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13 mai
2012
Chapitre
à la Communauté de Scourmont
L'ORATOIRE DU
MONASTÈRE (RB 52)
1 L’oratoire sera ce que signifie son
nom. On n’y fera et on n’y déposera rien
d’étranger à sa destination.
2 Après l’Oeuvre de
Dieu, tous les frères sortiront dans un profond silence, et ils auront pour
Dieu la révérence qui lui est due ;
3 de la sorte, si peut-être un frère veut y
prier en particulier, il n’en sera pas empêché par l’importunité d’autrui.
4 D’ailleurs, si, à d’autres moments, un
moine veut faire discrètement oraison, qu’il entre simplement et qu’il prie : non pas avec des
éclats de voix, mais avec larmes et ferveur du cœur.
5 A qui ne se conduirait pas ainsi, on ne
permettra donc pas de demeurer à l’oratoire après l’Oeuvre de Dieu, de peur, comme il a été dit, qu’il ne gêne autrui
Ce chapitre de la Règle termine la
longue section de la Règle, constituée par les 52 premiers chapitres et qui
traitent de la structure de la communauté monastique. Avec le chapitre suivant
commencera une nouvelle section qui traitera des relations de la communauté
avec le monde extérieur, à commencer par les hôtes qui viennent au monastère.
Benoît a organisé avec détails la
prière commune des frères, qu’il appelle l’Opus
Dei. Il a déjà parlé, aux chapitres 19 et 20, de l’attitude spirituelle à
avoir durant la psalmodie et de la révérence à tenir dans la prière. Il a dit,
entre autres, que la prière personnelle en public doit être « brève et
pure, sauf à la prolonger, si l’on est touché par l’inspiration de la grâce
divine ». Il a fait constamment
allusion à la prière continuelle qui doit être l’âme de la vie du moine. Dans
le présent chapitre, il parle du « lieu » de la prière commune,
l’oratoire. Le mot latin oratorium désigne en effet le lieu où l’on prie.
Le « lieu » a beaucoup
d’importance pour Benoît. Le moine vit
dans un communauté et cette communauté est enracinée
dans un lieu concret. Le nouveau venu, à
chaque étape de sa formation promet sa stabilité dans ce lieu. Et, à l’intérieur du monastère, il y a des
lieux prévus pour les diverses activités de la journée monastique : des
lieux pour travailler, pour étudier, pour manger, et aussi un lieu où la
communauté se réunit pour prier en commun.
Pour Benoît, l’oratoire – ou l’église
– du monastère est essentiellement le lieu de la prière commune, le lieu où
l’on se réunit pour célébrer l’Office divin. Et donc, tout naturellement,
lorsque l’Office est terminé tous les frères en sortent. Ils en sortent,
dit-il, « dans le plus profond silence ». Ce silence n’a pas simplement pour but, comme
on pourrait facilement le penser, de permettre à ceux qui veulent rester à
l’oratoire de ne pas être dérangés. Ce silence est lui-même prière. Les frères se sont réunis à l’oratoire pour
mettre en commun leur prière et ils en ressortent plus enracinés dans la prière
continuelle qu’ils doivent poursuivre à travers toutes les occupations de la
journée. Ce silence est la prière qu’ils portent avec eux en retournant à leurs
occupations.
Quitter l’oratoire à la fin de
l’Office pour retourner à ses occupations et poursuivre sa prière au cœur même
de ces occupations est la chose normale. Par ailleurs Benoît prévoit que tel ou tel frère – qui n’a pas d’autres
obligations à ce moment-là – puisse désirer demeurer à l’oratoire après
l’Office divin pour y poursuivre sa prière personnelle. Benoît lui demande de
prier alors en silence, dans le secret de son cœur, dans les larmes de
componction et avec l’intensité de son cœur (intentione cordis), et non pas à haute voix, de
façon à ne pas déranger un autre frère qui voudrait faire la même chose. Pour
comprendre cette remarque il faut savoir qu’une façon pour les moines anciens
de maintenir vive la prière du cœur était de réciter à demie voix, au cours de
leurs occupations, des textes de l’Écriture apprise par cœur. Benoît précise donc que si quelqu’un reste à
l’oratoire après l’Office, il doit s’abstenir de cette pratique et prier dans
le secret de son cœur.
Le verset suivant mérite une attention
particulière :
Et quand, à un autre moment, un moine veut
prier dans le secret de son coeur, il entre simplement et il prie. Il ne prie
pas à voix haute, mais avec larmes et de tout son coeur.
On comprend généralement ce verset
comme si Benoît parlait ici du moine qui veut venir prier à l’oratoire entre
les Offices et qu’il disait : « qu’il entre dans l’oratoire et qu’il
prie ». En réalité ce n’est pas ce que dit Benoît parle ici de la prière
silencieuse que l’on peut et que l’on doit pratiquer sans cesse et partout,
dans le silence du cœur. Il cite
simplement la parole de Jésus : lorsque tu veux prier, ne prie pas de
façon ostensible, dans les lieux publics, pour te faire remarquer. Entre simplement dans le secret de ton cœur,
ferme la porte et, là, prie en secret.
Pour un moine, le « lieu »
de la prière c’est tout d’abord son cœur. Ce « lieu » il le porte avec lui dans toutes ses occupations
de la journée et partout où l’obéissance lui fait aller. En ce « lieu », il prie sans cesse
son Père dans le secret. Plusieurs fois
par jour il se réunit avec ses frères dans un lieu matériel appelé
« oratoire », destiné essentiellement à cette prière commune, et où
l’on doit en conséquence n’y rien faire d’autre et ne rien y entreposer qui ne
serve à cette prière commune.
Si, par hasard, un frère veut y
rester, après l’Office, pour y prolonger sa prière personnelle, Benoît lui
rappelle simplement qu’une fois la prière commune terminée, la prière que l’on
peut y pratiquée est, comme dans tout autre lieu du monastère, la prière
silencieuse, dans le secret du cœur, dont parle Jésus dans le Sermon sur la
Montagne. Et la fibre cénobitique de Benoît lui fait rappeler à ce moine qu’il
doit respecter le silence de l’autre frère qui pourrait vouloir faire la même
chose au même moment.
***
Je crois que chacun de nous peut tirer
conséquences pratiques de cet enseignement de Benoît dans les diverses
circonstances de notre vie quotidienne.
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