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Chapitre du 27 juillet 2014
Abbaye de Scourmont
La perle précieuse à
découvrir et à partager
Au cours
de la semaine dernière j’ai eu l’occasion de présenter à un groupe de jeunes
moines et moniales de notre Ordre comment nous avions reçu et appliqué dans
notre Ordre la Constitution conciliaire sur la liturgie votée par le Concile il
y a 50 ans. J’ai pensé important de resituer ce renouveau liturgique dans le
cadre général du renouveau spirituel fait dans notre Ordre après Vatican II.
Je suis
parti de la Déclaration sur la vie cistercienne du Chapitre Général de
1969. Presque cinquante ans plus tard, ce texte garde toute son
importance. En le relisant une fois de
plus je me suis rendu compte à quel point il comprend quelques intuitions
fondamentales qui ont animé toute notre réforme de l’Ordre depuis lors et qu’on
retrouve dans tous les documents que l’Ordre a rédigés au cours des 45
dernières années pour tracer les grandes lignes de son renouveau.
On y
retrouve d’abord l’orientation fondamentalement contemplative de notre vie monastique
cistercienne, « entièrement orientée vers l’expérience du Dieu vivant »,
à la lumière de l’Évangile, suivant la Règle de saint Benoît, dans laquelle, à
la suite de nos Pères de Cîteaux, nous voyons une interprétation concrète de l’Évangile.
Nous
retrouvons aussi dans ce document la dimension centrale de la communauté.
Si le moine ne doit rien préférer à l’Opus Dei, qui est l’expression
communautaire de sa prière, c’est qu’il ne doit rien préférer au Christ et,
plus précisément, à l’amour du Christ.
Ce qui
constitue le coeur de la vie monastique c’est la prière continuelle, ou cette
constante conscience de la présence amoureuse du Christ en nous. L’expression
communautaire de cette prière, plusieurs fois par jour, est le coeur de la vie
communautaire. C’est cette vision qui a
orienté toute notre réforme liturgique et qui doit orienter notre vie
liturgique de chaque jour.
L’une des
paraboles que nous livre l’Évangile d’aujourd’hui, est celle de la perle
précieuse. Si on veut vraiment l’acquérir, il faut se défaire de tout le
reste. Cette parabole a inspiré plusieurs écrits du christianisme primitif,
qui, ou bien trouvent leur origine dans des milieux monastiques, ou bien ont
inspiré l’expérience monastique. Nous en retrouvons quelques versions dans la
grande bibliothèque copte trouvée à Nag Hammadi en 1945, sur le site d’un ancien monastère
pachômien du 5ème siècle. Mais il y a surtout le Chant de la
perle, un des plus célèbres poèmes de la littérature syriaque. Dans tous
ces récits, l’intuition fondamentale est qu’il faut se défaire de toutes ses
richesses, de tout ce à quoi on est attaché, pour trouver enfin la véritable
pierre précieuse, qui est l’amour du Christ.
Et cela
nous ramène toujours à la dimension de la Communauté. C’est aussi pourquoi
saint Benoît considère la recherche de la « propriété privée » comme
le pire des vices pour les moines. Et dans l’Esprit de nos Pères de Cîteaux,
qui sont considéré l’Ordre comme une communauté de communautés, cette dimension
a aussi inspiré et doit continuer d’inspirer les relations non seulement entre
les personnes au sein de chaque communauté, mais aussi les relations entre les
communautés.
Lorsque le
Saint Père François appelle constamment à ne pas rester centrés sur nous-mêmes,
mais à aller vers les périphéries, il pense évidemment à l’importance de porter
le message de l’Évangile là où il n’a pas encore pénétré. Mais je crois que ce que François a en vue
est quelque chose de beaucoup plus général. Il nous appelle à vivre tous les aspects de notre vie, même les plus
intimes, en synergie avec tous ceux qui nous entourent. Il nous faut découvrir de nouvelles formes de
communion non seulement dans la prière, mais dans tous les aspects de notre vie
quotidienne, aussi bien entre nous qu’avec ceux qui nous entourent, au près et
au loin.
Récemment,
le 21 juin 2014, le pape François, visitant une région de l’Italie méridionale
où la mafia est toute puissante, a dit que ceux qui s’enrichissent en écrasant
les autres et en méprisant le bien commun sont excommuniés. Cette mention de l’excommunication a fait
sourciller plusieurs personnes, car ce n’est pas le langage habituel de
François. En réalité, il n’a pas
prononcé d’excommunication, il n’a pas fait allusion à aucune règle
canonique. Il a simplement constaté que
ces personnes s’étaient elles-mêmes excommuniées, séparées de la communauté.
Le message
n’est pas différent de celui de la Règle de Benoît.
Dans notre
recherche de la « perle précieuse », d’une vie de prière continuelle
dans la contemplation amoureuse de Dieu, il faut nous dépouiller de tous nos
égoïsmes, mais il nous faut aussi chercher toutes formes possibles de communion
entre nous et avec ceux qui nous entourent. Si la solitude est essentielle à la recherche de Dieu, l’isolement est
contraire à l’Évangile.
À l’opposé
de ce message de communion il y a celui des armes. Prions tout spécialement pour que justice
soit faite au peuple palestinien victime une fois de plus d’une attaque destructrice
aux proportions inouïes, et prions pour le peuple d’Israël, afin qu’il puisse
avoir des dirigeants qui pensent à autre chose qu’à infliger aux Palestiniens
le sort subi par les Juifs à l’époque de l’holocauste.
Armand Veilleux
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