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Chapitre du 14 juin 2015
Abbaye de Scourmont
Dialogue interreligieux et respect de la nature
Il y a dans notre
parterre un sequoia qui fut planté en 1868 ce qui lui donne l’âge de 147 ans.
Ça peut sembler impressionnant, comparé à nos âges et à celui des autres
plantes du jardin ; mais si on le compare aux sequoias qu’on veut voir dans
les forêts de Californie, aux USA, c’est un « petit jeune ». Là-bas
on peut en voir qui ont plus de 3000 ans d’existence
et une hauteur d’une centaine de mètres. J’ai pensé à ces arbres géants en lisant
les deux paraboles de l’Évangile de la Messe d’aujourd’hui.
Ces deux paraboles,
celle de la semence qui pousse d’elle-même et celle de la graine de moutarde,
font partie d’un groupe de quatre. Les deux autres sont d’abord celle de la
semence tombant en divers types de sol (Mc 4, 3-8) et celle du levain dans la
pâte (Mat 13, 33). L’objet de ces quatre récits symboliques est le même :
c’est une réflexion de Jésus sur l’échec apparent de sa prédication, ou plutôt
de la lenteur avec laquelle elle produira ses fruits. Ces paraboles nous
apprennent à avoir patience avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes. Dieu
prend des mois, des années et en certains cas des siècles à faire croître une
plante ou un arbre et nous nous voudrions que tous nos projets ou nos rêves se
réalisent de façon à peu près instantanée.
Je laisse à notre
homéliste d’aujourd’hui, Père Omer, le soin de nous commenter l’Évangile du
jour. Je voudrais plutôt établir un lien entre ce texte et l’encyclique du pape
François sur l’écologie, qui fait déjà couler beaucoup d’encre, avant même qu’elle
ne soit publiée. Elle le sera dans quelques jours. Et même si l’on n’en connait
pas encore le contenu, on sait déjà quels sont les grands thèmes que François y
abordera. Le pape y parlera du respect du créé et de la responsabilité des
humains à l’égard d’équilibres de la nature qui se sont établis dans l’univers
au cours de millénaires et même de millions, sinon de milliards d’années. Le
pape, qui n’a pas pris pour rien le nom de François, sait qu’il est important
que l’ensemble des hommes et des femmes, à commencer par le 1,2 milliards de
baptisés catholiques, soient bien conscients de leur responsabilité en ce domaine.
Tout être humain
est lié à l’ensemble de la vie sur la terre et à son équilibre avec tous les
autres êtres. Le moindre changement dans l’équilibre de l’ensemble du cosmos
peut avoir des effets tout à fait imprévisibles. La disparition de n’importe
quelle espèce végétale ou animale a des conséquences sur l’ensemble de la
chaîne alimentaire. La disparition des
abeilles, en certaines régions, par exemple, a des effets immédiats sur une
large partie de la végétation. Le pape
ne s’improvisera certainement pas spécialiste en ces domaines, mais il nous
appellera tous à un sens de responsabilité.
Le timing de
la publication n’est pas anodin. L’encyclique paraîtra le 18 juin. Il y aura
dès le mois de juillet la 3ème Conférence Internationale sur le
financement du développement à Addis Abeba. Il y aura ensuite, en septembre, l’Assemblée
Générale des Nations Unies qui devra trouver un accord sur une nouvelle série d’objectifs
pour un développement durable jusqu’en 2030 ; et finalement une grande
réunion sur le changement climatique aura lieu à Paris en décembre.
Cette préoccupation
du pape François, qu’il a exprimée récemment dans une rencontre avec Ban Ki
Moon, le Secrétaire Général des Nations Unies, s’allie chez lui à une autre
préoccupation, celle du Dialogue interreligieux. Il n’est d’ailleurs pas
difficile de voir le lien entre les deux. Aussi bien la protection de l’environnement que le dialogue entre les
hommes de toutes races et de toutes religions sont pour lui des conditions
indispensables pour la paix dans le monde. Il l’a redit lors de son récent voyage
à Sarajevo.
La Ville de
Sarajevo est en elle-même tout un symbole. Au coeur des Balkans, elle a été depuis des siècles un lieu de rencontre
interreligieuse. Les chrétiens slaves et latins y sont présents tout au long du
Moyen Âge, avant l’arrivée de Ottomans au 15ème siècle,
puis des Juifs séfarades fuyant l’Andalousie au 16ème siècle.
À l’époque moderne,
Sarajevo est connue comme la ville qui a été le théâtre de l'assassinat par Gavrilo Princip de l'archiduc
François-Ferdinand d'Autriche, qui marqua le début de la Première Guerre
mondiale. Plus récemment elle est connue pour le siège de plus de mille jours
qu’elle a connu, au cours de la guerre des Balkans de 1992-1995, et qui fit
près de 10.000 morts.
Dans cette ville,
François a voulu rencontrer les représentants de toutes les traditions
religieuses et prier avec eux. Il en a profité pour souligner l’importance du
Dialogue interreligieux, mentionnant au passage l’importance du rôle du Conseil
local de Dialogue interreligieux, créé en 1997 tout de suite après la
guerre. C’est la première fois, depuis
quelques décennies, qu’un pape parle si positivement du Dialogue
interreligieux... soulignant comment ce dialogue se fait dans la vie courante,
de tous les jours, beaucoup plus qu’en des discussions entre experts. Il a aussi souligné que ce dialogue est une
exigence pour toute personne et non seulement l’occupation de quelques
spécialistes,
Cette approche de
grande « humanité » se fonde sur le respect de la dignité humaine de
toute personne, créée à l’image de Dieu, tout comme l’attitude écologique se
fonde sur le respect de la nature créée, sortie des mains de Dieu.
Armand Veilleux
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