Chapitre pour le 1 janvier 2011

 

Voeux pour l’An Nouveau

 

            Longtemps avant que l’on ne considère le 1er janvier comme début de l’année civile, l’Église de Rome célébrait la fête de Marie comme Mère de Dieu, en l’Octave du Jour de Noël. On voit en cela toute la sobriété et la justesse théologique du culte de Marie dans l’Église des premiers siècles. Longtemps avant que la piété populaire – pas toujours bien éclairée du point de vue théologique – ne multiplie les titres de Marie, l’Église la célébrait sous le titre qui fait essentiellement toute sa gloire : elle est Mère de Jésus de Nazareth qui est le fils de Dieu.  Elle est donc Mère de Dieu. Toute sa gloire lui vient de son Fils, et sa célébration, qui fut durant très longtemps l’unique fête mariale du calendrier liturgique, se situe dans la lumière du mystère de l’Incarnation, le jour octave de la célébration de la naissance de son fils.

            Ce mystère de Marie, Mère de Dieu, est l’objet de la célébration liturgique d’aujourd’hui. Mais le 1er janvier est aussi désormais – et depuis longtemps – considéré comme début de l’année civile. C’est l’occasion de se souhaiter toutes sortes de bonnes choses pour l’année qui commence.  C’était aussi, dans nos familles chrétiennes traditionnelles, le jour où le père de famille bénissait sa famille. Cette tradition a inspiré le choix de la première lecture de la messe, qui nous rapporte la grande bénédiction prononcée par Aaron sur le peuple d’Israël au début de l’Exode du Peuple en direction de la Terre Promise.

            La formule de bénédiction utilisée par Aaron est très belle : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi... qu’il t’apporte la paix ».

C’est avant tout à travers son visage qu’une personne révèle non seulement ce qu’elle a dans le coeur, mais ce qu’elle est.  C’est pourquoi tous les grands prophètes et les grands mystiques de l’Ancien Testament ont désiré voir la face de Dieu.  De Moïse il est dit que Dieu lui parlait face à face comme à un ami. Le visage d’une personne peut éclater de joie, tout comme il peut est sombre, rempli de douleur ou de colère.  C’est pourquoi l’homme qui désire voir la face de Dieu, a aussi peur de ne pas pouvoir supporter ce face à face. 

La bénédiction d’Aaron demande donc : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage ».  Le souhait est que la personne sur qui est prononcée cette bénédiction soit enveloppée, éclairée, transformée par la lumière qui jaillit de la face de Dieu. Or, lorsque Moïse demande à Dieu de lui faire voir sa gloire il ne lui est permis de la voir que de dos, c’est-à-dire en « marchant à sa suite », en se faisant son disciple.

La deuxième lecture, tirée de la lettre de Paul aux Galates, nous dit qu’à la fin des temps, en ce temps qui est le nôtre, la lumière de la face de Dieu s’est manifestée.  Elle s’est « envisagée » ; est apparue sur un visage humain, celui de Jésus, né de Marie.  La splendeur de la lumière divine est apparue sur le visage de Jésus.  Cette face humaine, bafouée, voilée, défigurée,  est l’effigie de la substance divine, comme cela fut révélé aux trois disciples privilégiés le jour de la Transfiguration.  Nous-mêmes, transformés par l’Esprit Saint qui habite en nous, sommes transformés par cette lumière et savons que nous le verrons un jour face à face. 

            Le 1er janvier est aussi l’occasion de jeter un coup d’oeil sur l’année qui vient de s’écouler, afin de faire une sorte de bilan. Tout d’abord pour remercier Dieu des grâces reçues, et aussi pour reconnaître s’il y a lieu nos manques de correspondance à la grâce et percevoir ce que Dieu attend de nous pour l’année qui vient.  Cela chacun doit le faire pour lui-même en son propre coeur. Nous devons aussi le faire en tant que communauté, en temps qu’Église et en tant que Société.

            Au niveau communautaire nous avons beaucoup de choses dont nous pouvons rendre grâce à Dieu. Tout d’abord nous sommes encore tous là ! Nous avons tous vieilli d’une année, mais nous n’avons connu aucun décès (après ceux de Dom Guerric et Père Charles l’année précédente). La santé de nos anciens est stable, et grâce à la générosité de plusieurs frères, il nous est possible de leur donner ici-même, au sein de notre communauté, les soins dont ils ont besoin.  Père Prieur a eu un sérieux accident de santé, mais il s’en est bien remis. Les postulants ne se bousculent pas au portillon, mais quelques candidats ont fait des stages en communauté, et cela pourra déboucher sur une ou l’autre entrée dans l’année qui vient.  Et puis nous avons eu une profession temporaire et une profession solennelle. Notre situation matérielle est saine et nous permet d’aider assez largement les nécessiteux de notre région et d’ailleurs ainsi que diverses communautés de notre Ordre moins favorisées. – Donc nous avons beaucoup de choses dont nous pouvons et devons rendre grâce à Dieu.

            En ce qui concerne l’Église – aussi bien l’Église universelle que celle de Belgique – ce fut une année difficile et pénible.  Il y a eu toutes ces révélations sur des actes répréhensibles et parfois criminels commis par des membres de l’Église, ce qui est évidemment attristant. Et puis il y a aussi de la part de certains milieux un acharnement à vouloir en profiter pour noircir toute l’Église.  C’est l’occasion de nous humilier collectivement ; mais cela ne doit pas nous empêcher de témoigner, surtout à travers notre vie, de notre foi et de nos convictions. Il faut évidemment prier tout spécialement pour ceux qui doivent, en ces circonstances, assumer des responsabilités pastorales au sein de l’Église.

            Au niveau politique, ce n’est pas brillant non plus.  Plus de 200 jours après les élections, la Belgique n’a toujours pas réussi à se donner un gouvernement.  Autre situation à porter dans nos prières, car c’est vraiment la seule chose que nous puissions faire à notre niveau.

            Le premier janvier est aussi depuis longtemps considéré comme une journée mondiale de prière pour la paix.  Comme les années précédentes, celle-ci se termine dans les bruits de guerre : la guerre n’est pas finie en Irak ; elle fait rage de plus belle en Afghanistan. La paix n’est jamais totalement assurée au Congo, et la Côte d’Ivoire est au bord d’une guerre civile.  Prions donc tout spécialement en ce  jour le Prince de la Paix pour tous ces peuples éprouvés.

            Et je voudrais terminer en prononçant sur vous tous la belle prière d’Aaron :

 

« Que le Seigneur fasse briller sur vous son visage, qu’il se penche vers vous...et  qu’il vous apporte la paix ».

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

             

 


 

www.scourmont.be