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24 mai 2015 – Fête de la Pentecôte
Chapitre à la Communauté de
Scourmont
Ne
pas être à bout de souffle...
Dans
le sermon que nous avons lu au troisième nocturne ce matin, saint Léon le Grand
affirmait que lorsque l’Esprit Saint remplit les disciples le jour de la
Pentecôte, ce ne fut pas un début dans le don, mais une largesse qui s’ajoutait
à d’autres. Et il expliquait que c’était le même esprit qui avait inspiré les
patriarches, les prophètes et les prêtres de l’Ancienne Alliance.
En
réalité l’Esprit est présent dans tout l’Ancien Testament, depuis le récit de
la Genèse, qui présente le début de toutes choses comme un immense magma de
matière, un immense chaos (un tohu-bohu, en hébreu), sans vie. Alors le
souffle de Dieu (ou l’esprit de Dieu, le mot hébreu ruah signifiant à la fois souffle et esprit) plana sur ce chaos en en fit jaillir la
vie par vagues successives. Chaque vague
impliquait une nouvelle diversification : ténèbre et lumière, ciel et
terre, végétaux et animaux, homme et femme. L’être humain apparaît lorsque Dieu insuffle son propre esprit dans
l’une de ses créatures. Il serait stupide de briser la beauté -- le « souffle » grandiose -- de cette
vision mystique et poétique en essayant d’y voir un fondement pour l’une ou
l’autre des hypothèses scientifiques modernes sur l’origine de la vie humaine. Si l’on accepte Dieu comme l’origine de toute
vie, l’Esprit qui donne vie à tout être vivant – tout organisme vivant – n’est
pas autre que celui que, dans le Nouveau Testament, on appelle le Saint Esprit.
Nous
retrouvons la présence de ce Souffle de Dieu tout au long de la Bible juive et
dans les écrits du Nouveau Testament. Lorsque des hommes jouèrent un rôle important dans la conduite politique
du peuple, comme les patriarches ou encore un Moïse ou un Josué, ou encore dans
l’appel du peuple à la conscience ou à la conversion, comme le firent ceux
qu’on appela les prophètes, c’est que le Souffle de Dieu descendit sur eux ou
même fondit sur eux.
Le
messager qui annonce à Marie qu’elle sera mère du Fils de Dieu, lui explique
que le Souffle de Dieu planera sur elle, comme il avait plané sur les eaux au
matin de la création et en avait fait jaillir la vie. Lorsque Jésus veut se faire disciple de Jean
le Baptiste et qu’il descend dans l’eau du Jourdain, le même Esprit de Dieu se
manifeste au dessus de lui sous la forme d’une colombe, symbole de la paix. Et
lorsque le même Jésus envoie ses disciples en mission, la dernière fois qu’il
se manifeste à eux, il souffle sur eux. Enfin, un grand Souffle envahit l’endroit où se trouvent les apôtres, le
jour de la Pentecôte, jour où ils commencent enfin à prendre conscience de la
mission que Jésus leur a donnée de répandre son Souffle à toutes les nations.
Ce
Souffle qui a donné vie à tout ce qui a vie, Jésus de Nazareth l’a appelé son
Esprit et l’Esprit de son Père. Et il
nous l’a promis. Il est celui que nous appelons Dieu, lorsque nous parlons de
Dieu avec un grand « D ». Il est plus présent à nous que nous ne
sommes présents à nous-mêmes. Nous entrons en relation personnelle avec Lui
lorsque nous pénétrons en notre propre coeur jusqu’à cette racine où notre être
jaillit de la source de l’Être. C’est lorsque nous sommes en contact avec cet
Esprit de Dieu en nous que nous pratiquons la prière continuelle. Et toute forme d’amour humain est une
participation à cet Esprit, comme le dit saint Paul : « L’amour de
Dieu a été répandu en nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été
donné ».
Quand
nous nous éloignons de ce centre, quand nous nous dispersons dans des activités
superficielles, nous perdons le contact avec l’Esprit. Nous pouvons dire qu’alors nous nous
essoufflons, au point d’être à bout de souffle. Si notre société occidentale
actuelle semble ne plus aller que de crise en crise, c’est sans doute qu’elle
est à bout de Souffle, coupée de la source de toute vie, qu’il s’agisse de vie
animale ou de vie humaine, de vie du corps de l’esprit ou du coeur.
La fête
de la Pentecôte nous rappelle, comme à tous les Chrétiens, que nous devons être
dans le monde où nous vivons des porteurs de l’Esprit. Nous devons être des ponts. La mission des croyants n’est pas d’abord de
faire la morale à leurs concitoyens, de partir en croisade pour la défense de
tel ou tel principe, mais bien de laisser passer à travers eux le Souffle, afin
que Celui-ci anime toujours plus l’humanité et l’univers. Pour cela il leur faut tout d’abord être
présents au Monde, d’une présence aimante et respectueuse et, d’autre part, se
laisser eux-mêmes remplir du Souffle. En
tout cas, il ne convient pas à des Chrétiens, et encore moins à des moines d’être
à bout de Souffle !
Armand Veilleux
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