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22 septembre 2013
Abbaye de Scourmont
Le mystère des départs
(Cst. 61-62-63)
Ayant
décidé de commenter tous les numéros de nos Constitutions, je dois poursuivre
mon commentaire de la section concernant les diverses formes de séparation de
la communauté, même si ce n’est pas ce qui est le plus enthousiasmant. (Après,
nous arriverons à la section sur les fondations qui nous introduira à la 3ème partie concernant les relations entre les communautés de l’Ordre). Cette
section contient de nombreuses données de caractère juridique ; mais il
convient de ne pas oublier que le passage le plus important de cette section reste
le premier (i.e. la C. 60), qui rappelle la sollicitude pastorale que doivent
avoir la communauté et l’abbé à l’égard de ceux qui peuvent choisir de partir –
ou être amenés à partir.
Pour
quelqu’un, reconnaître après quelques mois, ou quelques années, ou parfois
plusieurs années, qu’il n’a pas fait le bon discernement, ou qu’il n’est plus
capable d’assumer les engagements qu’il a pris, n’est jamais quelque chose de
facile à vivre ; et c’est toujours une décision enveloppée de mystère.
S’il faut aider la personne à bien faire ce discernement, dans la mesure où
elle se laisse aider, il est tout aussi essentiel de respecter le mystère d’une
décision que, finalement, la personne doit assumer seule en pleine liberté et
responsabilité.
Le Pape François vient de
donner au père Antonio Spaldaro,directeur de la revue jésuite italienne La civiltà cattolica un long interview qui est paru dans plusieurs
publications jésuites. On y trouve ce profond respect de toute personne
humaine, quelle que soit sa situation, auquel François nous a déjà habitués. Parlant
de situations morales complexes, où l’enseignement de l’Église est clair, il a
cette phrase extraordinaire : « l’ingérence
spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible ». Ce principe de non ingérence peut s’appliquer
dans les situations dont traite cette section de nos Constitutions. Lorsqu’une personne a entrepris un
discernement qui peut l’amener à un changement dans l’orientation de sa vie, ou
qu’elle est en crise, ceux qui ont une responsabilité pastorale à son égard
peuvent l’aider de plusieurs façons, mais en fin de compte, ils ne peuvent s’ingérer (c’est le mot utilisé par François) là où, au fond de son cœur, la personne
doit prendre sa décision devant Dieu. Et lorsque la décision est prise, qu’on
la trouve juste ou erronée, on doit aider la personne à la vivre de façon
positive et non destructrice.
Il y a des cas où
une personne, sans remettre en cause sa décision de se consacrer à Dieu dans la
vie religieuse, décide de demander de passer dans un autre institut religieux
et donc à une forme différente de vie consacrée. Pour les formalités à
respecter, nos Constitutions (C. 61) renvoient simplement dans ce cas aux prescriptions
du Droit Commun.
On trouve ensuite
dans cette section ce qui concerne l’exclaustration (C. 62). L’exclaustration
est simplement la permission de vive en dehors du « cloître » (extra claustrum) pour un certain temps. Cela peut se
faire avec un indult de l’Abbé Général pour les moines mais un indult du Saint
Siège est nécessaire dans le cas d’une moniale. Dans tous les cas l’avis du
supérieur et de son conseil, ainsi que celui du Père Immédiat sera demandé.
Il faut une « raison grave » pour
demander une exclaustration. Celle-ci est souvent une sorte de période de
transition vers une sortie définitive, mais pas toujours. Ce peut être une
période où quelqu’un prend provisoirement un certain recul après avoir vécu des
tensions – intérieures ou extérieures. Ce peut aussi être pour exercer un
devoir envers ses parents âgés et malades. Il arrive parfois que des personnes
qui vivent en dehors de la communauté depuis assez longtemps sans aucun indult
ne veulent pas demander d’exclaustration, car ils y voient une sorte de marque
négative. Il faut leur expliquer que
l’indult d’exclaustration ne ferait alors que donner une légitimité à leur
situation présente.
Le moine « exclaustré » conserve
toutes les obligations de ses vœux, mais est dispensé des obligations
communautaires incompatibles avec sa situation provisoire. Il reste sous la
« cura pastoralis » de son abbé.
S’il est prêtre il est sous l’autorité de l’évêque du diocèse où il se trouve
en ce qui concerne l’exercice du ministère. (D’ailleurs, pour qu’il reçoive
l’indult un évêque devra avoir accepté qu’il vive dans son diocèse). Il peut porter son habit religieux, à moins
que cela ne lui ait été interdit dans l’indult même. Il devra évidemment user
de sagesse et de discernement à cet égard.
La Cst. suivante (63) parle du départ d’un
profès à vœu temporaire. Un profès à vœux temporaires peut, pour une raison
grave, demander un indult de sortie à l’Abbé Général qui pourra le donner avec
l’accord de son conseil. Chose curieuse, l’Abbé Général peut dispenser une
moniale de ses vœux temporaires et lui donner un indult de sortie, alors qu’il
ne peut lui donner un indult d’exclaustration. (Cela relève de l’attitude assez
complexe de Rome à l’égard de la clôture papale des moniales !).
À la fin de ses vœux temporaires, le profès est
évidemment libre de partir s’il le désire, sans autres formalités. Par
ailleurs, il « doit » être admis à la profession solennelle, s’il est
jugé apte à la vie monastique. Il est parfois difficile de faire comprendre aux
communautés, qu’il s’agit vraiment d’un « droit » acquis ; et
que la seule raison justifiant la non acceptation à renouveler les vœux
temporaires est qu’on juge la personne « inapte à la vie monastique ». Le supérieur qui juge qu’il ne doit pas
appeler un profès temporaire à renouveler ses vœux, ou qui juge qu’il ne doit
pas le présenter au vote de la communauté pour la profession solennelle, doit
cependant entendre son conseil. Ceci a pour but d’éviter une décision qui
serait trop arbitraire.
Il nous restera à traiter la prochaine fois la
situation, plus sérieuse, de l’éventuel départ d’un profès à vœux solennels et
la situation beaucoup plus rare de renvoi ainsi que celle de la réadmission de
quelqu’un parti légitimement.
Armand Veilleux
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