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Les doyens du monastère (RB 21) Si la communauté est nombreuse, on choisira quelques-uns d’entre les frères
qui
sont
de
bonne
réputation
et
de
sainte
vie,
et
on
les
établira
doyens. Ils veilleront en tout sur leurs décanies, conformément
aux
commandements
de
Dieu
et
aux
ordres
de
leur
abbé. On choisira pour doyens ceux des moines avec
lesquels
l’abbé
puisse
en
toute
sécurité
partager
son
fardeau. On ne les choisira pas selon leur ancienneté
dans
la
communauté,
mais
selon
le
mérite
de
leur
vie
et
la
sagesse
de
leur
doctrine. Si, par hasard, l’un d’eux, enflé d’orgueil, mérite répréhension, on le corrigera
une
première,
une
deuxième
et
une
troisième
fois. S’il ne veut pas s’amender, on le déposera et
on
mettra
à
sa
place
un
autre
qui
en
soit
digne. Nous établissons la même règle au sujet du prieur. Après la longue série de chapitres sur la prière, Benoît
entreprend
de
parler
de
plusieurs
aspects
pratiques
de
l’organisation
de
la
communauté.
Et
il
commence
en
mentionnant
les
personnes
avec
qui
l’abbé
partagera
le
poids
de
son
service,
si
la
communauté
est
assez
nombreuse.
Il
ne
s’agit
donc
pas
ici
de
ceux
avec
qui
il
partagera
divers
aspects
de
sa
paternité
spirituelle,
quelle
que
soit
la
dimension
de
la
communauté,
c’est-à-dire
le
cellérier,
le
responsable
de
l’hôtellerie,
les
infirmiers
ou
encore
l’ancien
ou
les
anciens
à
qui
sont
confiés
les
nouveaux
venus.
Il
s’agit
de
personnes
qui
partagent
la
responsabilité
générale
de
l’abbé
à
l’égard
d’un
certain
nombre
des
frères.
On retrouve ici, sous-jacente, la notion chrétienne fondamentale
de
service ;
et
l’expression
des
critères
à
prendre
en
considération
dans
le
choix
de
ces
personnes
utilise
un
vocabulaire
qui
renvoie
explicitement
à
deux
antécédents
bibliques,
le
choix
d’anciens
faits
par
Moïse
et
le
choix
des
diacres
dans
les
Actes
des
Apôtres. Au début du Deutéronome, au moment de quitter l’Horeb pour
entreprendre
le
grand
voyage
de
l’Exode,
Moïse,
dans
son
premier
discours
au
peuple,
leur
dit :
« Je
ne
peux
pas
vous
porter
seuls ;
le
Seigneur
vous
a
rendus
nombreux...
amenez-moi
des
hommes
sages,
intelligents
et
éprouvés
que
je
mettrai
à
votre
tête »
(Deut.
1,
15).
Moïse
les
constitue
« doyens »
--
decani
dans
le
texte
latin
de
saint
Jérôme
qui
s’inspire
évidemment
de
la
structure
des
troupes
romaines
en
groupes
de
dix,
cent,
mille,
etc.
Cette
référence
à
l’Exode
montre
bien
que
Benoît
voit
dans
l’Exode
du
peuple
au
désert
une
image
de
la
vie
monastique.
On
vient
au
désert
pour
se
laisser
former
par
Dieu
dans
la
solitude.
Quant à l’expression « des frères qui sont de bonne
réputation
et
de
sainte
vie »,
c’est
une
citation
du
chapitre
6
des
Actes
des
Apôtres
où
est
décrit
le
choix
que
font
les
Apôtres
de
diacres
avec
qui
ils
partageront
le
poids
de
leur
service. Les doyens doivent être des hommes avec qui l’abbé puisse
« en
toute
sécurité »
partager
le
poids
de
son
service. Ce ne sont pas les « seniores »
dans
l’ordre
de
l’entrée
au
monastère,
même
si
cet
ordre
d’ancienneté
a
son
importance
en
communauté.
Le
choix
sera
basé
sur
« le
mérite
de
leur
vie
et
la
sagesse
de
leur
doctrine ».
On
retrouve
ici
deux
notions
fondamentales
de
la
spiritualité
bénédictine :
la
première
est
que
celui
qui
enseigne
doit
le
faire
par
l’exemple
de
sa
vie
aussi
bien
que
par
ses
paroles ;
et
la
seconde
est
que
la
paternité
spirituelle
s’exerce
avant
tout
dans
le
partage
de
la
parole
(doctrina). On vient au monastère pour mener une vie de conversion. On n’est donc pas parfait lorsqu’on y arrive
et
l’on
n’atteindra
pas
la
perfection
ici-bas.
Benoît
prévoit
donc
que
quelqu’un
qui
a
été
choisi
pour
partager
le
service
de
l’abbé
puisse
s’enfler
d’orgueil
et
se
montrer
répréhensible
(tout
comme
peut
arriver
aussi
à
l’abbé).
À
son
égard
Benoît
manifeste
une
patience
surprenante. Il ne sera pas limogé à la première offense.
Il
sera
réprimandé
une
première,
une
deuxième
et
une
troisième
fois
et
ne
sera
destitué
que
s’il
ne
s’est
pas
corrigé
après
la
troisième
réprimande.
Cela
manifeste
aussi
que,
pour
Benoît,
la
responsabilité
pastorale
n’est
pas
une
chose
ponctuelle.
Même
si
elle
n’est
pas
ad
vitam,
elle
implique
une
durée
dans
le
temps,
aussi
bien
pour
les
assistants
de
l’abbé
que
pour
celui-ci.
La
responsabilité
de
doyens,
telle
que
la
conçoit
Benoît,
à
la
suite
de
l’enseignement
de
Cassien,
qui
s’inspire
lui-même
du
monachisme
égyptien,
implique
donc
de
la
durée
et
est
autre
chose
que
l’appel
à
rendre
un
service
ponctuel,
si
important
soit-il. Beaucoup plus loin dans sa Règle, Benoît aura un chapitre
sur
le
prieur.
Ici,
il
mentionne
simplement,
en
terminant
le
chapitre,
que
tout
ce
qu’il
dit
des
doyens
s’applique
aussi
au
prieur. Même si Benoît préférait le système des doyens au prieur,
le
fait
est
que
l’institution
du
prieur
a
été
une
constante
de
la
tradition
bénédictine
beaucoup
plus
que
celle
des
doyens. Divers essais ont été faits à notre époque, dans les communautés
de
notre
Ordre
et
dans
l’OSB,
surtout
après
Vatican
II,
pour
instaurer
ou
restaurer
des
décanies
au
sein
des
communautés. Sauf exception, cela n’a pas duré longtemps,
même
si
cela
a
parfois
donné
des
résultats
utiles
au
niveau
du
dialogue. L’explication est probablement, qu’on a vu dans
les
« décanies »
une
façon
de
créer
de
petites
communautés
« à
dimension
humaine »
(comme
on
disait)
à
l’intérieur
de
grandes
communautés.
On
a
même
eu
parfois
l’impression
que
certaines
communautés
se
transformaient
en
sorte
de
grandes
troupes
de
« scouts »
divisées
en
petites
un
patrouilles...
(ce
qui
reste
la
caractéristiques
de
certaines
« communautés
nouvelles »).
Cela
n’était
vraiment
pas
la
perspective
de
Benoît.
La
sienne
était
plutôt,
de
donner
à
l’abbé
la
possibilité
de
partager
le
poids
de
son
service
–
ou
de
sa
charge
(onera
sua)
--
avec
diverses
personnes.
L’idée de communauté est centrale dans la spiritualité de
Benoît,
comme
d’ailleurs
dans
l’Église
comme
telle. Mais la communauté ne se bâtit par simplement
par
l’établissement
de
formes
agréables
de
relations
et
d’échanges ;
elle
se
bâtit
à
travers
les
services
mutuels
les
plus
concrets. Les relations agréables en sont le fruit. Armand VEILLEUX
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