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11 novembre 2012 – Chapitre à la
Communauté de Scourmont
Réception des
moines pèlerins (RB 61)
Avec le chapitre 61 de la Règle de
saint Benoît, nous en sommes au dernier des chapitres qu’il consacre aux
diverses catégories de candidats qui peuvent se présenter au monastère. Il s’agit de la réception des moines pèlerins
(peregrini) ou étrangers qui arrivent de
régions lointaines. Il est clair que
Benoît distingue nettement ces moines pèlerins des gyrovagues dont il a parlé
au début de sa Règle. Il les considère
comme de vrais moines qui sont ou bien simplement de passage ou qui veulent se
fixer dans le monastère qui les accueille. Ce chapitre est écrit à une époque où l’institution monastique est
beaucoup moins structurée que de nos jours, où il n’y a évidemment pas d’Ordres
monastiques et où aussi bien les liens d’appartenance à une communauté que les
liens entre les communautés sont plutôt flous. Benoît prévoyait que ses moines, après une période de probation,
promettent leur stabilité dans la communauté ; mais il n’en était pas ainsi de beaucoup
d’autres communautés monastiques. De plus, il faut se souvenir que la forme
primitive du monachisme en Palestine et en Syrie avait été celle du monachisme
itinérant, celle du moine voulant imiter le Christ qui n’avait où poser sa
tête. De plus même en Occident il y eut
longtemps la tradition de moines ou moniales qui en partaient en pèlerinage –
souvent vers l’Orient – à la recherche d’un maître spirituel. Et les pèlerinages
à cette époque n’étaient certainement pas du tourisme. C’étaient des voyages en
général plutôt dangereux
Benoît envisage tout d’abord dans ce
chapitre le cas d’un moine pèlerin arrivant d’une région lointaine et voulant
loger au monastère comme hôte. Benoît
demande qu’on le reçoive aussi longtemps qu’il le désire, mais à
l’hôtellerie. Évidemment il n’était pas
question à cette époque de prendre des informations à son sujet par téléphone,
fax ou email ! Benoît pose quand
même quelques conditions à cette hospitalité sans limite de temps : le
moine ne doit pas troubler la communauté où il arrive par ses exigences, mais
se contenter des coutumes qui y sont pratiquées et de tout ce qu’il y
trouve. Benoît est très cohérent dans
toutes ses prises de position. Ce que
l’on trouve lorsqu’on arrive au monastère c’est une communauté vivant selon une
règle. Quiconque veut s’insérer dans
cette vie communautaire, en en acceptant toutes les caractéristiques, est
bienvenu ; mais c’est là une
condition sine qua non. Il doit non seulement les accepter, mais en être
content (contentus).
Le choix du mot est important.
Après avoir dit que le moine visiteur
ne doit pas troubler la communauté qui l’accueille par ses exigences, Benoît
ajoute tout de suite que l’abbé doit être humblement ouvert et réceptif si ce
visiteur a des remarques à faire sur l’observance communautaire. Tout comme Dieu peut révéler au plus jeune en
communauté ce qu’il convient, au cours d’un dialogue communautaire, de même il
est possible que le moine visiteur ait été envoyé par Dieu précisément pour
corriger l’abbé et la communauté qui le reçoit. C’est là pour tous une bonne leçon
d’humilité.
Benoît prévoit ensuite le cas où ce
moine visiteur désire se fixer de façon stable dans la communauté qui l’a
accueilli comme hôte. La réponse à son
désir dépendra de la façon dont il s’est conduit durant son séjour. S’il s’est montré exigeant ou même corrompu,
non seulement on ne le recevra pas, mais on l’invitera à partir. Par ailleurs, si sa conduite a été bonne, non
seulement on accédera à sa demande, s’il veut se fixer dans la communauté, mais
on l’invitera même à le faire. Ce n’est
évidemment pas pour Benoît une question de recrutement ou d’accroissement
numérique de la communauté, car la dimension d’une communauté ne semble pas
avoir d’importance pour lui. Il a établi
une école du service du Seigneur, c’est-à-dire une communauté où l’on apprend
ensemble, jour après jour, à servir le Seigneur. Quiconque désire sincèrement et lucidement
vivre ce qui s’y vit est bienvenu. Par
ailleurs personne ne doit y être reçu s’il n’est pas prêt à assumer d’une façon
stable ce qui s’y vit.
Toujours préoccupé, en bon patricien
romain, de la question du rang, beaucoup moins importante pour nous, Benoît
prévoit que ce nouveau venu, qui vivait déjà comme moine avant de venir en ce
monastère, puisse avoir en communauté un rang plus élevé que celui
correspondant à la date de son entrée, tout comme il l’avait prévu pour les
prêtres admis en communauté.
Le chapitre se termine par une dernière
note de prudence. Si le moine
appartenait à un autre monastère connu, où il pouvait avoir aussi promis sa
stabilité, on ne le recevra pas sans le consentement de son abbé ou en tout cas
pas sans une lettre de recommandation de la part de celui-ci. Il est vrai, comme Benoît l’a dit un peu plus
haut dans ce chapitre (v. 10) qu’en tout lieu c’est un seul et même Seigneur
qu’on sert, mais on ne doit pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas
qu’on nous fasse (Mat 7,12 ; Lc 6,31). Remarquons en passant que Benoît souligne ici une fois de plus
l’essentiel de la vie cénobitique qui est un service du Seigneur, vécu dans le service mutuel.
Dans la plus pure ligne de la discretio bénédictine, on trouve ici l’équilibre entre l’attention au bien spirituel de l’individu
et le respect de la communauté – aussi bien de la communauté à laquelle le
moine en question appartenait jusqu’à maintenant que de la communauté où il
désire désormais se fixer.
P.S. –
Ce chapitre vient comme tout naturellement à ce moment-ci puisque nous
célébrerons après-demain la Toussaint bénédictine.
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