Chapitre du 19 décembre 2010
Abbaye
de
Scourmont.
De l’exclusion de la communauté pour fautes légères (RB 24)
La gravité de la faute doit déterminer la mesure de l’exclusion ou du châtiment
(disciplinae).
Il appartient à l’abbé de juger de la gravité des fautes.
Le frère qui a commis des fautes légères sera privé de la participation à
la
table.
Voici comment on procèdera avec qui est privé de la communauté de la table.
à
l’oratoire,
il
n’imposera
ni
psaume,
ni
antienne ; il ne récitera pas de leçon, jusqu’à satisfaction.
Il prendra sa nourriture seul, après le repas des frères.
Si, par exemple, les frères mangent à la sixième heure, ce frère mangera à
la
neuvième ;
et
si
les
frères
mangent
à
la
neuvième
heure,
lui,
à
l’heure
des
Vêpres,
et
cela
jusqu’à
ce
que,
ayant
complètement
réparé,
il
soit
pardonné.
Le Temps de l’Avent étant un temps
de
conversion,
je
ne
vois
pas
d’objection,
malgré
l’approche
de
Noël,
de
poursuivre
notre
commentaire
des
chapitres
de
la
Règle
de
Benoît
qu’on
considère
comme
un
code
pénitentiel.
D’autant
plus
que
l’objectif
de
toutes
les
formes
de
sanction
ou
d’exclusion
que
prévoit
Benoît
n’est
pas
d’abord
de
punir,
mais
d’amener
à
la
conversion.
L’exclusion
de
certains
aspects
de
la
vie
communautaire,
appelée
aussi
excommunication
(c’est
d’ailleurs
la
signification
étymologique
du
mot)
n’est
pas
d’abord
de
punir
mais
d’amener
à
la
conversion.
Si
l’attitude
d’un
frère
contre
la
communion
fraternelle
est
sanctionnée
par
une
expression
rituelle
et
symbolique
de
cette
séparation,
la
réintégration
dans
la
pleine
communion
est
elle
aussi
exprimée
rituellement.
Benoît prévoit deux formes d’exclusion,
la
première
correspondant
à
des
fautes
plus
légères
et
la
deuxième
à
des
fautes
plus
graves.
Le
chapitre
24,
que
nous
commentons
aujourd’hui
concerne
les
premières.
Le
premier
verset
de
ce
chapitre
affirme
en
premier
lieu
l’existence
objective
d’une
distinction
de
gravité
entre
les
fautes,
et
que
la
mesure
de
la
punition
(ou
de
la
discipline)
imposée
doit
correspondre
à
la
gravité
de
la
faute.
À côté de cet élément objectif, il
y
a
un
discernement
subjectif.
La
gravité
d’une
faute
ne
sera
pas
déterminée
par
une
sorte
de
code
abstrait
mais
par
un
discernement
personnel,
que
Benoît
confie
au
jugement
de
l’abbé. Ce qui implique une appréciation judicieuse
de
tous
ce
qui
peut
expliquer
tel
ou
tel
comportement.
Il
ne
s’agit
pas
de
punir
un
comportement
mais
d’amener
une
personne
à
s’amender
s’il
y
a
lieu.
Ceci
doit
d’ailleurs
être
l’attitude
de
tout
membre
de
la
communauté
face
à
un
comportement
qui
semble
objectivement
répréhensible.
La sanction pour des fautes légères
est
la
privation
de
la
table
commune.
Et,
chose
qui
est
à
première
vue
surprenante,
celui
qui
est
privé
de
la
table
commune
ne
doit
pas
remplir
un
certain
nombre
de
fonctions
durant
l’Office
divin. Il n’imposera ni psaume ni antienne et ne récitera
pas
de
leçon.
Remarquons tout d’abord le lien entre
les
repas
et
la
prière
commune.
Ce
sont
deux
rassemblements
communautaires
aussi
importants
l’un
que
l’autre
et
exprimant
visiblement
la
même
réalité
de
la
communion
dans
le
service
de
Dieu.
C’est
pourquoi
non
seulement
saint
Benoît,
mais
toute
la
tradition
monastique
considère
comme
très
important
que
les
frères
non
seulement
se
retrouvent
ensemble
au
réfectoire,
mais
aussi
mangent
en
même
temps,
sauf
si
quelqu’un
est
retenu
ailleurs
à
ce
moment-là
par
un
service
de
la
communauté.
Ne
pas
venir
à
la
table
commune
de
son
propre
choix,
ou
y
venir
mais
manger
à
un
autre
moment,
est
une
façon
de
s’excommunier
soi-même.
Revenons un moment sur le lien entre
la
table
commune
et
l’Office
Divin.
Le
fait
que
quelqu’un
qui
est
privé
de
la
table
commune
doive
s’abstenir
de
remplir
certaines
tâches
durant
la
prière
commune
montre
bien
que
ces
tâche
ne
sont
pas
simplement
des
choses
à
faire
à
tour
des
rôles,
mais
l’expression
d’une
communion
fraternelle.
Enfin, dans la privation de la table
il
y
a
une
dimension
strictement
pénitentielle,
puisqu’elle
implique
un
jeûne :
l’excommunié
mangera
à
la
neuvième
heure
lorsque
les
frères
le
font
à
la
sixième
et
il
mangera
à
l’heure
de
Vêpres,
lorsque
les
frères
le
feront
à
la
neuvième.
Encore
une
fois,
ce
n’est
pas
simplement
une
punition
mais
le
moyen
d’obtenir
aussi
à
travers
son
jeûne
la
grâce
du
pardon
et,
comme
conséquence,
de
la
pleine
réintégration
dans
la
vie
communautaire
et
dans
la
grâce
de
Dieu,
puis
que
c’est
là
le
but
de
toute
séparation
ou
« excommunication ».
Une dernière réflexion. Il est important de bien distinguer entre une
séparation
de
la
table
commune
conçue
et
vécue
comme
une
façon
symbolique
d’exprimer
le
désir
ou
le
besoin
de
conversion,
et
l’absence
de
la
table
commune
qui
peut
souvent
n’être
que
négligence
ou
concession
à
une
tendance
individualiste
qui
nous
incite
à
faire
ce
que
nous
voulons,
quand
nous
le
voulons,
comme
nous
le
voulons.
Ce
qui,
pour
Benoît,
est
le
comportement
d’un
« sarabaïte ».
Or
nous
voulons
vivre
comme
« cénobites ».
Armand VEILLEUX