14 août 2011 – Abbaye de Scourmont

 

 

RB 32 – Des outils et objets du monastère

 

          Au début du Livre V du Droit Canon sur Les biens temporels de l’Église, il y a un canon (c. 1257) qui affirme que tous les biens temporels de l’Église et de toutes les personnes morales au sein de l’Église – donc aussi les diocèses et les communautés religieuses – sont des « bien ecclésiastiques » (bona ecclesiastica). Ils appartiennent donc à l’Église, c’est-à-dire à l’ensemble du Peuple de Dieu.  Ceux qui en ont la propriété juridique devant la société civile et qui en ont l’utilisation, en sont en réalité les administrateurs et non les propriétaires.

 

          C’est dans le même sens que les Pères de l’Église disaient que les habits que nous avons dans notre garde-robe et dont nous n’avons pas un réel besoin ne nous appartiennent pas, mais appartiennent aux pauvres.

 

          C’est l’esprit dans lequel il faut entendre les chapitres de la Règle de saint Benoît sur l’administration des biens matériels, ainsi que ce que disent à ce sujet nos Constitutions et notre Statut sur l’administration temporelle.

 

          Le premier nº de ce Statut donne bien l’esprit que tous, au monastère, doivent avoir, aussi bien dans l’utilisation que dans la gestion de ces biens. Le voici :

 

1. Toute l’organisation du monastère tend à ce que les moines soient intimement unis au Christ, puisque seul un attachement d’amour de chacun au Seigneur Jésus permettra aux grâces spécifiques de la vocation cistercienne de s’épanouir.  Les frères ne trouvent leur contentement, en persévérant dans une vie simple, cachée et laborieuse, que s’ils ne préfèrent absolument rien au Christ (C. 3.5). C’est pourquoi l’économie du monastère doit être organisée de telle sorte que ses membres puissent vivre les valeurs propres de leur vocation cistercienne.

 

          C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre le chapitre 32 de la Règle où Benoît dit que l’abbé confiera tous les biens du monastère (il parle plus spécialement des outils et des vêtements – ce qui était à l’époque l’essentiel de ce qu’une communauté pouvait posséder à part les édifices et les terres) à des frères dont la vie et la conduite lui inspirent confiance. Même grammaticalement, en français en tout cas, « confier » quelque chose à quelqu’un signifie qu’on a « confiance » en lui.

Le texte latin dit qu’il les confie « custodienda atque recolligenda ».  Il en confie donc la garde et le soin.  Il faut que, d’une part les biens ne soient pas perdus ou dispersés et que, d’autre part, ils demeurent en bon état.

 

          Benoît prévoit aussi qu’un inventaire est tenu de ce qui est confié et remis à la fin du mandat. Recevoir une charge au monastère, c’est assumer une « responsabilité », c’est-à-dire qu’il faudra en « répondre ».  Ce n’est pas devenir patron ! Les écrits du monachisme primitif, en particulier le Testament d’Horsièse (l’un des premiers successeurs de saint Pachôme) sont extrêmement sévères à l’égard des frères – surtout des supérieurs – qui utiliseraient pour leur satisfaction personnelle ce qui appartient à l’ensemble des frères.

 

          En bon Romain, Benoît ne prévoit pas une tâche sans une sanction en cas de non observation de la tâche.  Il le fait ici également.  Mais il est intéressant de noter ce pourquoi sera puni un frère qui a reçu la charge d’objets du monastère.  Il sera puni s’il les traite sordide aut neglegenter, c’est-à-dire de façon malpropre ou négligente. La propreté des lieux, dans une communauté, révèle le soin porté à la vie spirituelle.  Un souci de propreté relève d’une attitude de respect non seulement envers les choses et les lieux, mais envers soi-même et les autres.

 

          À cela répond un autre numéro de notre Statut sur l’administration temporelle, le nº 7 :

 

Dans l’usage qu’elle fait de ses biens, chaque communauté doit respecter les exigences de la simplicité évangélique, ainsi que les prescriptions de l’Église.  A l’exemple des Pères de Cîteaux qui recherchaient une relation simple avec le Dieu simple, la façon de vivre des frères est simple et frugale.  Que tout dans la maison de Dieu soit en harmonie avec ce genre de vie où le superflu n’a aucune part, en sorte que la simplicité elle-même puisse être un enseignement pour tous.  Que cette simplicité apparaisse clairement dans les bâtiments et le mobilier, dans la nourriture et le vêtement, et jusque dans la liturgie.  Le monastère devrait se faire remarquer par sa beauté et sa simplicité.

 

          Tout le monde sait que la beauté de l’art cistercien, de l’architecture cistercienne en particulier, réside non pas dans les décorations (comme c’est le cas dans le baroque) mais dans la pureté et la simplicité des lignes.

 

          Et, dans la ligne de ce que j’ai mentionné au début concernant les biens dont nous sommes les gardiens et non les propriétaires, le même numéro du Statut ajoute un aspect important, celui de la solidarité :

 

Dans la mesure de ses possibilités, la communauté doit affecter une partie de ses propres ressources aux besoins de l’Église et de l’Ordre et au soulagement des nécessiteux.

 

          Il s’agit de l’application au domaine matériel de la structure fondamentale de notre Ordre constituée par des liens de charité active entre des communautés autonomes.  Nous ne sommes pas une multinationale avec une administration temporelle centralisée.  Nous sommes des communautés s’efforçant chacune à arriver à l’autosuffisance par notre propre travail et notre propre gestion, mais s’entraidant mutuellement compte tenu du fait que diverses situations – parfois hors de notre contrôle – font que certaines communautés ont besoin d’aide alors que d’autres sont plus favorisées. Et cette solidarité, pour être chrétienne, doit s’étendre hors de l’Ordre et atteindre tout spécialement les plus nécessiteux de notre société.

 

Armand VEILLEUX




32. LES OUTILS ET LES OBJETS DU MONASTÈRE


1 Pour s'occuper des biens du monastère : outils, vêtements et tous les autres objets, l'abbé choisit des frères en qui il a confiance. C'est leur bonne conduite et leur façon de faire qui guident son choix.

2 L'abbé leur donne la responsabilité de ces différents objets, comme il le juge bon. Alors les frères en prennent soin et ils les rangent.

3 L'abbé aura la liste de ces choses. Ainsi, quand les frères se succèdent dans un service, l'abbé sait ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.

4 Si quelqu'un traite les objets du monastère sans propreté ou avec négligence, on lui fera des reproches.

5 Si ce frère ne se corrige pas, on le punira selon la Règle.

 

 


 

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