23 février 2014

Chapitre à la Communauté de Scourmont

 

 

 

Le caractère juridique du Chapitre Général (Cst. 77,2)

 

          La semaine dernière nous avons étudié le premier paragraphe de la Cst. 77 sur le Chapitre Général au sein de notre Ordre.  Ce premier paragraphe, qui reprenait la terminologie même de la Charte de Charité, indiquait la nature du Chapitre Général, c’est-à-dire les raisons spirituelles et pastorales pour lesquelles les supérieurs de tous les monastères de l’Ordre se réunissent périodiquement.

 

          Le deuxième paragraphe a un caractère nettement plus juridique.  Il définit en termes canoniques comment le Chapitre Général se situe dans le cadre juridique établi pour toute l’Église par le Code de droit canon. Voici le texte de ce paragraphe tel qu’il a été revu par la Commission de Droit et soumis à l’approbation du Saint Siège après l’instauration en 2011 du Chapitre unique pour les moines et les moniales :

 

2

Tous les supérieurs et toutes les supérieures ainsi réunis en Chapitre Général exercent l'autorité suprême de l'Ordre. Il revient au Chapitre Général de formuler le droit des moines et des moniales et de veiller à son application. Le pouvoir ecclésiastique de gouvernement pour tout l'Ordre réside dans le Chapitre Général, conformément au canon 596 § 2 du CIC. Il est exercé par les abbés avec la coopération des abbesses, conformément au canon 129 § 1 et 2. 

 

          Arrêtons-nous d’abord à la première phrase. Elle affirme que tous les supérieurs et supérieures de l’Ordre, réunis en Chapitre Général, exercent l’autorité suprême de l’Ordre. Autorité « suprême » ne veut pas dire autorité « absolue ». Le Chapitre ne pourrait pas décider tout ce qui lui semblerait opportun.  L’extension et les limites de sa compétence ou de son autorité sont clairement définies dans la Constitution 79, que nous verrons plus tard.  Le Chapitre n’a aucun autre pouvoir que ceux qui lui sont donnés par cette Constitution.

 

          Dire que le Chapitre Général exerce l’autorité suprême dans l’Ordre, c’est dire qu’il n’y a aucune autorité dans l’Ordre au-dessus de lui.  Bien sûr il est soumis au Saint-Siège, dans la mesure où, s’il croyait devoir prendre une décision qui n’entre pas dans les limites de la compétence qui lui est donnée dans les Constitutions (approuvées par le Saint Siège) il doit en référer à celui-ci.

 

          Par ailleurs le texte de la Constitution que nous commentons ne parle pas de l’autorité du Chapitre Général comme s’il était une réalité abstraite, mais de l’autorité exercée par l’ensemble des supérieurs de l’Ordre lorsqu’ils sont réunis en Chapitre Général. C’est une façon de dire que le Chapitre Général est un « Collège » au sens juridique du terme, c’est-à-dire un groupe de personnes qui prennent leurs décisions à égalité de voix. Tous les membres du Chapitre sont des « capitulants » au même titre, qu’ils soient abbés ou prieurs ou supérieurs ad nutum, pères immédiats ou Abbé Général. L’Abbé Général est le « président » du Chapitre, c’est-à-dire qu’il a la responsabilité de le convoquer, d’en établir l’agenda et de voir à ce qu’il fonctionne à l’intérieur des limites de la compétence qui lui est donnée par les Constitutions.  Il n’a pas d’autorité sur le Chapitre.  Il est le primus inter pares, ayant un rôle important au sein du Chapitre, non une autorité sur le Chapitre.

 

          La phrase suivante dit que « Le pouvoir ecclésiastique de gouvernement pour tout l'Ordre réside dans le Chapitre Général ». L’expression « pouvoir ecclésiastique de gouvernement » est une expression utilisée dans l’Église après Vatican II, et dans le Code de canon de 1983, et qui correspond à ce qu’on appelait autrefois le « pouvoir de juridiction ecclésiastique ».

 

          Il s’agit d’une notion qui est en pleine évolution dans l’Église depuis Vatican II. Le Concile, dans son enseignement sur la nature de l’Église et dans l’organisation de ses décrets, fait constamment allusion aux trois fonctions ou rôles (munera) du Christ : celui de gouvernement, d’enseignement et de sanctification. Il y eut au Concile des discussions très vives au sujet de la distinction entre munus gubernandi  et potestas gubernandi. Ce fut même l’objet d’une nota praevia rédigée par la Commission théologique pour guider les Pères conciliaires dans leur compréhension de Lumen gentium, et qui fut publiée comme une annexe de la Constitution sur l’Église.

 

          Concrètement, cette distinction sur les trois rôles (munera) du Christ constitue l’arrière-fond de l’ordre des matières dans le Code de Droit Canon de 1983. Du « pouvoir ecclésiastique de gouvernement » il est question dans le titre 3 des normes générales. Des deux autres munera, il sera question dans le Livre III (La fonction d’enseignement de l’Église) et le Livre IV (La fonction de sanctification de l’Église).

 

          En se référant au Canon 596, §2 du Code, le texte des Constitutions que nous commentons, affirme que le Chapitre Général de notre Ordre – qui est considéré par Rome comme un « Institut religieux de droit pontifical » possède « le pouvoir ecclésiastique de gouvernement » (ou de juridiction ecclésiastique). Autrement, nous serions sous l’autorité des évêques locaux.

 

          La référence au Canon 129 est importante.  C’est le canon qui affirme que des « fidèles laïcs », c’est-à-dire des « non clercs » peuvent coopérer dans l’exercice de ce pouvoir.

 

          Tout cela pour dire, dans un contexte canonique en pleine évolution et pas toujours d’une clarté exemplaire que notre Chapitre Général, composé d’abbés (qui sont clercs) et d’abbesses (qui ne le sont pas !) constitue un collège unique exerçant dans l’Église le munus gubernandi du Christ ou « pouvoir ecclésiastique de gouvernement » appelé aussi « pouvoir de juridiction ecclésiastique ».

 

Armand VEILLEUX

 

 

 


 

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