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Chapitre du 18
août 2013
L’appel à l’ordination (Cst. 57)
Le long
chapitre de nos Constituions sur la formation se termine par deux numéros, l’un
parlant de l’ordination sacerdotale et l’autre de la formation continue. Ces
deux Constitutions sont plutôt brèves et renvoient simplement, d’une part aux
normes du droit canon, en particulier en ce qui concerne l’ordination ; et
à la Ratio en ce qui concerne la
formation continue.
Le
mouvement monastique, au sein de l’Église, a été dès le point de départ, un
mouvement « laïc ». Assez souvent, durant les premiers siècles, la
hiérarchie voyait ce mouvement avec méfiance et crainte. Au moins jusqu’à ce
que des évêques clairvoyants comme Athanase à Alexandrie et Basile en Cappadoce
perçoivent la richesse que cela pouvait représenter pour l’Église, aussi bien
que la nécessité de le bien orienter. Lorsqu’Athanase écrit la Vie d’Antoine, son but est, d’une part, de lui donner une
reconnaissance officielle face à toute l’Église et, d’autre part, de lui tracer
des directives spirituelles bien claires.
À cette
époque les moines fuyaient en général les évêques pour éviter d’être ordonnés,
car s’ils étaient ordonnés ils cessaient d’être moines et quittaient le monastère
pour assumer un ministère apostolique actif. Plus tard des moines devenus évêques regroupèrent autour d’eux des
communautés quasi-monastiques, pour poursuivre avec les membres de cette
communauté une forme de vie communautaire, tout en se donnant à leur activité
épiscopale. Ce fut l’origine lointaine
des Chanoines Réguliers.
Même si le
monachisme est, de sa nature, laïc, il était devenu tout à fait clérical aux 11ème et 12ème siècle, bien que
tous les moines n’étaient pas prêtres. Les premiers cisterciens, en instituant
les frères convers, permettaient à des laïcs de mener une forme de vie
monastique, sans être clercs. Au cours
des siècles qui suivirent la coutume s’établit qu’à peu près tous moines de choeur deviennent prêtres alors que chaque communauté
comprenait un large groupe de frères convers qui appartenaient à la communauté,
mais n’était pas moines. Les frères convers recevaient en général très peu de
formation intellectuelle après leur entrée en communauté. Avant leur entrée, certains
pouvaient avoir reçu une excellente formation intellectuelle et
professionnelle, mais, en général, ils avaient une formation plutôt limitée). D’autre
part, les choristes, dès le moment de leur première profession, entreprenaient
un cycle de formation théologique qui était copié sur celui que suivaient les
séminaristes qui se préparaient à l’ordination dans le clergé séculier.
Il y eut,
dans les années 1950, un double mouvement dans les communautés de notre Ordre,
de même que dans les autres Ordres monastiques. D’une part, un nombre assez important de jeunes moines, tout en étant
des moines de choeur, désiraient demeurer laïcs et ne
pas être appelés au sacerdoce. Il fallait prévoir pour eux, après leurs voeux temporaires une période de formation qu’on appela le monasticat, qui se voulait une solide formation
intellectuelle aussi bien que spirituelle, mais spécifiquement monastique et
non plus un cursus d’études correspondant à celui des Grands Séminaires. D’autre part, on trouvait de moins en moins
normal, à cette époque, d’avoir au sein d’une même communauté deux catégories
de membres, les uns étant moines choristes et les autres étant frères convers.
On réalisa alors ce qu’on a appelé l’unification de nos communautés, qui ne fut
pas la suppression des frères convers, mais la suppression de la division des communautés
en deux groupes de membres avec des obligations et des droits distincts.
Désormais, dans nos communautés,
tous sont moines, avec les mêmes droits et les mêmes obligations. Il demeure cependant
possible pour les membres d’une communauté d’avoir des équilibres différents
entre les éléments essentiels de la vie monastique comme le travail et la
prière commune, tous n’ayant pas nécessairement la même quantité d’heures de
travail et la même participation à la prière commune.
Nous sommes revenus dès lors à la
situation qui régnait à l’époque de saint Benoît. C’est-à-dire qu’on entre au
monastère pour vivre la vie monastique et non pas pour être prêtre. La communauté,
à travers celui qui, à ce moment-là, est abbé, peut appeler certains à devenir
prêtres pour le service de la communauté. Celui qui est moine et qui devient
prêtre n’est pas plus moine parce qu’il est devenu prêtre ; mais il ne l’est
pas moins non plus. Et le prêtre moine n’est pas un meilleur prêtre parce qu’il
est moine.
La vocation monastique et la
vocation sacerdotale appartiennent en effet à des ordres différents de réalité.
La vie monastique est un mode de vie chrétienne, une voie que l’on choisit
parce qu’on perçoit que c’est, entre toutes les formes de vie chrétienne, celle
qui nous permettra de mieux réaliser le « nom » que Dieu nous a
donné. Quant au sacerdoce, il est un service – un service auquel on doit être
appelé. Quelqu’un peut avoir un grand désir de devenir prêtre ; mais on ne
peut parler de « vocation » au moment où il est appelé (vocatus), ou bien
par l’évêque s’il s’agit du clergé diocésain, ou bien par l’abbé, s’il s’agit
du sacerdoce d’un moine.
Ce que dit notre Constitution 57 c’est
que, lorsque l’abbé veut procéder à l’ordination d’un diacre ou d’un prêtre
pour son monastère, il doit suivre ce qui est prescrit dans le droit
universel. Concrètement il doit s’assurer
que la personne a les qualités requises, et aussi qu’il a terminé les études
demandées par le droit. Même si aucun vote n’est strictement requis, il lui est
recommandé de consulter le chapitre conventuel ou au moins son conseil, puisqu’il
s’agit d’appeler quelqu’un à remplir des services à l’égard de la communauté.
L’ordination elle-même, soit au
diaconat, soit à la prêtrise, est réservée à un évêque. L’abbé en fera donc la
demande à un évêque, à travers des « lettres dimissoriales ». Ce ne
sera pas nécessairement l’évêque du lieu, mais c’est normalement ce qui
convient, pour conserver les bonnes relations entre l’abbaye et le diocèse dans
lequel celle-ci se trouve. Par ailleurs un évêque ne pourrait pas ordonner un
moine licitement sans avoir reçu la demande de l’abbé. C’est ce dernier qui
demeure, en jargon canonique, l’ordinaire du moine, après comme avant l’ordination de celui-ci.
Pour un moine devenu prêtre, il aura
l’exigence additionnelle de maintenir l’harmonie entre sa vocation monastique et
les formes de service sacerdotal qu’il pourra être appelé à remplir,
normalement à l’égard de sa communauté et, occasionnellement, au nom de la
communauté, à l’égard de personnes de l’extérieur.
Armand VEILLEUX
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