Chapitre du 13 octobre 2013

à la Communauté de Scourmont

 

 

Les Fondations dans l’Ordre (C. 68)

 

          La deuxième partie de nos Constitutions, qui est de beaucoup la plus longue des trois, et qui est consacrée à tout ce qui concerne la vie de la communauté locale se termine par un chapitre (ch. 6) consacrée aux fondations, et qui sert en quelque sorte d’introduction à la troisième partie consacrée à l’Ordre.

 

          Nous avons aussi un Statut des Fondations qui décrit comment se fait une fondation et toutes les étapes à suivre à partir du moment où une communauté pense à faire une fondation jusqu’à l’accession de cette dernière à l’autonomie et au rang d’abbaye.  La Constitution 68 intitulée « les fondations » se contente de donner les principes fondamentaux.

 

C. 68                Les fondations

 

1

Devant l'accroissement de leur nombre ou à quelque autre signe de la Providence, que les frères sachent qu'ils sont peut-être appelés à propager ailleurs la vie monastique. Qu'ils examinent alors avec soin si, tout en respectant les règles de la prudence, mais aussi en s'engageant avec confiance et générosité, quelque fondation ne pourrait être entreprise, et s'ils n'accepte­raient pas de participer, sous le mode monastique, à la présence contem­plative de l'Église en vue de parfaire la mission de celle-ci d'annoncer l'Évangile. Qu'ils soient spécialement attentifs à la demande du second Concile du Vatican d'implanter la vie monastique dans les jeunes Églises.

 

          Cette Constitution renvoie explicitement à Vatican II, mais c’est à l’invitation de Pie XII que l’Ordre avait commencé à partir des années ’50 du 20ème siècle à faire des fondations en Afrique, puis en Amérique Latine et ensuite en Asie et Océanie, sans cesser de faire encore quelques fondations en Europe et en Amérique du Nord.

 

          À Vatican II, c’est dans le Décret conciliaire Ad Gentes, sur l’activité missionnaire de l’Église, que se trouvent deux mentions des fondations monastiques dans les Jeunes Églises.  Il y a tout d’abord une première mention au nº 18. C’est à la fin du chapitre 2, sur l’activité missionnaire, dans l’article 3, portant sur la formation de la communauté chrétienne.  On y parle de l’instauration de diverses formes de vie religieuse, aussi bien active que contemplative, et on y dit : « La vie contemplative relevant du développement complet de la présence de l’Église, il faut qu’elle soit instaurée partout dans les jeunes Églises ».

 

          Le principe de base à cette réflexion est que la dimension contemplative appartient à l’essence même de l’Église.  L’Église étant par nature « visible » (elle est le « sacrement » ou manifestation visible du salut apporté par le Christ), il est donc nécessaire que, dans toute Église locale, elle soit visible sous tous ses aspects.  La chose la plus importante est évidemment que tout chrétien développe la dimension contemplative de sa vocation chrétienne ; mais il est également important qu’il y ait, dans chaque Église locale, à travers la présence de communautés vouées à la contemplation, la manifestation visible de cette dimension de l’Église.  C’est pourquoi le texte de Ad Gentes est très fort.  Il ne s’agit pas simplement d’un conseil ou d’une invitation.  Il est dit qu’il faut que la vie contemplative soit instaurée partout dans les jeunes Églises. 

 

          Et puis, à la fin du Décret, dans le chapitre sur la coopération, où sont décrit les responsabilités de tous les acteurs de la mission, il est parlé des Instituts de vie contemplative, et, cette fois, ils sont invités à fonder des maisons dans les territoires de missions (nº 40).

 

          Cette conscience missionnaire est, de nos jours, le principal motif qui conduit certaines communautés à faire des fondations ; mais ce n’est pas le seul.  Le début de notre Constitution 68 en énumère d’autres : « Devant l'accroissement de leur nombre ou à quelque autre signe de la Providence, que les frères sachent qu'ils sont peut-être appelés à propager ailleurs la vie monastique. »  Peu de communautés sont de nos jours amenées à faire des fondations simplement par suite de l’accroissement de leur nombre.  En général il s’agit bien d’un appel ressenti à porter la vie monastique là où elle n’est pas encore.  Ce peut être un endroit même dans les vieilles Églises, où elle n’est pas encore, comme ce peut être, de nos jours, l’ouverture à l’Europe de l’Est, ou encore dans le monde arabe.

 

          Évidemment une communauté ne doit pas se jeter tête baissée dans l’aventure qu’est une fondation.  Elle doit donc faire un sérieux discernement (dont les étapes sont prévues dans le Statut sur les Fondations), où sont sans doute respectées les règles de la prudence, mais où elle doit aussi s’engager avec confiance et générosité.  Elle peut le faire d’autant plus qu’elle n’est pas seule, mais appartient à un Ordre.

 

          C’est pourquoi la Constitution suivante (nº 69) parle de la responsabilité de tout l’Ordre à l’égard des fondations. (Nous y reviendrons dimanche prochain).

 

          L’Ordre comme tel ne fait jamais de fondation.  Ce ne sont pas non plus des membres individuels de l’Ordre qui peuvent faire une fondation.  C’est toujours une communauté qui en engendre une autre, lui transmettant sa tradition et son esprit.

Une fondation ne peut non plus être le projet d’une seule personne. Il y a, bien sûr, l’une ou l’autre fondation commencée par un membre de l’Ordre ou faite en dehors de l’Ordre par des personnes « charismatiques » et qui ont été par la suite incorporées à l’Ordre. Ce sont des cas exceptionnels et tout à fait différent des situations malheureusement plus nombreuses où des personnes insatisfaites de ce qu’elles vivent dans leur communauté se découvrent une vocation de fondateur ou de fondatrice. 

 

          Scourmont a fait deux fondations dans des conditions tout à fait différentes. Il y a eu tout d’abord celle de Caldey. Il y avait eu des moines sur l’île de Caldey depuis le 6ème siècle jusqu’à l’époque d’Henri VIII. Au début du 20ème siècle un groupe d’Anglicans y avaient restauré la vie monastique, mais ils se convertirent ensuite au catholicisme et quittèrent l’île.  C’est à la suite d’une demande du Saint Siège faite à notre Ordre que Scourmont y fit sa première fondation en 1929.

 

          La fondation de Mokoto en 1954 fait partie des premières fondations de notre Ordre en Afrique en réponse à l’appel de Pie XII. Elle se situe aussi dans le contexte du rôle joué par la Belgique au Congo.

          Lorsque la communauté de Scourmont fonda Caldey, elle renonça à un projet de fondation en Inde qu’elle avait commencé de développer à la demande du Père Monchanin.  Père Francis Mahieu qui était entré à Scourmont avec le désir de participer à cette fondation en Inde reçut la permission d’aller rejoindre le Père Henri Le Saux et l’abbé Monchanin à Shantivanam et fonda plus tard au Kerala la communauté de Kurisumala, rattachée à un diocèse de rite oriental. Comme on le sait cette fondation qui connut un grand essor fut finalement incorporée dans l’Ordre peu avant la mort du Père Francis (Acharya).

 

          Cette fondation de Kurisumala faite par un moine cistercien et non par une communauté, mais plus tard rattachée à l’Ordre est souvent donnée comme référence par des moines ou des moniales voulant se lancer dans leur propre projet individuel.  Ce qu’il faut ne pas oublier c’est que lorsque Père Francis se lança dans ce projet, il le fit dans l’obéissance, avec les permissions nécessaires ; et surtout, il avait une longue expérience de vie monastique et de père maître. Mais cette histoire est bien connue...

 

Armand Veilleux

 

 

 


 

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