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Chapitre du 30
juin 2013
Le maître des novices (Cst. 47)
Je
reprends donc mon commentaire des Constitutions là où je l’avais laissé il y a
assez longtemps. J’avais alors commenté les deux premières constitutions sur la
formation, à la lumière du Document sur
la formation (la Ratio) qui les complète. J’avais alors insisté sur le fait
que la formation, dans ces documents, est considérée comme un processus de
transformation à l’image du Christ, qui doit durer tout au long de notre vie
monastique, depuis l’entrée au monastère, jusqu’à notre entrée dans l’autre
Vie. Nous avions aussi vu que l’élément principal de cette formation est ce que
la tradition appelle d’un mot latin difficilement traduisible la conversatio cistercienne, c’est-à-dire
la forme de vie elle-même. À la lumière de ce principe, dans le processus de
formation il ne s’agit pas tellement de former quelqu’un à la vie monastique
cistercienne, mais faire plutôt en sorte que la vie monastique cistercienne les
forme.
L’élément
le plus important de cette « formation » est la qualité de la vie
communautaire elle-même. Là où il y a une vie monastique authentique et fidèle,
la formation de nouveaux membres est toujours possible même dans des situations
de précarité dues au petit nombre de moines ou à des ressources matérielles
limitées. Par ailleurs une bonne formation ne sera jamais possible dans une
communauté même florissante en nombre et en ressources matérielles, s’il n’y a
pas une qualité suffisante de vie monastique et d’esprit communautaire.
Évidemment,
la législation constituée par nos Constitutions et les statuts qui s’y sont
ajoutés, s’attache surtout à préciser les conditions à la fois spirituelles et
canoniques de l’entrée progressive des nouveaux membres dans la communauté.
Quelqu’un devient officiellement « membre » de la communauté par
l’entrée au noviciat. Cette entrée au noviciat est précédée en général par
plusieurs mois et même plusieurs années de contact d’un aspirant avec la
communauté. Selon les situations
culturelles, on peut connaître diverses formes de pré-postulat et de postulat. Cette
période préparatoire est laissée dans une large mesure à la discrétion de
chaque Ordre religieux et même de chaque communauté, selon la diversité des
situations locales, et surtout selon la diversité des situations des candidats.
Dans un
passé pas tellement lointain, il était normal d’entrer au monastère plutôt
jeune, et même parfois très jeune ; et les vocations dites
« tardives » étaient plutôt une exception. C’est pourquoi nos textes législatifs parlent
en général de la formation des « jeunes ». De nos jours, il est de
plus en plus fréquent, dans toutes les formes de vie monastique et religieuse
en général d’entrer à un âge plus avancé après une variété parfois assez grande
d’expériences humaines et professionnelles.
Dans mon
commentaire antérieur, commentant les deux premières Constitutions de cette
section, les Const. 45 et 46, j’avais parlé de
l’admission au postulat. Nous en sommes
maintenant à la Constitution 47 qui a comme titre « Le maître des
novices ».
Dans la
Règle de saint Benoît, il est prévu (RB 58) que lorsque les nouveaux venus sont
acceptés après un discernement initial, ils sont introduits au noviciat et, selon les paroles de Benoît « on
leur affectera un ancien, apte à gagner les âmes qui veillera sur eux avec une
extrême attention ». Son rôle sera d’examiner si le novice cherche
vraiment Dieu, s’il est empressé au service de Dieu, à l’obéissance, aux
humiliations ». C’est le rôle de
celui qu’on appelle aujourd’hui le « maître des novices ». Voici donc
le texte de la C. 47 :
Le maître des novices est choisi en fonction de son aptitude à gagner les
âmes ; qu’il soit prudent, bien imprégné de la discipline monastique,
sachant communiquer aux jeunes la sagesse des Pères et capable de leur servir
de guide.
Le texte
parle de « jeunes » ; mais on sait que, de nos jours, le novice
peut être d’un âge plus avancé. Le
principe reste le même. Il ne s’agit pas d’abord de donner un
« enseignement », d’autant plus que le novice peut facilement en
connaître plus, en de nombreux domaines, que le père maître. Il s’agit plutôt
d’accompagner et de guider le novice dans son entrée dans une forme de vie
nouvelle pour lui, par laquelle il sera désormais graduellement transformé à
l’image du Christ. Il s’agit aussi d’introduire à une sagesse transmise par une
Tradition.
Parmi les
novices qui entrent actuellement dans les monastères, il y a parfois des jeunes
et des moins jeunes ayant une formation religieuse très rudimentaire, venant
d’une société où la culture religieuse a presque complètement disparu. Et puis
il y en a d’autres qui ont été prêtes, évêques, professeurs de théologie ou
d’Écriture Sainte ! L’enseignement, dans les domaines où il est
nécessaire, peut être donné par diverses personnes de la communauté. Le rôle du
père maître est autre. C’est de voir à ce que le novice intègre vraiment
l’expérience de la vie cistercienne communautaire et se laisse transformer
graduellement par elle. C’est pourquoi les conditions énumérées par les Constitutions
pour remplir ce rôle, ne sont pas la possession de degrés académiques ou d’une
connaissance spécialisée dans tel ou tel domaine, mais l’aptitude à gagner les
âmes, la prudence et la sagesse.
Notre
document sur la formation insiste sur le fait qu’il doit y avoir une grande
harmonie entre le maître des novices et l’abbé. Cela semble évident, mais ce
n’est pas toujours le cas. Il arrive parfois que le maître des novices ou la
maîtresse des novices, considérant – à tort ou à raison – que la communauté
n’est pas assez fervente ou n’a pas ce qu’il (elle) considère comme l’esprit
monastique, s’efforce de préserver ses novices de la communauté, et de former
une nouvelle communauté qui supplantera éventuellement l’ancienne. Une telle approche mène toujours au désastre.
La seule formation efficace est celle qui consiste à introduire dans une
communauté concrète qui, avec sa beauté et ses rides, avec ses qualités et ses
carences, demeure le véhicule d’une expérience monastique qui, elle, est
formatrice.
Cette
Constitution est accompagnée d’un statut qui précise les conditions canoniques
pour être père maître, dans notre Ordre. Il faut avoir au moins trente ans, et
compter au moins deux ans de profession solennelle. Il n’est pas nécessaire d’être prêtre.
Nous
verrons la prochaine fois ce que les Constitutions disent de la période du
noviciat.
Armand VEILLEUX
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