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Chapitre – Scourmont, le 17 avril 2011 Stabilité de Marie-Robert Cher frère Marie-Robert,
chers
frères, Ta vie monastique a été marquée par
l’instabilité
qu’a
connue
ton
pays
d’origine,
le
Congo,
depuis
un
peu
plus
de
quinze
ans.
Entré
à
Mokoto
en
1995,
tu
as
connu
l’expulsion
de
la
communauté
l’année
suivante,
et
c’est
dans
ce
contexte
de
passage
d’un
refuge
à
l’autre
(Himbi,
Keshero)
que
tu
as
commencé
ton
noviciat,
au
moment
même
où
la
communauté
était
provisoirement
dispersée.
Après
ton
noviciat
et
ta
profession
temporaire
à
Koutaba,
au
Cameroun,
tu
es
revenu
à
Keshero
avait
la
communauté
de
Mokoto
qui
s’y
était
reconstituée
en
2000.
Après
ta
profession
solennelle
tu
es
venue
à
Scourmont
pour
trois
ans
de
formation
à
l’ITIM,
puis
tu
es
retourné
à
Keshero.
Quelques
années
après
tu
revenais
à
Scourmont,
la
stabilité
de
la
communauté
semblant
plus
favorable
à
la
poursuite
de
ta
formation
monastique
que
la
situation
alors
encore
provisoire
de
Keshero
dans
la
banlieue
de
Goma. Il y a maintenant presque un an et
demi,
tu
m’exprimais
le
désir
de
faire
ta
stabilité
monastique
à
Scourmont.
Appliquant
ce
que
saint
Benoît
dit
au
sujet
des
frères
qui
se
présentent
au
monastère
avec
l’intention
d’y
entrer,
je
te
fais
attendre
longtemps
–
plus
d’un
an
–
avant
de
soumettre
ton
désir
au
discernement
du
Chapitre
Conventuel
de
la
communauté
de
Scourmont.
Nous
avons
accédé
à
ton
désir,
sensibles
à
l’argument
que
tu
avançais :
le
fait
que
tu
as
trouvé
à
Scourmont
un
contexte
de
stabilité
qui
t’est
nécessaire. Nous avons aussi noté ton attachement au lieu
et
aux
frères.
Ayant reçu l’accord du Prieur de Mokoto
et
de
tes
frères
de
cette
communauté,
nous
t’accueillons
donc
aujourd’hui
comme
profès
stabilié
à
Scourmont.
Et
le
jour
choisi
n’est
pas
sans
comporter
une
série
de
coïncidences
vraiment
intéressantes.
Tu portes le nom de notre saint fondateur,
Robert
de
Molesme,
fondateur
de
Cîteaux. Or, c’est aujourd’hui même le 9ème
centenaire
de
la
mort
de
saint
Robert.
De
plus,
lorsque
Robert
et
ses
21
compagnons
arrivèrent
à
Cîteaux
le
21
mars1098,
c’était
le
dimanche
des
Rameaux,
comme
aujourd’hui.
J’y
vois
un
appel
qui
t’est
adressé
à
t’ancrer
de
plus
en
plus
dans
la
spiritualité
et
la
grâce
cisterciennes,
et
à
vivre
cette
spiritualité
et
cette
grâce
d’une
façon
stable,
dans
cette
communauté
de
Scourmont. Ce n’est pas sans un certain paradoxe
que
nos
Constitutions,
tout
en
insistant
sur
cette
importance
de
la
stabilité,
parlent
aussi
de
« changement
de
stabilité ». Cela n’a de sens que parce que notre Ordre est
une
grande
communauté
de
communautés
et
que
la
stabilité
dans
la
grâce
cistercienne
et
dans
la
conversion
du
cœur
peut
se
poursuivre
dans
une
autre
communauté
locale
que
celle
où
l’on
est
entré,
si
les
circonstances
le
demandent,
surtout
si,
comme
c’est
ton
cas,
il
s’agit
d’une
recherche
personnelle
de
stabilité. Un autre paradoxe, qui montre bien
les
aspects
multiples
de
la
grâce
cistercienne,
est
que
tu
t’enracines
dans
la
vie
cistercienne
en
faisant
ta
stabilité
à
Scourmont,
au
moment-même
où
tes
frères
de
la
communauté
de
Mokoto,
dont
la
plupart
sont
entrés
durant
les
années
de
diaspora
trouvent
leur
propre
stabilité
en
retournant
à
Mokoto
même,
dans
le
Masisi.
Complémentarité
des
grâces
multiples. Puisqu’on parle de paradoxes, on pourrait
en
signaler
un
autre.
C’est
le
lien
entre
stabilité
et
déracinement.
J’avais
développé
ce
point
dans
un
chapitre,
il
y
a
quelques
années,
en
commentant
la
devise
épiscopale
du
Cardinal
Martini :
Déraciné
il
fleurit
encore.
Martini
expliquait,
dans
un
texte,
que
« par
le
vœu
d’obéissance
que
fait
le
jésuite,
il
ne
peut
se
lier
à
un
lieu
quelconque
ou
à
un
rôle
particulier,
mais
où
qu’il
soit
appelé
pour
accomplir
son
ministère,
il
doit
fleurir
et
porter
du
fruit. »
La
vie
du
moine
est
évidemment
distincte
de
celle
du
jésuite,
mais
le
vœu
de
stabilité
que
fait
le
moine
vivant
selon
la
Règle
de
saint
Benoît
n’a
pas
un
sens
tellement
différent
de
ce
que
décrit
le
Cardinal
Martini.
Le
vrai
moine
est
un
déraciné.
La
stabilité
monastique
implique
un
déracinement.
Afin
de
s’attacher
au
Christ
–
à
l’amour
duquel
rien
ne
doit
être
préféré
-
le
moine
doit
renoncer
à
sa
famille,
aux
possessions
matérielles
qu’il
pourrait
avoir,
à
sa
terre,
à
son
rang
social,
à
sa
volonté
propre.
Il
doit
être
totalement
déraciné
afin
d’être
planté
dans
le
jardin
du
Seigneur.
C’est
dans
la
mesure
même
où
il
s’est
laissé
déraciner
qu’il
peut
être
enraciné
de
façon
stable
dans
l’amour
de
Dieu. Finalement il s’agit toujours de vivre
ici-bas
comme
pèlerins.
Comme
le
dit
la
Lettre
aux
Hébreux :
Nous
n’avons
pas
ici-bas
de
cité
permanente,
mais
nous
recherchons
celle
de
l’avenir (Hébreux 13:14). Il est d’ailleurs intéressant
de
voir
que
cette
affirmation
se
trouve
à
fin
de
la
Lettre,
dans
une
recommandation
sur
la
vie
communautaire.
L’auteur
explique
comment
le
Christ,
pour
sanctifier
le
peuple,
a
souffert
en
dehors
de
la
porte
de
la
cité
sainte.
Il
en
conclut
que
nous
devons
nous
aussi
sortir
(de
nous-mêmes)
pour
aller
à
sa
rencontre
au-dehors.
Ce
qu’on
fait
selon
lui
par
l’obéissance
et
par
l’entraide
communautaire. C’est une autre façon de reprendre les paroles
de
Jésus
lui-même
qui
disait :
« si
quelqu’un
ne
se
renonce
pas
á
lui-même
–
ce
qui
revient
à
dire :
s’il
ne
sort
pas
de
lui-même
–
il
ne
peut
être
mon
disciple ». Être disciple veut dire « marcher à la
suite
de ».
Pour
marcher
à
la
suite
du
Maître,
il
faut
sans
cesse
sortir
de
soi-même,
et
se
laisser
sans
cesse
transplanter. Un moine peut être stable dans la mesure
où
il
est
vraiment
déraciné. Armand
VEILLEUX
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