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Chapitre du 21 juin 2015
Abbaye de Scourmont
Notre maison commune
Dans mon
chapitre de dimanche dernier, je faisais allusion à la parution, quelques jours
plus tard, de l’encyclique du pape François sur l’écologie. J’aimerais revenir
ce matin sur ce document d’une très grande importance, qui nous interpelle
tous, quel que soit notre état de vie. On peut dire que ce document s’inscrit
tout à fait dans la continuation de l’Instruction Evangelii gaudium sur
l’évangélisation.
Le concept
central de cette encyclique est celui d’écologie intégrale. Cette
expression revient sans cesse, comme un refrain, tout au long du document. Une
autre idée centrale est la notion de la nature créée considérée comme « notre
maison commune ». Enfin on notera la méthodologie bien connue, que
François avait fait lui-même introduire dans le document final d’Aparecida : « voir, juger, agir et
célébrer ».
Le plan,
très simple, nous indique déjà l’esprit et la méthode de François. Le texte est
constitué simplement de six chapitres : 1) Ce qui se passe dans notre
maison ; 2) L’Évangile de la création ; 3) La racine humaine de la
crise écologique ; 4) Une écologie intégrale ; 5) Quelques lignes d’orientation
et d’action ; 6) éducation et spiritualité écologique.
On voit
tout de suite l’approche typique de François. Il ne part pas de principes abstraits mais de la réalité. Donc, le
premier chapitre concerne la situation actuelle non seulement de la planète,
mais de l’univers créé qui constitue notre maison commune. Et déjà dans ce
regard il tient compte de l’analyse faite par beaucoup d’autres, aussi bien les
scientifiques que les conférences épiscopales de divers pays. C’est dans un
deuxième temps qu’il considère ce que l’Évangile a à nous dire là-dessus. Il
considère d’ailleurs le monde créé comme une évangélisation. (Dans ce contexte
on notera une référence à Teilhard de Chardin et quelques citations de Romano Guardini, dont la pensée a influencé François).
Je reviens
à la notion centrale d’écologie intégrale. Cette notion s’enracine dans
la conviction qu’il y a un lien étroit entre tous les êtres créés, de sorte que
tout ce qui arrive à un élément si petit soit-il de cet ensemble, que ce soit d’ordre
physique, culturel ou spirituel, affecte l’ensemble. Dans ce chapitre sur l’écologie
intégrale, François parle : a) de l’écologie environnementale, économique
et sociale ; b) de l’écologie culturelle ; c) de l’écologie de la vie
quotidienne ; d) du principe du bien commun et e) de la justice entre les
générations. Dans cette dernière section, mais un peu partout tout au long du
document apparaît la préoccupation pour les pauvres, les démunis, les
laissés-pour-compte et les victimes des systèmes.
Les
groupes d’extrême droite, surtout aux USA, qui depuis plusieurs mois
fourbissaient leurs armes contre cette encyclique, sont des groupes
négationnistes, qui considèrent qu’il n’y a aucune preuve que le réchauffement
de la planète et ses effets soient attribuables à l’intervention humaine. L’un des candidats républicains à la
présidence des USA disait d’ailleurs il y a quelques jours que le pape « devait
laisser la science aux scientifiques ». En réalité François a évité ce débat.
Il se situe à un niveau nettement plus global. Il constate bien que la très
grande majorité des études scientifiques attribuent les problèmes actuels de la
planète au moins partiellement à l’activité humaine ; mais ce n’est pas l’essentiel
de son argumentation.
Son point
de départ est l’harmonie initiale au sein de la création et entre la création
et son créateur, à l’image de l’unité entre le Père, le Fils et l’Esprit au
sein de la Trinité. Cette harmonie est brisée par tout ce qui est accaparement
des richesses naturelles par une minorité ; par tout ce qui est « exploitation »
de la nature plutôt que vie en communion avec elle ; tout ce qui met en
danger la qualité de vie d’une partie de la population mondiale ou des générations
à venir. Toujours la même préoccupation
pour les pauvres.
L’analyse
est lucide et parfois sévère ; mais elle n’est jamais apocalyptique. Elle
appelle chacun à une « conversion écologique », car l’avenir de notre
« maison commune » ne peut être assuré sans un changement de nos
modes de vie, le renoncement au gaspillage et l’abandon d’une culture du
déchet.
Cette
analyse se trouve essentiellement dans le troisième chapitre intitulé « La
racine humaine de la crise écologique ». Il y fait une
distinction intéressante entre la « technologie » (ou la techno-science)
qui a apporté et apporte toujours de grands bienfaits à l’humanité et la « technocratie »
qui est la prétention de vouloir régler tous les problèmes uniquement par la
technique. C’est cette attitude qui a conduit à l’économie libérale qui
instaure une suprématie de l’économie sur toute l’activité humaine. Le tout s’enracine
dans un anthropocentrisme qui, négligeant l’harmonie avec le créateur, aboutit
à la domination de l’homme sur l’homme.
La
recherche de solutions consiste, dans le chapitre 5, à un appel au dialogue aussi
bien dans la communauté internationale qu’au niveau local et régional, ainsi qu’à
un dialogue entre le politique et l’économie en vue du développement humain
intégral. Appel aussi à un dialogue entre la religion et la science.
Et, comme cette
analyse s’allie à une foi en l’humain, elle sait espérer cette conversion et se
termine par une célébration dans la prière.
Ce texte s’adresse
à tous, aussi bien aux moines contemplatifs qu’aux hommes d’affaire ou aux
politiciens. Il nous invite à établir d’abord l’écologie intégrale au sein de
notre propre vie, dans notre façon de prier, de travailler, de nous détendre,
de communiquer avec nos frères, de prier.
Armand Veilleux
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