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Chapitre pour la Fête du Christ Roi
23 novembre 2014
Abbaye de Scourmont
Le Christ Roi dans la Règle
de Saint Benoît
La Fête du Christ Roi,
célébrée le dernier dimanche de l’année liturgique est fort récente et n’a pas
de lien avec le grand cycle des « mystères » chrétiens qui constituent
l’ossature de l’année liturgique. Elle a
été instituée en 1925 par Pie XI, à une époque où, devant la montée des États
modernes, Rome s’efforçait de préserver ou de restaurer la situation médiévale,
essayant de faire en sorte que le christianisme soit la religion officielle des
États chrétiens. (On a d’ailleurs vu à l’époque certains dictateurs consacrer
leur pays au Sacré Coeur ou au Christ Roi.) Malgré cette origine plutôt
ambiguë, cette solennité conserve toute son importance, si l’on n’essaie pas de
concevoir le Christ comme le roi de tout l’univers à la façon d’un roi
temporel, mais si l’on s’attache plutôt à son enseignement sur le
« Règne » de Dieu, le Règne de son Père.
Cette fête est pour nous
une bonne occasion de revenir encore une fois sur la place du Christ Roi dans
la Règle de saint Benoît, où l’accent est évidemment tout autre que celui que
je viens de mentionner. Il ne s’agit pas
alors de faire de l’Église un instrument pour instaurer la royauté du Christ
sur les peuples, mais plutôt de se mettre humblement au service de Celui qui
s’est mis lui-même à notre service.
En relisant le Prologue
de la Règle, on est frappé de la place capitale qu’y tient cette notion de la
royauté du Christ. Le Prologue commence
et se termine avec la mention de cette royauté. Je suis surpris de voir que les grands commentaires spirituels de la
Règle, y compris celui de Dom De Vogüé, qui s’attachent savamment à analyser
comment ce Prologue utilise le texte antérieur du Maître et est une sorte de
commentaire de plusieurs textes de l’Ancien Testament, n’ont pas souligné
davantage cette dimension du texte de Benoît.
Dès le début du Prologue,
Benoît dit qu’il écrit cette Règle pour ceux qui ont décidé de se convertir et
d’assumer les armes très puissantes de l’obéissance pour militer sous le Christ
Seigneur, le vrai roi. Il ne faut
surtout pas voir de nuance militaire ou guerrière dans l’utilisation par Benoît
du verbe « militer ». Christine Mohrmann, la grande spécialiste du latin chrétien, a
montré qu’à l’époque de Benoît ce mot latin signifiait non seulement le service
militaire mais aussi n’importe quel service civil. L’idée fondamentale est donc celle de
service. Et nous sommes là, tout de
suite, au coeur de l’essence même de la vie cénobitique, le service. Dès le point de départ, Benoît présente la
vie monastique comme une vie de service – de service de Dieu exprimé dans un
service mutuel utilisant les instruments de l’obéissance, qui est toujours
l’obéissance à Dieu, mais qui, comme on le verra à la fin de la Règle, implique
l’obéissance mutuelle.
Toujours dans le même
Prologue, Benoît présente ensuite l’entrée au monastère comme l’expression d’un
désir de vie en plénitude. Il brosse le
tableau de Dieu venant sur la place publique et criant : « Quel est
celui qui désire la vie ? », le moine répondant : « C’est
moi ! ». Alors, continue
Benoît, vêtus de la foi et de la pratique des bonnes oeuvres, avec l’Évangile
comme guide, nous pourrons arriver à voir celui qui nous a appelés dans son
royaume.
Ensuite, Benoît présente
toute la vie monastique comme une école où l’on apprend à servir le Seigneur,
notre seul vrai Roi. Et le Prologue se termine par une nouvelle mention du
« royaume ». Après avoir
couru, le coeur rempli de joie, dans la voie des commandements du Seigneur, observant ses préceptes au sein de
la communauté, participant à travers les difficultés que cela peut comporter
aux souffrances du Christ, nous mériterons d’avoir part à son Royaume.
La place du Christ et de
son royaume est donc beaucoup plus centrale dans la vie du moine selon saint
Benoît qu’une lecture superficielle de la Règle pourrait nous faire
croire. Toute la vie du moine est une
vie de service en vue de ce royaume ; et toute l’ascèse monastique est une
école de service.
Armand
Veilleux
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