11 juillet 2013 - Fête de saint Benoît

Abbaye de Scourmont

 

 

Chapitre pour la prise d’habit de Jean-François

 

 

Le Seigneur, cherchant son ouvrier dans la foule du peuple à laquelle il crie, dit encore : "Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux?" Que si, à cette demande, tu lui réponds : "C'est moi", Dieu te réplique : "Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, interdis le mal à ta langue et à tes lèvres toute parole trompeuse ; détourne-toi du mal et fais le bien ; cherche la paix avec ardeur et persévérance. "Et lorsque vous agirez de la sorte, mes yeux seront sur vous et mes oreilles attentives à vos prières, et avant même que vous ne m'invoquiez, je vous dirai : 'Me voici.' "  Quoi de plus doux, frères très chers, que cette voix du Seigneur qui nous invite ? Voyez comme le Seigneur lui-même, dans sa bonté, nous montre le chemin de la vie.  (RB Prol. 17-21)

 

 

Cher Jean-François,

 

          Le texte que tu as choisi pour ta prise d’habit comme moine cistercien à Scourmont est très beau. Il parle de vie et il parle de joie. Ce thème de la joie est d’ailleurs un thème sur lequel revient souvent le pape François. Il en a parlé de nouveau il y a quelques jours devant un groupe de 6000 novices et séminaristes venus à Rome de toutes les parties du monde. Il leur disait qu’il « n’y a pas de sainteté dans la tristesse ». Les invitant à la joie il ajoutait dans le style qui lui est propre, qu’il ne voulait pas « de prêtre ou de soeur avec des têtes de piment au vinaigre ! ».  Mais revenons au texte du Prologue de la Règle.

 

          Pour comprendre ces quelques versets que tu viens de lire, il faut les replacer dans l’ensemble du Prologue. Benoît y fait une sorte de mise en scène où Dieu vient sur la place publique et cherche dans la foule « son ouvrier » -- non pas « un » ouvrier, mais « son » ouvrier. Son ouvrier c’est celui qui a choisi de revenir à Lui par le « labeur » de l’obéissance. Le « labeur » implique une fatigue qui est le résultat d’une activité. Comment Dieu trouve-t-il son ouvrier ? – Simplement en posant une question : « Quel est homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »

 

Dans le texte latin de la règle, le désir de la vie, qui est le désir de Dieu et de la communion avec Dieu, est exprimé par le verbe volere, vouloir, qui implique un mouvement ou une aspiration du coeur tout entier. Quant au désir des jours heureux, il est exprimé par un autre verbe : cupit, qui implique une tendance des sens, ou de notre nature sensible.  Nous sommes des êtres de désir.  Mais au-delà de tous nos désirs humains, même les plus spirituels, il y a le mouvement du coeur, de tout notre être vers Dieu, l’union contemplative avec Lui dans la prière continuelle.

 

          Si, à cette question : « Quel est celui qui veut la vie ? », quelqu’un répond : « moi ! », Benoît met alors dans la bouche de Dieu la réponse suivante : « Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, interdis le mal à ta langue... détourne-toi du pas et fais le bien. « Fais » le bien – encore une expression désignant l’activité de l’ouvrier. Le « bien » n’est pas une réalité abstraite consistant à ne pas faire de mal.  Le « bien » doit se faire.

 

          Si nous faisons ainsi ce qui est bien, les rôles seront renversés.  Au début du Prologue, Benoît invitait le moine à écouter, à ouvrir l’oreille de son coeur. Maintenant il met dans la bouche de Dieu ces paroles : « mes yeux seront sur vous – ce regard de Dieu qui est toujours un regard d’amour – et mes oreilles attentives à vous prières ». C’est maintenant Dieu qui écoute ! Quelle merveille. Et il écoute si bien ce qui se dit au fond de nos coeurs que « avant même que vous ne m’invoquiez, dit-il, je vous dirai : « Me voici ».  On voit le renversement des rôles : au début Dieu disait « quel est l’homme ?... » et le moine répondait « c’est moi ». Cette fois, lorsque nous prions, même d’une prière silencieuse qui ne s’est pas exprimée en mots, c’est Dieu qui dit : « Me voici ».

 

Et cette section se termine par ces versets pleins d’une grande beauté qui seraient dignes d’Isaïe :  « Quoi de plus doux, frères bien aimés, que cette voix du Seigneur qui nous invite. Voici que, dans sa tendresse, le Seigneur nous indique le chemin de Vie. »

 

          Nous cherchons la « vie », et le Seigneur nous en indique le « chemin ». Le but du chemin, c’est le royaume ; nous y sommes guidés par l’Évangile, et nous devons être ceints de la foi et des bonnes actions.  On voit encore une fois ici que pour Benoît, la vie monastique n’est pas un « état » où l’on attend que quelque chose se passe, mais elle consiste dans l’action. « Si nous voulons habiter dans la demeure de son royaume, hâtons-nous par de bonne actions, sinon nous n’y parviendrons jamais. »

 

          Cher Jean-François, il y a longtemps que tu t’es donné à Dieu dans le sacerdoce et depuis longtemps tu trouves ta joie dans l’étude de la Parole de Dieu et dans le fait de l’enseigner aux autres. Maintenant, toujours à la recherche de la vie et de la joie, tu veux adopter la voie de l’obéissance monastique à la Parole de Dieu.

 

          Est-ce bien ce que tu désires ?

 

          Puisque c’est vraiment ce que tu désires, je t’accueille dans cette communauté de Scourmont, en marche vers le Royaume, et je vais maintenant te revêtir de l’habit monastique qui est un signe de cette recherche.

 

Armand Veilleux

 

 

 

 


 

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