7 août 2011 – Chapitre à la communauté de
Scourmont
Le cellérier du
monastère (RB 31)
Avec le chapitre 31 de sa Règle saint
Benoît commence une série de chapitres relatifs à l’administration temporelle
de la communauté, le premier étant intitulé « Des qualités requises du
cellérier du monastère ». Ces
chapitres vont nous occuper durant un bon bout de temps ; et il
conviendrait de faire tout d’abord quelques remarques de caractère général.
Je viens d’utiliser l’expression « l’administration
temporelle de la communauté ». Cette distinction entre le temporel et le
spirituel est conforme à notre mentalité moderne mais est étrangère à l’esprit
de saint Benoît, auquel il vaudrait sans doute la peine de revenir.
Dans le Droit Canon actuel, par
exemple, qui contient sept livres, après un premier livre de normes générales
de droit, un deuxième sur le Peuple de Dieu, au sein duquel il y a une section
sur la vie consacrée, il y a un livre sur la fonction d’enseignement dans l’Église
et un sur la vie sacramentelle. C’est après cela que vient le livre 5 intitulé « Les
biens temporels de l’Église », où se trouvent les normes qui s’adressent à
la gestion des biens matériels aussi bien au sein d’une communauté religieuse
ou d’une paroisse qu’au sein d’un diocèse.
De façon semblable, dans nos
Constitutions, dans la deuxième partie consacrée à la Communauté locale, il y a
un chapitre intitulé « L’administration des biens temporels ».
L’approche de Benoît est toute
différente. Il ne parle pas des biens ; il parle des personnes. En premier lieu il parle du cellérier. Il ne
commence pas en décrivant sa tâche, comme nous le trouverions normal aujourd’hui
dans une approche de bonne organisation. Il décrit en premier lieu les qualités qui sont requises pour que quelqu’un
puisse être choisi pour cette tâche ; un peu comme au chapitre 2 au sujet
de l’abbé, il avait commencé par énumérer les qualités que doit avoir l’abbé.
La tâche que donne Benoît au cellérier
peut être résumée en quelques mots : « qu’il soit comme un père pour
toute la communauté ». C’est donc une tâche à l’égard de personnes et non
à l’égard de choses. C’est l’une des personnes avec qui l’abbé partage l’exercice
de la paternité à l’égard de la communauté – une paternité qui est toujours,
ultimement, celle du Christ.
Le périmètre de cette fonction est
décrit en trois petites phrases lapidaires :
Il prendra soin de
tout (Curam gerat de omnibus)
Il ne fera rien sans
ordre de l’abbé (Sine iussione abbatis nihil faciat)
Il observera ce qu’on
lui prescrira (Quae iubentur custodiat).
Ce principe est repris dans le Code de
droit canon pour les diocèses et toutes les personnes morales dans l’Église et
nous l’avons repris dans nos Constitutions et notre Statut sur l’administration
temporelle. Il doit y avoir normalement
dans une communauté quelqu’un qui, sous l’autorité de l’abbé, est responsable
de coordonner la gestion de toute l’administration matérielle. Ainsi,
normalement, dans une communauté bien organisée, où l’on a le personnel voulu,
quiconque est responsable d’un emploi ou d’un aspect de l’administration temporelle
de la communauté (par exemple, la ferme, l’hôtellerie, l’infirmerie, la
cuisine, etc.) doit exercer sa gestion sous la supervision du cellérier qui
lui-même est supervisé par l’abbé (ce qui libère l’abbé de traiter avec chacun
de questions matérielles qui peuvent parfois compliquer la relation pastorale).
Après avoir étudié ce chapitre et les
chapitres suivants, nous pourrons revoir comment les appliquer à notre
situation particulière de Scourmont qui, comme toute situation particulière,
est sui iuris.
Revenons pour le moment au texte de la Règle.
Le chapitre commence par une longue
phrase qui énumère les qualités requises du cellérier ; et cette liste de
qualités commence par les mots : « On choisira comme cellérier…
un membre de la communauté » et se termine par les mots déjà cités : « qui
soit comme un père pour toute la communauté ». De nos jours, les communautés étant plus
petites et les questions administratives étant plus complexes, il n’est pas
rare qu’une communauté doive faire appel à des laïcs compétents pour plusieurs
aspects de la gestion, mais il est important que quelqu’un dans la communauté
et de la communauté exerce ce rôle prévu par Benoît.
Voici la liste de qualités requises :
il doit être sage (sapiens), de
caractère mûr (maturis moribus),
sobre, ni gros mangeur, ni hautain, ni agité (turbulentus) ni injuste, ni lent,
ni dépensier. Cette liste peut paraître
négative, mais elle est, en négatif, la liste des qualités requises pour que le
cellérier puisse avoir à l’égard des frères l’attitude décrite dans les versets
suivants.
Benoît prévoit tout d’abord le cas où
un frère fait une demande déraisonnable. Il faut alors, bien sûr, refuser, mais
avec raison et humilité et surtout ne pas affliger le frère de son mépris. Puis vient tout de suite le rappel que le
cellérier doit avoir une sollicitude toute spéciale pour les malades, les
pauvres, les petits. S’il n’a pas ce qu’on
lui demande, il doit donner avec humilité une bonne parole.
L’attitude qu’il doit avoir à l’égard
des personnes doit se transposer sur les choses du monastère qui sont au
service des frères. Benoît a cette phrase célèbre : « Il regardera tous les
ustensiles et tous les biens du monastère comme des ustensiles sacrés de l’autel ».
Toutes ces recommandations que Benoît
fait au cellérier doivent évidemment s’appliquer à quiconque est responsable d’un
secteur de la vie communautaire.
Tout l’esprit de ce chapitre et de
ceux qui suivent est résumé dans la dernière phrase : « On donnera et
l’on demandera en temps opportun ce qui doit être donné et demandé, pour que
nul ne soit troublé ni affligé dans la maison de Dieu. »
Armand
VEILLEUX
*****
(Texte de la Règle) :
31. LES QUALITÉS QUE LE
CELLÉRIER DU MONASTÈRE DOIT AVOIR
- QUI CHOISIR COMME CELLÉRIER ?
1 Comme cellérier du monastère, on choisira dans la communauté un frère
sage et de caractère mûr, sobre dans le boire et le manger. Il n'est pas
orgueilleux, ni agité, ni injuste, ni lent, ni dépensier,
2 mais animé d'un respect confiant envers Dieu. Pour toute la communauté
il sera comme un père.
- COMMENT AGIT-IL AVEC SES FRÈRES ?
3 Il prendra soin de tous.
4 Il ne fera rien sans ordre de l'abbé.
5 Il obéira avec soin aux ordres qu'il reçoit.
6 Il ne fera pas de peine à ses frères.
7 Si un frère lui demande quelque chose qui n'est pas raisonnable, le
cellérier ne le rendra pas triste en lui montrant du mépris. Mais, humblement,
il refusera avec raison à celui qui a fait une mauvaise demande.
8 Le cellérier veillera sur lui-même et il se rappellera toujours cette
parole de l'apôtre Paul : « Celui qui fait bien son service se prépare une
place d'honneur » (1 Timothée 3, 13).
9 Il prendra le plus grand soin des malades, des enfants, des hôtes et
des pauvres. Il sera tout à fait sûr qu'au jour du jugement il rendra compte à
Dieu de sa façon d'agir avec eux tous.
- LE CELLÉRIER RESPECTE LES BIENS DU MONASTÈRE
10 Tous les objets du monastère et tous ses biens, il les regarde comme
les vases sacrés de l'autel.
11 Pour le cellérier, rien ne sera sans importance.
12 Il ne sera pas avare. Il ne sera pas non plus dépensier et il ne
gaspillera pas les biens du monastère. Mais il fera tout avec mesure, en
suivant les ordres de l'abbé.
- IL EST UN SERVITEUR AIMABLE
13 Avant tout, il sera humble. Et quand il ne peut pas satisfaire
quelqu'un, il lui répondra aimablement.
14 En effet, la Bible dit : « Une parole aimable vaut mieux que tous les
cadeaux » (Siracide 18, 17).
15 Tout ce que l'abbé lui confie, le cellérier s'en chargera avec soin.
Ce que l'abbé lui interdit, il ne se permettra pas de s'en occuper.
16 Il servira aux frères la part qui leur revient. Il le fera sans
orgueil et sans retard, pour ne pas les faire tomber dans le péché. Il se
rappellera la parole du Christ, et la punition méritée par celui qui « fait
tomber dans le péché un seul de ces petits » (Mt 18, 6).
17 Quand la communauté est nombreuse, on donnera des aides au cellérier.
Alors, avec eux, lui aussi pourra faire le travail qu'on lui a confié en
gardant la paix.
- PERSONNE NE SERA INQUIET OU TRISTE DANS LA MAISON DE DIEU
18 Au moment qui convient, on donnera ce qu'il faut donner et on
demandera ce qu'il faut demander. Alors personne ne sera troublé ou triste dans
la maison de Dieu.
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