Chapitre du 23 janvier 2011
à
la
Communauté
de
Scourmont
Sens ecclésial de l’excommunication (RB 25)
De façon assez paradoxale, on ne comprend le sens de l’excommunication que
si
l’on
a
un
sens
profond
de
l’Église.
Si
l’on
est
aujourd’hui
devenu
tout
à
fait
allergique
à
l’idée
même
d’excommunication,
c’est
que
l’on
a
perdu
le
sens
ecclésial.
Vatican
II
avait
redécouvert
la
dimension
de
Peuple
de
Dieu,
mais
depuis
lors
on
semble
être
revenu
graduellement
dans
l’Église
à
un esprit de contrôle des comportements individuels,
qui
nuit
grandement
au
sens
ecclésial.
C’est un peu parallèle à ce qui se passe dans la société civile. Il est évident que la « démocratie »,
telle
qu’on
la
vit
en
Occident
(et
qu’on
essaye
d’imposer
au
reste
du
monde)
est
malade.
Un
glissement
a
fait
qu’au
lieu
de
promouvoir
la
communion
on
utilise
les
règles
et
les
lois
de
la
société
démocratiques
pour
faire
valoir
les
droits
ou
les
désirs
des
individus
ou
des
groupes
particuliers
d’intérêts
au
sein
de
la
société. On le voit assez bien en Belgique, pour le moment,
où
les
divers
partis
devant
constituer
ensemble
un
gouvernement
en
vertu
du
principe
de
la
répartition
proportionnelle,
n’ont
pas
encore
réussi
à
s’entendre
après
plus
de
220
jours,
parce
que
chaque
groupe
cherche
ses
intérêts
propres
au
lieu
d’essayer
de
bâtir
ensemble
une
nation.
(Il
en
est
d’ailleurs
de
même
de
tous
les
mouvements
séparatistes
à
travers
le
monde).
Toute la section dite « pénitentielle » de la Règle de saint Benoît,
qu’on
est
toujours
tenté
de
mettre
entre
parenthèse
et
de
ne
pas
lire,
ou
en
tout
cas
de
ne
pas
commenter,
parce
qu’elle
appartiendrait
à
un
contexte
culturel
tout
à
fait
dépassé,
est
en
réalité
une
section
qui
démontre
un
profond
sens
non
seulement
communautaire
mais
proprement
ecclésial.
La vie monastique chrétienne est une façon particulière de vivre la vie chrétienne.
Donc,
les
réalités
les
plus
importantes
et
les
plus
fondamentales
dans
la
vie
du
moine
résident
dans
ce
que
le
moine
a
en
commun
avec
tous
les
autres
Chrétiens. Ce qui lui est propre est certes très important
pour
lui,
mais
secondaire
par
rapport
au
reste.
Un moine peut fauter contre la communauté tout comme tout chrétien peut fauter
contre
l’Église,
et
tout
citoyen
peut
fauter
contre
la
société. La Règle de Benoît prévoit, dans le cas du moine
qui
se
trouve
dans
cette
situation,
des
sanctions
qui
ont
à
la
fois
pour
but,
d’une
part,
de
protéger
la
communauté
et
la
qualité
de
la
vie
communautaire
contre
les
actions
d’un
individu
qui
pourraient
être
destructrices
de
la
communion,
mais
aussi,
d’autre
part,
de
ramener
le
dissident
à
la
pleine
communion
par
une
transformation
du
coeur
conduisant
à
une
transformation
du
comportement.
Saint Benoît distingue des fautes relativement légères (dont il a traité dans
les
chapitres
23
et
24,
que
nous
avons
déjà
commentés)
et
des
fautes
graves,
dont
il
traite
dans
le
chapitre
25,
que
je
commente
maintenant. Benoît ne donne aucune liste, ni même aucun
exemple
de
ce
qu’il
considère
comme
« faute
grave ». Il a déjà dit au début du chapitre qu’il confie
à
l’abbé
le
soin
de
déterminer
la
gravité
de
la
faute.
Cela
veut
dire
qu’il
doit
y
avoir
dans
chaque
cas
un
« discernement »,
et
non
l’application
de
règles
mathématiques
ou
de
notions
abstraites.
L’excommunication pour une faute légère est essentiellement l’exclusion de
la
table
commune.
L’excommunication
pour
une
faute
grave
implique,
en
plus,
l’exclusion
de
la
prière
commune
et
donc
de
la
vie
liturgique.
Ceux
qui
ont
analysé
en
détail
le
chapitre
de
saint
Benoît
concernant
l’excommunication
pour
fautes
graves,
font
remarquer
qu’en
ce
domaine
Benoît
s’inscrit
tout
simplement
dans
la
tradition
pénitentielle
remontant
à
l’Église
primitive.
De cela on peut dégager un enseignement très important concernant l’insertion
de
la
vie
monastique
dans
l’Église.
Benoît,
comme
les
autres
Sources
monastiques
anciennes,
parle
peu
de
l’Eucharistie,
non
pas
parce
que
ce
n’est
pas
important
pour
lui,
mais
parce
qu’il
s’agit
d’une
réalité
fondamentale
que
le
moine
vit
comme
tout
autre
Chrétien,
et
qu’il
suppose
connue.
Il
s’attache,
dans
sa
Règle,
à
décrire
la
façon
propre
au
moine
d’incarner
la
communion
ecclésiale.
Le moine incarne cette communion ecclésiale dans une vie commune intense où
les
éléments
importants
de
vie
quotidienne,
comme
le
travail,
l’étude,
les
repas
sont
pris
en
commun
–
ce
qui
n’est
pas
nécessairement
le
cas
pour
les
autres
Chrétiens.
Les
coutumes
monastiques
se
situent
à
ce
niveau.
Quant
à
la
prière
commune
c’est
une
dimension
de
toute
vie
ecclésiale,
même
si
le
moine
le
fait
selon
un
rituel
propre.
Donc, lorsqu’un moine est coupable d’un comportement qui met en danger la
communion
communautaire,
mais
qui
n’est
pas
d’une
grande
gravité,
la
sanction
consistera
dans
une
séparation
symbolique
des
aspects
proprement
monastiques
de
la
vie
communautaire.
Mais
lorsqu’un
moine
est
coupable
de
comportements
qui
sont
assez
graves
pour
aller
à
l’encontre
de
la
communion
ecclésiale,
la
Règle
de
saint
Benoît
applique
simplement
ce
qui
était
la
tradition
pénitentielle
de
l’Église
primitive.
Comme on le voit, on peut trouver dans les chapitres en apparence rébarbatifs
de
la
Règle
de
saint
Benoît
sur
l’excommunication
l’expression
d’un
sens
profondément
ecclésial
de
la
vie
monastique.
Armand VEILLEUX