Chapitre du 3 octobre 2010

 

RB 15 – Alleluia

 

            Dans son très bref chapitre 15, Benoît décrit à quel moment de l’année liturgique on utilise l’Alleluia à l’Office et avec quels éléments de l’Office. Son texte ne dit rien du sens de l’Alleluia, mais on peut le déduire du fait qu’il est chanté à certains moments de l’année liturgique et non à certains autres.

            Pour ce qui concerne les historiens de l’Office divin, on peut dire que la pratique décrite par Benoît était celle de l’Église romaine de son temps.  Il ne dit rien de la place de l’Alleluia dans la célébration eucharistique – dont il ne parle d’ailleurs que rarement – mais les commentateurs de la Règle assument généralement qu’en  cela aussi il s’en tenait à la pratique de l’Église romaine.

            Du bref texte de Benoît on peut retenir que l’on utilise en général l’Alleluia à l’Office durant le Temps de Pâques, de même qu’aux dimanches en dehors du Temps Pascal, mais qu’on s’en abstient durant le temps de Carême. Tout ceci est conforme à la liturgie romaine.  Il s’agit donc essentiellement d’un chant de joie.  Par ailleurs nous savons que, dans la liturgie de plusieurs Églises orientales on lui a donné aussi un caractère de deuil et de pénitence et qu’on l’utilise dans la liturgie des funérailles.

            Concrètement, dans notre liturgie actuelle, nous utilisons le chant de l’Alleluia de façon très intense durant tout le Temps Pascal, et de façon plus sobre les dimanches du reste de l’année.  Nous l’utilisons aussi chaque jour, sauf durant le carême comme chant d’acclamation à l’Évangile.

            Il n’est pas inutile de rappeler, même si c’est une chose que nous savons tous, qu’il s’agit d’un mot hébreu, qui nous relie donc en un certain sens à la liturgie du Peuple hébreu de l’Ancien Testament, et aussi, évidemment, à la liturgie juive d’aujourd’hui.

            Comme pour le mot Amen, il s’agit d’un mot hébreu que les traductions grecque et latine de la Bible ont gardé dans sa forme hébraïque ; et les traductions en langues modernes ont toutes fait de même.

            Le mot hébreu Hy"Wll.h est composé du verbe Wll.h qui est l’impératif du verbe « louer » et du substantif  Hy" qui est le diminutif de « Jahwé ». La signification est donc « Louez Dieu », ou « Louez le Seigneur ». On le retrouve essentiellement dans les psaumes, ceux qu’on appelle le « petit Hallel » (113-118), qu’on chantait aux grandes fêtes, en particulier celles de la Pâque et de la Pentecôte et celle des Tabernacles, et ceux qu’on appelle le « grand Hallel » (120-136). Jésus a sans doute chanté certains de ces psaumes à la dernière Cène.

            La liturgie chrétienne a adopté dès les premiers siècles cet élément de la liturgie juive.  Saint Augustin en parle à plusieurs reprises dans ses écrits, et dit que c’est « un chant de joie et de louange, comme tout chrétien le sait ».  C’est aussi, dit-il, un chant du ciel, si bien que ce chant de l’Alleluia ici-bas nous unit à la liturgie céleste, les longs neumes prolongeant le dernier « a » étant une image du chant céleste sans fin. Cette explication d’Augustin sera souvent reprise par les auteurs chrétiens des siècles suivants.

            Même si nous n’égrenons pas d’interminables Alleluia, comme dans les liturgies orientales, nous le chantons souvent, surtout durant le Temps Pascal et chaque dimanche, et aussi avec les psaumes dits « alleluiatiques » c’est-à-dire ceux pour lesquels il appartient au texte même du psaumes.  Nous le chantons aussi tous les jours comme acclamation à l’Évangile, sauf durant le carême. Il est fort probable que nous le chantons souvent plutôt distraitement.

            La lecture de ce chapitre 15 de la RB, avec toute sa sobriété bien romaine, est une occasion d’y porter un peu plus d’attention.  En ce qui est du temps pascal, il n’y a pas de doute que tous ces Alleluias nous aident à percevoir et à entretenir en nos coeurs de caractère de joie de ce Temps.  Pour ce qui est des autres dimanches, nous ne sommes probablement pas très souvent attentifs à leur caractère pascal.  Les antiennes « Alleluia » peuvent nous y rendre plus attentifs.

            Enfin, le chant de l’Alleluia avant la lecture de l’Évangile, chaque jour, devrait nous inciter à faire de cette lecture écoutée une véritable lectio divina, et non seulement un rite posé sans trop d’attention, ce qui demeure toujours un danger pour un geste posé tous les jours.

            Enfin, ce chant fréquent de ce cri de joie, tout au long de notre liturgie, devrait non seulement engendrer chaque fois en nous la joie d’être enfants de Dieu, mais nous rappeler que toute notre vie chrétienne et notre vie monastique doit se vivre dans la joie du Ressuscité, si elle est authentique.

 

Armand VEILLEUX           

 

 

 

             

 


 

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