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Chapitre du 3 mai
2015
Saint Athanase
C’était
hier la mémoire liturgique de saint Athanase, patriarche d’Alexandrie ; et
c’est de lui dont j’aimerais parler ce matin. C’est quelqu’un de très important
pour la tradition monastique. Évidemment, dans l’histoire de l’Église et de la
théologie on se souvient d’Athanase avant tout comme du défenseur de la
doctrine traditionnelle de la Trinité, contre Arius, et pour toutes les
persécutions qu’il a dû subir pour sa défense de la foi de Nicée. Mais c’est aussi quelqu’un qui a eu une très
grande influence sur le développement du monachisme et donc de ce qu’on appelle
aujourd’hui la « vie consacrée », et aussi sur l’histoire de la
spiritualité.
Athanase a
eu une influence sur toutes les formes de la vie monastique de son époque :
d’abord sur la vie de type érémitique pratiquée en Basse Égypte, à travers sa Vie
d’Antoine, mais aussi sur la vie cénobitique à travers son amitié avec Pachôme
et les moines pachômiens. Il a aussi eu une influence sur le monachisme féminin
romain à l’époque de saint Jérôme.
Comme on
le sait, Athanase connut cinq fois l’exil durant son épiscopat, dont deux fois
en Occident – une fois à Trèves en 336-337 et quelques années après à Rome. Durant
son exil à Rome, une grande patricienne romaine, nommée Albina, lui donna l’hospitalité.
Sa fille, qui s’appelait Marcella, et qui avait seulement dix ans à l’époque,
écoutait sans se lasser le récit de la vie d’Antoine fait par Athanase.
Marcella se maria quelques années plus tard, mais devint rapidement veuve et
commença à vivre la vie ascétique à domicile avec sa mère. D’autres femmes de
la noblesse romaine se joignirent à elles. Se forma ainsi une « église
domestique » dans le palais de Marcella sur l’Aventin et ce fut le début
de ce monachisme féminin de grande classe dont saint Jérôme fut le conseiller
spirituel, et qui émigra ensuite en Palestine.
Mais
revenons à l’Égypte. Dans la Vie de
saint Pachôme, on trouve le témoignage suivant dans la bouche de Théodore, le
disciple de Pachôme : « Actuellement dans notre génération en Égypte
je vois trois choses capitales qui prospèrent avec l’aide de Dieu et des
hommes. La première est le bienheureux athlète,
le saint apa Athanase, archevêque d’Alexandrie, qui combat jusqu’à la mort pour
la foi. La seconde est notre saint père
apa Antoine, qui est la forme parfaite de la vie anachorétique. La troisième est cette Koinonia [c’est-à-dire
la vie cénobitique fondée par Pachôme] qui est le modèle pour quiconque désire
réunir les âmes selon Dieu... ».
Ce texte
montre bien comment tout se tenait dans la vie de l’Église à ce moment. Quand
Athanase devient Patriarche d’Alexandrie en 328, à l’âge de 33 ans, Antoine exerçait
déjà son charisme de père spirituel dans le désert, après deux longues périodes
de solitude et Pachôme venait de fonder son deuxième monastère. L’une des
grandes intuitions du jeune patriarche fut de comprendre tout ce que le
monachisme pouvait apporter à l’Église. À cet époque la plupart des évêques
manifestaient plutôt de la méfiance à l’égard de ces groupes nouveaux et
souvent étranges de moines. Dès l’année
qui suivit son élection Athanase visita les monastères pachômiens en Thébaïde
et il écrivit la Vie d’Antoine dès l’année qui suivit la mort de celui-ci.
Cette Vie d’Antoine n’était pas une simple biographie. Athanase assumait
pleinement son rôle de pasteur à l’égard des moines qui étaient aussi des
membres de son Église. En écrivant cette Vie d’Antoine, Athanase avait deux buts :
d’une part, donner une reconnaissance publique, devant toute l’Église à ce
phénomène monastique et, d’autre part, guider spirituellement les moines dans
leur cheminement spirituel à travers on enseignement. Cette Vie est en réalité un traité de
spiritualité monastique.
Dans cette
« Vita », Antoine reçoit sa vocation en écoutant la Parole de Dieu au
sein de son Église locale. Il se met d’abord sous la direction spirituelle d’un
ancien près de chez lui. Puis il s’enfonce
graduellement dans la solitude en cinq étapes successives. La chose
merveilleuse est que plus il s’enfonce dans la solitude plus il est
profondément uni à l’Église. C’est à la fin d’une période de vingt ans de
solitude radicale qu’il reçoit la grâce de la paternité spirituelle. Et c’est dans
sa période de solitude la plus absolue, après avoir quitté même ses disciples,
qu’il reviendra brièvement à Alexandrie pour appuyer le patriarche Athanase
persécuté.
On s’imagine
souvent le monachisme primitif comme totalement coupé de la société et de la
vie ecclésiale. On voit à travers l’activité
épiscopale d’Athanase et la vie des moines égyptiens de son temps, qu’il y
avait au contraire une grande synergie entre tous ces éléments, qui savait
allier une authentique et profonde solitude à une réelle communion.
Je crois
qu’il y a là un enseignement important pour l’Église et le monachisme d’aujourd’hui.
Armand VEILLEUX
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