Chapitre du 28 juillet 2013

Abbaye de Scourmont

 

 

La formation des novices (commentaire de la Const. 49)

 

 

          Nous avons vu, la semaine dernière la Constitution 48 qui parlait de l’admission au noviciat. Voyons maintenant celle qui parle de « la formation des novices » (Cst. 49).  Dans son interprétation il faut tenir compte du fait que ce texte a été écrit dans les années ’70 et ’80, à l’époque où il y avait normalement un petit groupe de novices, à peu près tous du même âge et plutôt jeunes au noviciat. Ils formaient, avec le père-maître une petite communauté, surtout s’il s’y ajoutait quelques jeunes profès qui demeuraient en général au noviciat environ un an après leur première profession. De nos jours, sauf quelques monastères, le nombre des novices est plus réduit, ils sont de divers âges et souvent ils ont déjà reçu une bonne formation dans divers domaines professionnels avant d’entrer.  Les principes de base exprimés dans nos Constitutions demeurent tout aussi valables, mais ils doivent être interprétés et appliqués différemment selon les circonstances. Voici le texte de C. 49.1 :

 

Le maître des novices aide les débutants à s'intégrer dans la famille monas­tique. Il les initie aux pratiques monastiques, particulièrement à l'Œuvre de Dieu, à la lectio divina, à la prière et au travail manuel. Durant le noviciat, on ne confie aux novices aucune charge ni occupation qui puisse mettre obstacle à leur formation. Par leur prière et leur exemple, tous les frères les soutiennent et les entraînent à persévérer.

          Le principe général est exprimé par la première phrase : « Le maître des novices aide les débutants à s'intégrer dans la famille monastique ». C’est en s’intégrant dans la famille monastique qu’est la communauté que l’on devient moine. Chaque novice doit le faire lui-même. Personne ne peut le faire à sa place. Le rôle du maître des novices est de l’aider à le faire. La première aide consistera à l’initier aux « pratiques monastiques ». Ces pratiques sont ce qui constitue la forme particulière de vie humaine et chrétienne qu’on appelle la « vie monastique ». Elles n’ont pas de valeur en elles-mêmes, mais simplement dans la mesure où elles conduisent vers le but qui est la prière continuelle ou la configuration au Christ, ou, pour le dire en d’autres mots, l’union contemplative avec Dieu. Les principales parmi ces pratiques sont énumérées ici : L’Œuvre de Dieu, la lectio divina, la prière (sous ses diverses formes) et le travail manuel.  Le mode d’initiation à ces pratiques variera évidemment d’un candidat à l’autre selon son expérience antérieure ; par ailleurs l’intégration dans la famille monastique ne sera possible que si le novice, quelle que soit son expérience antérieure et ses compétences, démontre une attitude de disciple – disciple tout d’abord à l’égard de la forme de vie proprement monastique et de ses pratiques.

          Il est dit ensuite qu’on ne confiera aux novices « aucune charge ni occupation qui puisse mettre obstacle à leur formation ». L’entrée dans une nouvelle forme de vie requiert toute l’énergie et toute l’attention psychique et spirituelle. La transition, ou la conversion d’une vie à l’autre, ne se fera pas si toute l’énergie et les préoccupations d’une personne sont prises par l’exercice d’une charge importante.  Par ailleurs, la vie communautaire est faite de services mutuels. Il est donc normal qu’un novice puisse avoir durant son noviciat la responsabilité d’un service à l’égard de la communauté. Un bon test de vocation pourra consister à vérifier comment il peut exercer un tel service sans se laisser accaparer par lui et surtout sans s’y identifier.  

          Finalement il est dit que tous les frères soutiendront et entraîneront les novices à persévérer « par leur prière et leur exemple ». C’est une façon un peu subtile de rappeler que tous ne doivent pas essayer de jouer au père-maître ou de se transformer en maître spirituel des novices, mais qu’à moins d’être maître des novices ou d’être appelé à partager en tel ou tel domaine la tâche de celui-ci, notre rôle se limitera à la prière et à l’exemple.

          Vient ensuite un statut qui dit que pour rendre plus aisée la formation des novices il convient de leur réserver des locaux particuliers dans le monastère.

               ST 49.1.A

Afin de rendre plus aisée la formation des novices, il convient de leur réserver des locaux particuliers dans le monastère.

               L’intention de ce statut n’est pas de protéger les novices de la communauté comme on l’entend parfois en certaines communautés, mais, comme l’explique la Ratio, que les novices s’initie à la vie communautaire en formant entre eux une petite communauté.  Cela suppose évidemment qu’il y ait un petit groupe au noviciat. S’il n’y a qu’un ou deux novices, l’endroit où se trouvent leurs cellules n’est pas d’une très grande importance.

          Il n’est pas rare de trouver un maître ou une maîtresse des novices qui essaye de configurer la petite communauté du noviciat selon sa vision personnelle de la vie monastique, qui n’est pas nécessairement celle de l’abbé ou de l’abbesse ou de la communauté dans son ensemble. Cela conduit facilement à des désastres. C’est pourquoi a été ajouté un autre statut qui dit qu’il doit exister en l’abbé et le maître des novices une « sincère et solide unité d’esprit, de coeur et d’orientation ».  Et il est ajouté que cela est une condition tout à fait nécessaire pour une vraie formation des novices.

ST 49.1.B

Il faut qu'existe entre l'abbé et le maître des novices une sincère et solide unité d'esprit, de cœur et d'orientation : c'est la condition tout à fait nécessaire pour une vraie formation des novices. Ensemble ils déterminent l'ordonnance du noviciat, qui est présentée par l'abbé à la communauté en vue de susciter sa collaboration.

               Enfin après ces statuts la Constitution comprend un deuxième paragraphe qui souligne l’importance de la maturité affective, d’autant plus que la vie commune est conçue par nos Pères cisterciens comme une schola caritatis.2

Même en cette école de l'amour qu'est le monastère, il peut surgir des obstacles à la pleine maturité affective. Aussi importe-t-il au plus haut point que la communauté offre aux frères une aide pour surmonter ces difficultés. Que le maître des novices veille constamment à discerner les traits de caractère de ceux-ci et leurs progrès, qu'il les conduise à la connaissance de soi. Au besoin il a recours à des spécialistes en la matière. La formation des novices n'est confiée qu'à des frères sages et capables.

          Lorsque quelqu’un quitte le monde pour entrer au monastère, surtout s’il est encore relativement jeune et s’il avait dans le monde de nombreuses et bonnes amitiés, la transition à une autre forme de relations affectives de caractère adulte et mur ne sera pas toujours facile. Diverses formes d’aide seront apportées – une aide professionnelle en certains cas -- selon les besoins, mais l’essentiel sera d’atteindre ou de retrouver et de maintenir une « pleine maturité affective » qui est nécessaire aussi bien pour une saine relation avec Dieu dans la prière que pour une saine vie fraternelle.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 


 

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