Chapitre de Scourmont, 20 juillet 2014

 

 

Conclusion des Constitutions (C. 86)

 

 

C. 86                    Dans la joie de l'Esprit-Saint

 

Tels sont les constitutions et les statuts pour les moines de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance. Dieu veuille animer les frères du souffle de son Esprit pour que, en les mettant en application dans la charité fraternelle et la fidélité à l'égard de l'Église, ils s'acheminent joyeusement vers la plénitude de l'amour, sous la protection de la bienheureuse Vierge Marie, Reine de Cîteaux.

          Nous sommes donc arrivés au dernier numéro de nos Constitutions et à la fin de mon commentaire.  Ce numéro 86, qui prend la forme d’une prière n’a guère besoin de commentaire.  J’aimerais, en guise de conclusion, faire quelques réflexions générales sur la nature de notre Ordre, qui a conditionné l’élaboration de ces Constitutions. 

 

          Notre Ordre a été conçu par nos Pères du 12ème siècle, comme une communauté de communautés. Leur conception de l’Ordre s’inscrivait tout à fait dans la vision ecclésiale de l’époque patristique – une vision ecclésiale qui a été récupérée par Vatican II. 

 

          Dans cette vision, l’Église c’est tout d’abord le mystère de la communion dans lequel se réalise la communication de vie divine.  C’est pourquoi, l’Église, c’est tout d’abord l’Église locale ; et c’est la communion entre les Églises locales qui forme l’Église universelle, sacrement du mystère de salut dans le Christ.  L’Église locale n’est pas une subdivision administrative de l’Église universelle.  Au contraire, en chaque Église locale, si petite soit-elle, se trouve réalisé dans sa plénitude le mystère de communion qui fait l’Église universelle.

 

          Il n’est pas surprenant que nos Pères du 12ème siècle appellent la communauté locale un ecclesiola, une « petite église ».  L’Ordre est constitué par la communion entre les communautés locales autonomes.

 

          Au-dessus des communautés locales, il n’y a aucune autorité personnelle, mais bien une autorité collégiale, celle du Chapitre Général. Les communautés locales et leurs supérieurs ne reçoivent pas leur autonomie et leur autorité du Chapitre Général ; mais c’est au contraire le Chapitre Général qui dispose de la petite partie d’autorité que les communautés locales autonomes lui ont déléguée. (Cette délégation est faite à travers les Constitutions confirmées par le Saint-Siège).

 

          Le Chapitre Général ne fait jamais de fondation. Il donne simplement son approbation pour qu’une communauté locale en fasse une.  Et lorsque le Chapitre Général vote l’autonomie d’une fondation, qui devient alors prieuré ou abbaye, il insère simplement cette communauté (à laquelle il n’a pas donné l’existence) dans la communion de l’Ordre.  Il en va de même pour l’incorporation d’une communauté qui n’appartenait pas à l’Ordre.  Le Chapitre ne fait que l’incorporer dans la communion des communautés autonomes qui constituent l’Ordre. Il en va de même aussi lorsqu’une communauté doit, malheureusement cesser d’exister.  Le vote du Chapitre ne vient que confirmer la décision prise par la communauté locale (même si nos Constitutions  disent, de façon un peu gauche, que le Chapitre a le pouvoir de supprimer une communauté. Tout le contenu de la Cst. montre qu’il ne peut que confirmer la suppression.  En réalité, il n’enlève pas alors à la communauté son existence.  Il lui retire simplement son appartenance à l’Ordre.  Il n’a donc plus d’autorité sur elle (il y a là des conséquences qu’on n’a pas encore suffisamment mesurées).

 

          À notre époque où la plupart de nos communautés sont précaires – les quelques-unes qui jouissent d’un recrutement plus nombreux connaissant d’autres formes de précarité – il y a depuis longtemps dans l’Ordre la tentation de vouloir aider les communautés et les sauver en leur enlevant en tout ou en partie leur autonomie.  C’est là, à mon avis, une erreur qui engendre la précarité du corps entier.

 

          La réforme de La Trappe au 17ème siècle, tout comme toutes les grandes réformes tout au long de l’histoire de l’Ordre et du monachisme en général, montre que les renouveaux spirituels n’ont été possibles, dans les moments de précarité ou de décadences que lorsque des communautés locales ont eu assez d’autonomie – et l’ont utilisée – pour réaliser un renouveau que le grand corps de l’Ordre n’avait plus la force de réaliser.

 

          C’est une problématique qui sera au coeur de notre prochain Chapitre Général.

 

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

 


 

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