|
|
||
|
|||
Chapitre du 20 mai 2012
Scourmont
L’accueil des hôtes
-- Commentaire de RB 53
Avec le chapitre 53 de la Règle
commence une nouvelle série de chapitres (53-61) qui traiteront de la relation
de la communauté monastique avec le monde extérieur : les visiteurs, les
pèlerins, les pauvres, les prêtres, les moines étrangers, etc. Et tout d’abord
le long chapitre 53 qui traite de la réception des hôtes. C’est un très beau
chapitre, tout à fait christocentrique.
L’hospitalité a une place centrale
dans la Bible, et déjà dans l’Ancien Testament. L’icône principale de la Bible à ce sujet est évidemment celle d’Abraham
qui, en accueillant des visiteurs de passage accueille Dieu (Gen. 18, 1-8). On pourrait aussi citer l’exemple de Lot (Gen. 19, 1-8), et celui de la veuve de Sarepta qui reçut le prophète Élie (Is. 58,7).
Dans le Nouveau Testament, il y a les
nombreux exemples d’hospitalité donnée à Jésus, par Lévi (Marc 2,15), dans la
maison de Zachée (Luc 19,6), et chez ses amis Marthe, Marie et Lazare. Il y a
aussi, évidemment le fait primordial que le Fils de Dieu est venu dans le monde ;
que les uns l’ont reçu et d’autres ne l’ont pas reçu. À ceux qui l’ont reçu, il
a donné d’être faits enfants de Dieu. Le
verbe « recevoir » est d’ailleurs un des mots clés de ce chapitre 53
de la Règle.
Et l’arrière-fond de ce chapitre comme
de beaucoup d’autres de la Règle est le chapitre 25 de Matthieu : « Ce
que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont miens, c’est à moi que vous l’avez
fait ». Le premier verset du chapitre donne clairement le sens :
Tous les hôtes qui arrivent seront
reçus comme le Christ, car il dira un jour : J’ai été votre hôte et vous m’avez reçu.
Le chapitre comprend deux sections
nettement distinctes : une première, qui comprend les 15 premiers versets
et qui décrit le rituel de l’accueil des hôtes en qui est accueilli le Christ,
puis une deuxième section (16-24) où sont traités des
questions pratiques concernant en particulier la cuisine.
Les voyages, dans l’antiquité, étaient
évidemment plus difficiles et plus dangereux que de nos jours. Les voyageurs,
surtout les pèlerins, étaient des personnes en situation de grands besoins,
surtout les pauvres. Ceux-ci étaient évidemment toujours en recherche d’un lieu
où passer la nuit et où trouver la nourriture suffisante pour pouvoir
poursuivre leur route.
Même si Benoît dit que les hôtes « ne
manquent jamais au monastère », le rituel qu’il décrit montre bien que la
situation était assez différente de celle qu’elle est aujourd’hui. Dès qu’un
hôte était annoncé, le supérieur ou quelques frères allaient à sa rencontre.
Les moyens modernes de transport ont créé une situation tout autre ; mais l’esprit doit demeurer le même.
De nos jours on peut considérer
plusieurs catégories de visiteurs :
a) Il y a les
personnes qui viennent pour des relations d’affaires ou des questions
administratives. Ils doivent alors être
reçus par le cellérier ou le moine responsable de l’affaire en question. Ils doivent être reçus avec politesse et de
façon correcte. Le danger pour les moines est souvent de transformer ces
contacts en une sorte de relation d’amitié superficielle qui n’est pas vraiment
une amitié, mais qui complique souvent la relation professionnelle.
b) Il y a les parents
et les amis qui viennent visiter un moine. La gestion de ces visites relève non pas uniquement de l’hospitalité
mais de la compréhension de la solitude nécessaire à une vie monastique. Ce n’est
pas l’objet du présent chapitre. L’accueil de ces personnes doit être un geste
de respect et d’amour filial ou fraternel ou d’amitié à l’égard de la personne
accueilli, et non une simple détente pour le moine qui se fait visiter. Il ne
convient pas, normalement, que d’autres moines que celui qui est visité, en
profitent pour aller passer un moment de détente à l’hôtellerie.
c) Il y a les
personnes nombreuses qui viennent pour passer un temps de solitude et de prière
en notre hôtellerie. C’est l’hôtelier qui, en communion avec l’abbé, exerce à
leur égard les devoirs d’hospitalité que le chapitre 53 de la Règle attribue
essentiellement à l’abbé. Il convient donc qu’il y ait une grande communion d’esprit
et d’orientation entre l’abbé et l’hôtelier dans la façon de recevoir les hôtes
(tout comme il doit y avoir la même communion entre le père-maître et l’abbé
pour la formation des novices).
d) Et puis il y a les
pauvres. Parmi eux il y a ceux qui ont tout simplement besoin d’un accueil où
ils peuvent passer quelques jours et prendre quelques bons repas. C’est l’hôtelier
qui doit prendre soin d’eux. Il y a ceux
qui ont des soucis économiques plus sérieux ; et pour eux nous avons un
service social auquel ils doivent être référés. Il ne relève de personne d’autres de faire des aumônes à titre
personnel.
Revenons au rituel décrit par Benoît
pour la réception des hôtes. Il s’agit d’un
rituel qu’on ne saurait guère pratiquer de nos jours, si ce n’est dans des
circonstances tout à fait exceptionnelles, mais qui décrit bien l’attitude qui
demeure celle que nous devons avoir avec les hôtes :
Dès que quelqu’un arrive, l’abbé ou
des frères vont à sa rencontre, et tout d’abord prient avec lui, avant même de
lui donner la paix. Devant le visiteur
ont se tient en toute humilité, tête inclinée ou même prosterné de tout son
long sur le sol, adorant dans le visiteur le Christ que l’on reçoit en eux.
Puis, le visiteur est conduit à la prière commune, et on lui lit la parole de
Dieu. L’abbé leur lave les mains, puis l’abbé
et la communauté lavent les pieds de tous les hôtes.
Ce qui est évident c’est que, dans
tout ce chapitre, ce qui est important pour Benoît c’est l’hôte et non pas la
communauté visitée ou les frères visités. Tout simplement parce qu’il voit le
Christ dans ce visiteur.
Il n’est donc pas surprenant que le
chapitre se termine par une recommandation que Benoît tire sans doute de son
expérience avec les moines de sa communauté. Il dit : « Nul ne se joindra ni ne
parlera aux hôtes, s’il n’en est prié ». C’est-à-dire s’il n’en est prié par l’abbé, comme il ressort de tout le
chapitre et non pas s’il est invité par un frère à venir se détendre avec ses
visiteurs à lui !
Benoît ajoute d’ailleurs que si un
frère qui n’est pas chargé du service des hôtes rencontre un visiteur, il le
salue avec humilité et humanité (le mot revient dans ce chapitre), mais il ne
commencera pas de conversation, expliquant au besoin qu’il ne lui est pas
permis de s’entretenir avec un hôte.
Nous avons ici plusieurs aspects de la
vie monastique qui doivent être combinés avec beaucoup d’attention et de
prudence : la foi qui fait reconnaître le Christ dans le visiteur, surtout
le pauvre ; la bonté et l’humanité qui doit être manifestée à tous ;
mais aussi le respect de la solitude de la communauté et de celle de chaque
moine.
Armand
VEILLEUX
|
|
||
|
|||