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18 mai 2014 – Chapitre à la Communauté de Scourmont
L’élection de l’Abbé
Général (Cst. 83)
Dans mon commentaire des derniers numéros de nos Constitutions, j’avais modifié
un peu l’ordre des numéros, pour commenter la Constitution sur le rôle de l’Abbé
Général au moment où Dom Eamon devait nous visiter. Il y a deux autres
Constitutions reliées à celle-ci, celle sur l’élection de l’Abbé Général et
celle sur son conseil. Voyons aujourd’hui celle concernant l’élection.
Jusqu`à l’époque
moderne, c’est-à-dire jusqu’à l’explosion de l’Ordre en diverses Congrégations
et le regroupement de celles-ci en deux grands Ordres, à la fin du 19ème siècle, on ne parlait pas d’un Abbé Général. C’était l’abbé de Cîteaux qui exerçait dans l’Ordre un certain nombre de
responsabilités entre les Chapitres Généraux. Il était élu par la communauté de
Cîteaux et les abbés des maisons filles de Cîteaux
Lorsque l’OCSO
fut créé en 1892, on décida d’avoir un Abbé Général, et, par une fiction
juridique, on en fit l’abbé de Cîteaux. Mais il ne faut pas oublier qu’à ce
moment-là la communauté de Cîteaux n’existait plus. À partir du moment où
Cîteaux fut refondé en 1898 avec des moines venus de divers monastères (y
compris de Scourmont), cette communauté se trouva dans la situation
particulière de ne pas pouvoir élire son propre abbé, puisque son abbé était l’Abbé
Général, élu par le Chapitre général. De plus, celui-ci ne résidait pas dans
son abbaye, Cîteaux, mais à Rome, et exerçait sa fonction d’abbé de Cîteaux à
travers le prieur claustral puis un abbé auxiliaire que l’Abbé Général
désignait. C’est ainsi que Dom Godefroy Bélorgey, moine de Scourmont, fut
supérieur auxiliaire de Cîteaux de 1932 à 1952. Mais il n’y a pas lieu d’entrer
ici dans les détails de l’évolution complexe de cette question de l’abbé de
Cîteaux. Restons-en à la question de l’élection
de l’Abbé Général de notre Ordre.
Jusqu’à l’époque
de nos nouvelles Constitutions, il a toujours été élu par les membres du
Chapitre Général des abbés. Lorsque les abbesses commencèrent à avoir leur
propres « Réunions d’abbesses » et plus tard leurs propres « Chapitres
Généraux », l’Abbé Général, qui était aussi le président du Chapitre
Général des abbesses continuait d’être élu uniquement par le Chapitre Général
des abbés. Au moment où, dans nos
nouvelles Constitutions, l’Ordre était considéré comme un Ordre unique, composé
de moines et de moniales, sous l’autorité suprême de deux Chapitres Généraux parallèles
mais interdépendants, avec un seul Abbé Général, il devenait de plus en plus
anormal d’avoir pour tout l’Ordre un Abbé Général élu uniquement par les
moines. Il fallait trouver une solution
pour faire participer le Chapitre des abbesses à son élection.
Je crois
pouvoir réclamer certains « droits d’auteur » sur la solution qui fut
proposée dans nos nouvelles Constitutions. Au moment où l’on cherchait une
solution dans les Conférences Régionales et à la Commission Centrale, je fus
invité au Québec, dans un contexte œcuménique, à faire une homélie lors de l’élection
d’un évêque anglican. Je vis alors comment se faisait cette élection : le
nouvel évêque était élu par deux « chambres », celle des clercs et
celle des laïcs, qui votaient séparément ; et pour être élu il fallait
avoir obtenu la majorité des voix dans les deux chambres. Cela me donna une idée ; et je proposai
que, de la même manière, notre Abbé Général soit élu par les deux Chapitres,
celui des abbés et celui des abbesses, votant séparément. Cette proposition fut acceptée et fut
intégrée dans le projet de Constitutions présenté à l’approbation du Saint
Siège et fut approuvée. Elle fut
utilisée pour la première fois pour l’élection de Dom Bernardo en 1990 et pour
ensuite pour celle de Dom Eamon, en 2008. Lorsque j’étais Procureur Général j’ai
appris par un officier de la Congrégation des Religieux qu’à la Congrégation,
même si l’on avait approuvé cette façon de faire, on était convaincu qu’elle ne
fonctionnerait pas et on avait prévu d’imposer une solution s’il y avait un
blocage. En réalité cela a fonctionné
très bien et sans aucun problème.
Désormais,
comme nous n’avons plus deux Chapitres parallèles mais un seul Chapitre Général
composé d’abbés et d’abbesses, le prochain Abbé Général sera élu par le
Chapitre unique.
Comment se
prépare une élection ? Il n’y a
évidemment ni période de campagne électorale, ni organe officiel de
préparation. Les abbés ont toujours eu
la possibilité de parler entre eux pour essayer de voir quels sont les
candidats les plus aptes à remplir cette tâche. Avant l’élection de Dom Ambroise, qui se faisait dans le contexte de la
réforme postconciliaire et après la démission de Dom Ignace, une des Commission
du Chapitre Général fut chargée de préparé un texte décrivant le rôle de l’Abbé
Général dans le contexte actuel de l’Ordre et de l’Église. Dom Ambrose faisait d’ailleurs partie de
cette commission (dont j’étais aussi l’un des membres). Ce texte fut approuvé par
le Chapitre. Il fut légèrement modifié
et aussi approuvé avant l’élection de Dom Eamon.
Dans les
mois qui précèdent un Chapitre Général, il y a évidemment des noms de candidats
possibles qui circulent. C’est une façon
de chercher la volonté de Dieu en se renseignant et en s’éclairant
mutuellement. Avant les deux dernières
élections (celle de Dom Bernardo et celle de Dom Eamon), certaines Conférences
régionales dialoguèrent sur un certain nombre de noms d’abbés qui pourraient
être élus. Lors de la dernière élection,
on alla un peu plus loin. Chacune des 15
Commissions mixtes du Chapitres y réfléchit et offrit une brève liste de noms
avec un commentaire ou une appréciation pour chacun. Les réflexions de chacune
de ces Commissions furent lues, sans aucune discussion en séance plénière. L’élection
eu lieu deux jours plus tard, après une demi-journée de prière silencieuse.
Qui peut
être élu. La situation a évolué au cours de l’histoire de l’Ordre. Traditionnellement, n’importe quel moine
pouvait être élu, même s’il n’était pas supérieur. D’après les Constitutions
successives de l’Ordre, depuis 1892, l’élu doit être un abbé en charge. Compte tenu de la formulation de nos
dernières Constitutions, la question s’est posée avant la dernière élection, à
savoir si un prieur titulaire (ou même un supérieur ad nutum) pouvait
être élu. La Commission de Droit fut appelée à diverses reprises à étudier
cette question et arriva toujours aux mêmes conclusions, qui furent contestées
par un membre de l’Ordre... mais il serait trop long d’entrer dans cette
question qui, concrètement, est plutôt théorique.
Armand VEILLEUX
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