les discussions qui eurent lieu alors dans l’Ordre entre ceux qui considéraient
que cette nouvelle approche théologique de l’Église devait conditionner l’exercice
du service de l’autorité dans notre autre et aussi tous les autres services, et
ceux qui considéraient que c’était une notion étrangère à notre situation
monastique. (Je conserve à ce sujet une documentation très exhaustive).
Dans l’interview
qu’il donna à la revue Civiltà Cattolica, au début
de son pontificat, François disait qu’on pouvait beaucoup apprendre sur la
collégialité de nos frères Orthodoxes et, plus généralement de la façon dont l’Église
était gouvernée dans les premiers siècles, avant la rupture entre l’Orient et l’Occident. À cette époque l’ensemble du Peuple jouait un
rôle important dans l’exercice de la collégialité. C’est dans le même esprit
que François fit une très large consultation de l’ensemble du Peuple de Dieu
avant la présente session du Synode concernant la famille.
De la même
façon, dans notre Ordre, la notion de collégialité ne concerne pas simplement
les supérieurs qui exercent collégialement un souci pastoral pour l’ensemble
des communautés de l’Ordre. Elle
concerne aussi chaque communauté et chaque moine ou moniales, tous étant
collégialement responsable de la qualité de vie monastique de l’ensemble de l’Ordre.
C’est une application du « sentiment collégial » dont parle Lument gentium.
C’est
aussi le thème de l’Évangile d’aujourd’hui, où Jésus appelle chacun à se mettre
au service des autres.
Armand Veilleux
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