|
|
||
|
|||
Chapitre du 30 janvier
2011 La véritable source du bonheur en guise de commentaire au chapitre 26 de la Règle de s. Benoît L’Évangile d’aujourd’hui, qui nous propose la longue liste
des
« Béatitudes »,
telle
qu’on
la
trouve
au
chapitre
5
de
l’Évangile
de
Matthieu,
nous
indique
la
voie
du
bonheur.
« Bienheureux
les
pauvres...
Bienheureux
les
coeurs
purs...
etc. ».
Il
y
a,
au
coeur
de
toute
personne
humaine,
un
désir
inné
du
bonheur,
et
Jésus
en
indique
la
voie
dès
le
début
de
sa
prédication. Comme tout être humain, le moine désire le bonheur. Selon
un
très
beau
passage
du
Prologue
de
la
Règle
de
saint
Benoît,
le
Seigneur
« cherchant
son
ouvrier
dans
la
foule
du
peuple,
dit :
‘Quel
est
celui
qui
aime
la
vie
et
désire
des
jours
heureux ? ‘ ».
Et
c’est
pour
celui
qui
répond
« C’est
moi ! »
que
Benoît
offre
sa
Règle,
comme
un
moyen
d’arriver
à
ce
but.
Le
moine,
selon
Benoît,
est
donc
quelqu’un
qui
désire
la
vie
et
veut
être
heureux
--
bienheureux. Cela doit nous servir de contexte pour comprendre le tout
petit
chapitre
26
de
la
Règle,
qu’on
serait
tenté
de
ne
pas
lire,
et
surtout
de
ne
pas
commenter,
car
il
nous
met
facilement
mal-à-l’aise. La Règle y interdit à tout frère, sans ordre
de
l’abbé,
d’avoir
quelque
contact
que
ce
soit
avec
un
frère
qui,
à
la
suite
d’un
comportement
gravement
répréhensible,
a
été
exclu
de
la
prière
commune
et
de
la
table
commune
–
donc,
excommunié. Pour comprendre cette prescription qui semble très dure,
il
faut
la
resituer
dans
son
contexte.
Tout
d’abord,
le
contexte
de
toute
la
vie
du
moine
cénobitique,
qui
est
une
vie
de
communion.
Le
moine
recherche
une
communion
aussi
profonde
et
constante
que
possible
avec
Dieu
–
ce
qui
est
le
but
de
la
vie
de
tout
Chrétien,
et
même
de
tout
être
humain.
Une
communion
aussi
profonde
et
concrète
que
possible
avec
des
frères
est
pour
lui
le
chemin
pour
arriver
à
cette
communion
avec
Dieu
et
pour
l’exprimer. Celui pour qui Benoît prévoit la séparation de la vie communautaire
est
celui
qui,
dans
sa
conduite,
s’est
lui-même
coupé
concrètement
de
cette
communion.
Cette
séparation
imposée
est
une
façon
de
lui
faire
comprendre
qu’il
n’est
pas
logique
pour
lui
de
continuer
à
poser
les
gestes
extérieurs
exprimant
la
communion
alors
qu’il
ne
la
vit
pas. Il ne s’agit donc pas de couper quelqu’un de
la
communion
fraternelle,
mais
plutôt
de
l’amener
à
rentrer
dans
cette
communion,
en
lui
faisant
comprendre
qu’il
s’en
est
concrètement
séparé.
Deuxièmement, ce petit chapitre 26 ne se comprend qu’en
le
mettant
en
lien
direct
avec
le
chapitre
suivant,
où
Benoît
décrira
longuement
toute
la
sollicitude
pastorale
que
l’abbé
devra
avoir
avec
un
tel
frère,
y
compris
en
lui
envoyant
des
frères
sages
et
expérimentés
qui
le
réconforteront
et
l’empêcheront
de
tomber
dans
la
tristesse. Enfin, il semble assez évident que Benoît est ici préoccupé
de
ne
pas
donner
lieu
au
développement
du
murmure,
qu’il
décrit
ailleurs
dans
la
Règle
comme
un
danger
pour
la
communion
fraternelle.
En
effet,
lorsqu’un
frère
passe
par
une
période
difficile,
où
il
est
déprimé
ou
encore
se
révolte
parce
qu’il
se
considère
–
à
tort
ou
à
raison
–
l’objet
d’un
traitement
injuste,
il
est
tentant
de
vouloir
s’improviser
son
consolateur
et
son
soutien
en
lui
donnant
l’impression
qu’on
est
tout
à
fait
d’accord
avec
lui.
C’est
cette
charité
non
éclairée
et
souvent
désastreuse
que
Benoît
veut
éviter. Et précisément parce que celui qui agit ainsi
non
seulement
n’aide
pas
la
personne
qu’il
veut
aider,
mais
se
coupe
lui-même
de
la
communion
avec
l’ensemble
de
la
communauté,
Benoît
prévoit
pour
lui
la
même
peine ! Ce qu’il faut surtout retenir de ces chapitres difficiles
de
la
Règle
de
saint
Benoît,
est
que
la
préoccupation
fondamentale
est
toujours
celle
de
maintenir
et
de
promouvoir,
dans
les
situations
les
plus
difficiles
et
les
plus
regrettables,
la
communion
avec
les
frères
dans
laquelle
s’exprime
et
se
réalise
la
communion
avec
Dieu. * * * Il me semble aussi que nous devons mettre cette recherche
de
la
communion
en
relation
avec
les
événements
importants
que
vivent
actuellement
plusieurs
pays.
Tout
cela
a
commencé
par
le
geste
prophétique
d’un
jeune
Tunisien,
Mohamed
Bouazizi, qui s’est immolé par le feu sur la place publique
--
un
geste
qui
aurait
pu
demeurer
un
geste
anodin
mais
qui
a
embrasé
un
pays.
Il
ne
s’agissait
pas
d’un
jeune
idéaliste
poussé
par
une
idéologie
révolutionnaire.
C’était
un
jeune
homme
généreux
et
courageux
qui
faisait
péniblement
vivre
toute
sa
famille
avec
un
petit
commerce
de
fruits,
que
la
bureaucratie
lui
interdisait
de
poursuivre.
Dans
son
geste
tout
à
fait
solitaire,
qui
exprimait
son
désespoir
devant
une
société
qui
lui
refusait
sa
dignité
d’homme,
tout
un
peuple,
le
peuple
tunisien,
a
reconnu
l’expression
de
son
propre
désespoir
et
a
trouvé
le
courage
d’exprimer
son
propre
droit
à
la
dignité.
Et
ce
fut
la
fin
d’une
longue
dictature.
Le
mouvement
est
passé
à
plusieurs
autres
pays
où
le
désir
profond
des
hommes
et
des
femmes
de
vivre
en
communion
et
dans
la
dignité
a
été
depuis
longtemps
subordonné
à
l’intérêt
économique
de
quelques
groupes
privilégiés.
Et
il
n’est
pas
à
exclure
que
le
mouvement
n’atteigne
plus
rapidement
que
l’on
pense
de
grands
pays
occidentaux
qui
se
considèrent
démocratiques
mais
où
la
plus
grande
partie
de
la
population
n’a
concrètement
pas
grand-chose
à
dire
sur
son
destin. Ce sont des situations qui nous devons tout d’abord porter
dans
notre
prière,
mais
qui
nous
invitent
à
être
toujours
plus
fidèles
à
incarner
au
sein
d’une
petite
communauté
le
message
du
Christ
qui
promet
le
bonheur
à
ceux
qui
vivent
en
communion
avec
Lui
et
en
communion
les
uns
avec
les
autres,
dans
le
respect
mutuel,
mais
aussi
dans
l’appel
mutuel
constant
à
la
poursuite
de
cet
idéal,
y
compris
à
travers
un
chemin
de
conversion. Armand VEILLEUX
|
|
||
|
|||