Chapitre du 16 mars 2014  

 

Le rôle de l’Abbé Général (Cst. 82)

 

          J’ai commencé il y a quelques semaines le commentaire des numéros de nos Constitutions sur le Chapitre Général.  Je n’ai pas terminé ce commentaire, mais je vais l’interrompre pour le moment.  Étant donné que nous recevrons en fin de semaine la visite de l’Abbé Général, Je vais passer tout de suite à la Cst. 87 sur le rôle de l’Abbé Général dans notre Ordre.

 

          J’ai insisté à plusieurs reprises, dans mon commentaire des Constitutions, sur la façon dont nos Pères, les Cisterciens du 12ème siècle, ont su trouver un équilibre nouveau et tout à fait original entre la pleine autonomie des communautés locales et leur union dans un grand réseau de solidarité. L’une des intuitions de génie de la Carta caritatis est qu’au sein de ce réseau, différentes personnes ont des responsabilités pastorales réelles et importantes, sans posséder pour autant un « pouvoir » d’intervention dans la vie interne des communautés.  Concrètement, au-dessus de la communauté locale, il y a une autorité collégiale – celle du Chapitre Général --, mais pas d’autorité personnelle. L’Abbé Général n’est donc pas un maillon dans ce qui serait une chaîne de commandement. Son rôle est très important, mais il est autre.

 

Voici ce que dit la Constitution 82 :

 

L’Abbé Général, en tant que lien d’unité de l’Ordre, stimule les relations entre les communautés, tant de moines que de moniales.  Il veille au maintien et au développement du patrimoine de l’Ordre.  Avant tout il se montre pasteur et s’efforce de susciter un renouveau spirituel dans les communautés. Il visite les monastères selon la fréquence qu’il juge convenable pour une bonne connaissance de l’Ordre entier : ainsi peut-il aider fructueusement chaque supérieur et chaque communauté.

 

          Le rôle principal donné à l’Abbé Général est donc celui de maintenir et de nourrir la communion entre toutes les communautés de l’Ordre. Il a aussi un rôle de vigilance – un mot important qui revient souvent dans nos Constitutions – à l’égard du patrimoine de l’Ordre. Ce « patrimoine », comme le dit l’Avant-propos des Constitutions, c’est tout le « patrimoine spirituel solide » que nous ont livré les générations de moines et de moniales qui nous ont précédés, et « qui a trouvé son expression aussi bien dans les écrits, le chant, l’architecture et l’art que dans la saine gestion de leurs domaines ».

 

          L’Abbé Général n’est pas le supérieur immédiat (ou l’ordinaire, en termes canoniques), de personne, ni des abbés, ni des moines et moniales.  Il ne peut ni donner des ordres ni donner des permissions aux membres de l’Ordre. Cela ne veut pas dire que son rôle n’est pas très important. En plus du rôle premier de maintien de la communion, il y a un certain nombre de tâches qui lui sont confiées soit par les Constitutions, soit par le Droit universel.

 

          Ainsi, c’est évidemment lui qui convoque et préside le Chapitre Général. D’ailleurs, au cours des premières générations cisterciennes, le Chapitre Général était simplement le Chapitre de la communauté de Cîteaux auquel s’ajoutaient les abbés des maisons-filles. C’est pourquoi jusqu’à il n’y a pas tellement longtemps, l’Abbé Général était l’abbé de Cîteaux. Entre les Chapitres Généraux, il agit « au nom du Chapitre » dans les affaires qui lui sont confiées par le Chapitre, ou par le droit (aussi bien le droit de l’Ordre que le droit universel).  Ainsi, c’est à lui qu’a été confiée la tâche de confirmer les élections d’abbés et d’abbesses.  Quant aux démissions, c’est un peu différent. C’est au Chapitre Général qu’elles doivent être présentées. Si elles sont présentées lorsque le Chapitre Général n’est pas réuni, c’est encore au Chapitre Général qu’elles sont légalement présentées, mais l’Abbé Général a le pouvoir et la responsabilité de les accepter – ou de les refuser – au nom du Chapitre Général, en vertu d’une délégation qui lui est donnée par les Constitutions.

 

          La Cst. 82 dit qu’il n’a pas de pouvoir législatif ; c’est-à-dire qu’il ne peut pas faire de loi ou donner des directives s’appliquant à tout l’Ordre.  Par ailleurs il a le pouvoir de dispenser (en des cas particuliers) du droit propre de l’Ordre – non seulement des « Statuts », mais aussi des « Constitutions », en autant que celles-ci ne fassent pas que répéter le Droit universel. Il ne peut en effet dispenser du Droit universel.

 

          La Cst 82 ajoute : « Il ne peut décider au sujet des biens et des personnes des communautés, mais peut seulement prendre quelques mesures temporaires là où la nécessité le demande ». Puisqu’il s’agit de « mesures temporaires », cela exclut toute décision qui aurait un caractère irréversible.

 

          Même si nous ne sommes pas à strictement parler un Ordre « clérical », l’Abbé Général est considéré par le Droit ad instar, c’est-à-dire de la même façon que le Supérieur général d’un Ordre clérical. C’est à ce titre que le Droit lui confie directement un certain nombre de tâches qui ne relèvent pas du Chapitre Général. Par exemple, il peut dispenser des voeux temporaires, ce que le Chapitre Général ne peut pas faire. Il a aussi la tâche de représenter l’Ordre auprès du Saint-Siège et dans les divers organismes de communion entre les divers Ordres religieux, comme, par exemple, l’Union des Supérieurs Généraux.

 

          Le Droit prévoit que tout membre de l’Ordre peut avoir « recours » à l’Abbé Général (tout comme il peut aussi avoir recours au Père Immédiat), s’il juge qu’il n’est pas bien traité par son abbé ou sa communauté. Il y aurait lieu de bien faire la distinction entre « recours » et « appel » ; mais ce n’est pas le temps de le faire. Si je recours à l’Abbé Général, cela lui donne l’obligation d’intervenir en ma faveur auprès de mon supérieur immédiat, pour s’assurer que je suis bien traité selon le droit et le sens pastoral ; cela ne lui donne pas l’autorité d’agir à la place de mon supérieur immédiat.  Ainsi, si mon abbé me refuse une permission, je puis avoir recours à l’Abbé Général qui interviendra auprès de mon abbé pour étudier avec lui la situation et voir avec lui s’il n’y aurait vraiment pas lieu de me donner cette permission.  Mais cela ne confère pas à l’Abbé Général l’autorité de me donner cette permission.

 

          En résumé : toute la structure de l’Ordre est conçue en fonction de la Communion entre les communautés de l’Ordre en une grande Communauté de Communautés. Le rôle de l’Abbé Général est essentiellement de veiller, de plusieurs façons différentes, au maintien et au développement de cette communion.

 

 

 


 

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