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3 novembre 2013 – Chapitre à la Communauté de Scourmont
Le lien de l’unité (C. 71)
Nous abordons maintenant la troisième
(et dernière) partie des Constitutions, qui traite non plus de la communauté
locale mais de l’Ordre. Elle s’ouvre par
deux constitutions très importantes, toutes deux fruit d’une longue évolution
et de beaucoup de réflexion dans l’Ordre tout entier durant une vingtaine d’années: la Cst. 71 sur la nature de l’Ordre comme tel et
la Cst 72 sur le caractère mixte de notre Ordre.
Comme je l’ai souvent répété dans mes
commentaires, je suis convaincu que l’une des raisons du développement rapide
et extraordinaire de l’Ordre cistercien, au douzième siècle, et de sa vitalité
jusqu’à aujourd’hui, a été d’avoir trouvé un équilibre inédit entre l’autonomie
des communautés et leur union en un Ordre fortement structuré.
La Règle de saint Benoît a été écrite
pour des monastères autonomes ne dépendant pas l’un de l’autre. Les moines sont des Chrétiens comme les
autres qui, en ce qui concerne l’orthodoxie de la foi et la vie sacramentelle,
dépendent de la hiérarchie de l’Église. Il s’agit d’un groupe de Chrétiens qui se sont réunis pour vivre leur
vie chrétienne selon une forme de vie établie dans une Règle et reconnue par
l’Église comme une authentique voie de salut. L’autonomie signifie qu’aucune personne extérieure à la
communauté n’intervient dans la marche interne de la vie de la
communauté (qui doit être, évidemment, conforme aux règles générales s’appliquant
à tous les Chrétiens).
Dans tous les Instituts religieux
qu’on appelle « centralisés », il y a une forte autorité centrale –
qui réside dans le Chapitre Général ou dans le Supérieur Général, et qui est
partagée à des degrés divers par les supérieurs provinciaux, régionaux ou
locaux. La Société de Jésus (Jésuites) en est un bon exemple. Dans un Ordre
comme le nôtre, c’est l’inverse. Pour
former un seul Ordre, chacune des communautés locales délègue une petite partie de son autorité au Chapitre Général
(délégation réalisée à travers les Constitutions, approuvées par le Saint
Siège).
Le Chapitre Général est, comme on le
dit, l’autorité « suprême » de l’Ordre. Mais « suprême » ne veut pas dire
« absolue ». Le Chapitre n’est
pas libre de décider n’importe quoi. Il
n’a, sur les communautés, strictement que l’autorité qui lui est explicitement
donnée dans les Constitutions. Dans une
époque comme la nôtre, où, dans quelques parties de l’Ordre, plusieurs
communautés sont en situation précaire, le Chapitre Général a tendance – je
dirais la tentation --, pour les aider, à prendre des décisions qui peuvent
facilement enfreindre leur autonomie et risque, par le fait même de leur rendre
plus difficile de reprendre un nouveau souffle. L’équilibre cistercien entre autonomie et communion est très subtil, et
doit être préservé. La communion entre
les monastères est une communion de charité et d’entraide, non un système
d’interventions arbitraires.
Il y a dans l’Ordre un Abbé Général,
qui n’est pas le supérieur des abbés locaux, et n’a pas sur eux ni sur les
communautés d’autorité directe, mais qui reçoit à travers les Constitutions une
délégation pour travailler au maintien de la communion entre les monastères et
pour poursuivre, entre les Chapitres Généraux, certaines des tâches confiées à
celui-ci.
Le titre de la Constitution 71 est
« Le lien de l’unité ». C’est un beau titre, qui correspond bien à toute cette section des
Constitutions. Le titre initial (au
moment de la rédaction des Constitutions) était « La
collégialité de l’Ordre cistercien ». Mais ce mot faisait peur à certains. Il y avait eu au cours des années qui
précédèrent l’approbation des Constitutions, de longues discussions, dans les
Régions, entre les Régions et au sein du Consilium Generale (ou Commission Centrale) et du Chapitre Général concernant cette fameuse
« collégialité ».
Au cours du grand mouvement de
renouveau après Vatican II, et durant la longue période de révision de nos
Constitutions, il était apparu que cet effort de renouveau était un devoir
collectif de tous, et qu’il y avait chez tous les moines et moniales de l’Ordre
une responsabilité en ce domaine. Il
était aussi apparu que tous ceux qui avaient dans l’Ordre l’autorité dans une
communauté locale avaient aussi, avec tous les autres supérieurs, une autorité
collégiale envers l’Ordre tout entier. Pour des raisons difficiles à
comprendre, cette notion de « collégialité » faisait peur à certains,
y compris des personnes très influentes alors dans l’Ordre. Au moment du vote
définitif sur le texte de ces constitutions, le substantif
« collégialité » n’est pas resté dans le
texte, mais bien l’adverbe « collégialement » et surtout la réalité
de la collégialité.
C. 71 Le lien de l'unité
1
Les monastères autonomes de l'Ordre
Cistercien de la Stricte Observance dispersés à travers le monde sont unis
entre eux par le lien de la charité et par une commune tradition de doctrine et
de droit.
Le premier paragraphe affirme de façon
succincte et claire que l’Ordre est constitué par l’union, dans des liens de
charité et une commune tradition de doctrine et de droit, entre des monastères
autonomes dispersés à travers le monde. Nous avons là les deux éléments complémentaires : autonomie et
union.
La réalité première n’est pas l’Ordre,
mais bien la communauté locale. L’Ordre existe du fait que des communautés se
sont unies pour le former ; et il se développe par le fait que de
nouvelles communautés, fondées par des communautés autonomes sont intégrées
dans cette unité – ou que d’autres communautés déjà existantes et vivant du
même esprit sont incorporées à l’Ordre.
2
Leurs supérieurs sont unis par
le lien de la sollicitude pour le bien de chaque communauté.
Le deuxième paragraphe en déduit que
les supérieurs de ces communautés autonomes sont unis par le lien de la
sollicitude pour le bien de chaque communauté. Ce qui est lourd de conséquence – et qui a toujours été la
caractéristique et la force de notre Ordre : lorsqu’un moine, en étant élu
abbé, acquiert la responsabilité pastorale sur une communauté locale, il
acquiert en même temps, avec tous les autres supérieurs de l’Ordre, une
certaine responsabilité pastorale (ou en tout cas un devoir de sollicitude
pastorale) sur tous les monastères de l’Ordre.
Conséquemment, lorsqu’une communauté
élit quelqu’un pour être son abbé, elle doit être consciente que la personne qu’elle s’élisent assumera en même temps des responsabilités
dans l’Ordre, surtout si la maison dont il devient abbé a de nombreuses maisons
filles.
3
Ils exercent collégialement
cette charge pastorale et l'autorité suprême dans l'Ordre quand ils
s'assemblent en Chapitre Général.
Cette responsabilité, comme le dit le
nº 3, s’exerce essentiellement au cours des Chapitres Généraux, mais elle
s’exerce aussi à travers diverses structures de l’Ordre. Parmi celles-ci, la plus ancienne et toujours
la plus importante est celle de la filiation, à laquelle se rattache, au moins
en principe la Visite Régulière. Celle-ci n’est pas une intervention décisionnelle d’une autorité
extérieure dans la vie d’une communauté, mais une aide pastorale pour amener
une communauté à bien évaluer sa situation et à prendre elle-même les décisions
nécessaires. Ceci est dit dans le nº 4 de cette Cst.
4
Cette même charge pastorale
est mise en œuvre sous la direction du Chapitre Général, à travers les
institutions de la filiation et de la visite régulière, et aussi par les
rencontres de supérieurs et les divers services qui favorisent le bien de tout
l'Ordre.
À ces structures traditionnelles s’en
ajoutent d’autres plus récentes, comme les conférences régionales ou d’autres
rencontres moins officielles de quelques supérieurs ou d’un grand nombre, ainsi
que tous les autres services dans les domaines de la formation ou de
l’administration temporelle.
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