Chapitre du 16 juin 2013

à la Communauté de Scourmont

 

 

La tradition de l’Ordre (Const. 1)

 

          Ayant terminé mon commentaire de la Règle de saint Benoît, je vais reprendre mon commentaire des Constitutions de l’Ordre que j’avais interrompu en 2005. Au cours des années précédentes j’avais commenté assez longuement la première moitié des Constitutions, jusqu’au nº 45. Je m’étais arrêté assez longuement  à l’avant-propos historique, puis à la première partie sur le patrimoine cistercien. J’avais ensuite commenté la deuxième partie intitulée « La maison de Dieu ou le monastère », dans laquelle on trouve l’essentiel de la spiritualité de notre Ordre. J’avais commencé la section sur la formation, mais je m’étais arrêté au moment où on entrait dans des prescriptions de caractère plus juridique.

         

          J’aimerais reprendre ce commentaire là où je l’avais laissé, en faisant comme dans mon commentaire sur la Règle, c’est-à-dire en discernant les orientations spirituelles dans des prescriptions juridiques en apparence plutôt arides.

 

          Par ailleurs, en jetant un coup d’œil sur ce que j’ai déjà commenté, je me rends compte que je n’ai pas commenté la toute première Constitutions, sans doute parce que je croyais avoir suffisamment traité de son contenu dans le commentaire antérieur sur l’avant-propos. Je vais donc commenter aujourd’hui ce premier numéro de nos Constitutions, avant de retourner à la section sur la formation où nous étions arrivés.

 

          En voici le texte :  

 

 

C. 1                              La tradition de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance

L'Ordre Cistercien de la Stricte Observance prend sa source dans la tradition monastique de vie évangélique qui trouve son expression dans la Règle des monastères de saint Benoît de Nursie. Les fondateurs de Cîteaux donnèrent à cette tradition une forme particulière dont certains aspects furent défendus avec force par les monastères de l'Etroite Observance. En 1892, trois Congrégations de l'Etroite Observance, en s'unissant, formèrent un seul Ordre, actuellement appelé Ordre Cistercien de la Stricte Observance.

En  trois phrases, cette Constitution couvre, dans toute son étendue, la tradition monastique depuis le Christ jusqu’à aujourd’hui. On parle en effet d’une « tradition monastique... qui trouve son expression dans la Règle... de saint Benoît ». Cette tradition existait donc avant Benoît, qui l’a reçue et lui a donnée une expression nouvelle. Sans s’attarder à parler de toutes les expressions qu’a connu cette tradition dans les siècles antérieurs à Benoît, on dit qu’il s’agit d’une tradition « monastique de vie évangélique ». On affirme donc qu’elle prend sa racine dans l’Évangile. Cette brève constitution n’était évidemment pas le lieu d’ajouter que cette tradition de vie monastique chrétienne était née de la rencontre entre le message évangélique de Jésus et diverses traditions préchrétiennes de vie ascétique et contemplative.

 

La deuxième phrase résume huit siècles de vie cistercienne : Elle affirme d’une part que les fondateurs de Cîteaux ont donné naissance à la tradition cistercienne en donnant à la vie monastique bénédictine une forme particulière ; et, d’autre part, qu’à l’époque du développement des « observances » diverses au sein de l’Ordre, ce qu’on appelait alors l’Étroite Observance, qui se rattachait essentiellement à la réforme de La Trappe, défendit « avec force » certains aspects de la forme proprement cistercienne de vivre la Règle de saint Benoît.  C’est une façon sans doute un peu trop subtile de parler de ce qu’on a appelé la « guerre des observances » des 18ème et 19ème siècles.

 

Enfin la troisième phrase mentionne la création en 1892 d’un Ordre cistercien distinct, qu’on appela d’abord l’Ordre des Cisterciens Réformés ou de La Trappe, et qu’on appelle de nos jours « L’Ordre cistercien de la Stricte Observance ». Certains historiens de l’Ordre appartenant à l’autre Observance, en particulier Dom Polycarpe Zakar, ont parfois affirmé que les « Trappistes » avaient quitté l’Ordre cistercien pour se constituer en un nouvel Ordre monastique distinct de l’Ordre cistercien et qui commença à exister en 1892.  Notre vision est plutôt qu’à partir de cette date le grand tronc de l’Ordre se compose désormais de deux grands rameaux.  Cette vision a été confirmée par plusieurs documents du Saint Siège, en particulier par le fait que, dans nos Constitutions actuelles, le nom de l’Ordre n’est plus « L’Ordre des Cisterciens de... » mais « L’Ordre cistercien de... ».

 

     Toutes les Constitutions qui suivent concernent uniquement l’identité, la spiritualité et l’organisation de cet Ordre distinct que nous formons.

 

     Nous reprendrons notre commentaire, la semaine prochaine, à la section sur la « formation ».

 

 

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Nouvelles de la Commission Centrale

 

Voici maintenant quelques nouvelles de la réunion de la Commission Centrale.

 

La CC a pour but de préparer le prochain Chapitre Général, essentiellement à partir du travail des Conférences Régionales. Elle a pour mission de décider de ce qui sera au programme du Chapitre et de déterminer comment les diverses questions seront traitées.  En principe ce n’est pas sa mission de discuter ces diverses questions, mais il est presque inévitable qu’on le fasse un peu.  Et ce n’est sans doute pas plus mal. Le fait qu’un groupe restreint de représentants de toutes les régions de l’Ordre, appartenant à plusieurs cultures diverses se trouvent réunis, est une occasion d’approfondir déjà certaines questions importantes même si, évidemment, il appartient au Chapitre de poursuivre cet approfondissement et de prendre des décisions s’il y a lieu.

 

Une question qui revient sans cesse ces dernières années, aussi bien dans les Conférences Régionales qu’à la Commission Centrale et au Chapitre Général, est celle de ce qu’on a appelé les communautés en situation précaire. On parle aussi de « petites communautés » ou de « communautés en voie de diminution », etc.  En réalité, on ne trouve pas une expression satisfaisante pour désigner une réalité complexe. Il y a en effet de petites communautés qui sont bien vivantes et de grandes communautés qui sont précaires. Il y a des communautés qui ont été conçues pour demeurer petites. Parmi celles qui étaient grandes et qui sont maintenant réduites en nombre, certaines ont bien vécu ce passage et d’autres ne l’ont pas bien vécu. Parfois la communauté a tellement perdu sa vitalité qu’il faut penser à une fermeture.

 

Personnellement, je crois qu’on affronte cette situation trop comme si elle nous était propre.  Il me semble qu’il faudrait la voir beaucoup plus dans le contexte général de ce qui est en train d’arriver à l’Église et à la Société en général.  Il devient de plus en plus évident que l’Église, à laquelle le Christ a promis d’être toujours présent, devra trouver des modes d’expression autres que ceux des structures culturelles du christianisme que nous avons connues au cours des derniers siècles.  Il est important que nous puissions avoir assez d’imagination pour qu’un nouveau visage du monachisme fasse partie du nouveau visage que l’Église aura à se donner dans les années à venir.

 

Armand Veilleux

 

 


 

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