Chapitre du 26 septembre 2010

 

L’Office des laudes (RB 12, 13 et 14)

 

            Après avoir traité longuement de l’Office de la nuit, Benoît consacre aux Laudes trois chapitres (12, 13 et 14) à l’Office des Laudes.  Je traiterai ensemble ces trois chapitres d’autant plus que les deux premiers (12 et 13) n’en formaient qu’un seul dans le texte original de Benoît, comme le montre clairement la conclusion du chapitre 13 concernant le Pater, qui s’applique de façon évidente aussi bien à l’Office du dimanche qu’à celui des jours de semaine.

            Le titre du chapitre 12 (qui servait de titre aux deux chapitres n’en faisant qu’un) se lit en latin Quomodo matutinorum solemnitas agatur (comment célébrer les Laudes). Il s’agit donc d’un Office qui comporte une certaine « solennité », aussi bien sur semaine que le dimanche. Les Vigiles ont été une prière plus méditative, plus paisible.  Maintenant que le jour commence à se lever, il convient de prendre une attitude plus animée de joie, qui deviendra louange. (Comme d’habitude, je ne m’arrête pas ici aux questions de caractère plus scientifique concernant la façon dont Benoît s’inspire de l’Office alors en usage soit dans les monastères de la région de Rome, soit dans l’Office cathédral romain).

            Benoît prévoit que l’Office de Laudes commence toujours, le dimanche comme la semaine par le psaume 66, qui lui donne tout de suite son caractère de louange, spécialement avec le refrain qu’il comporte « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble ! ».

            Un détail pratique intéressant, qui montre bien le sens pratique de Benoît et sa compréhension de la faiblesse humaine.  Ce psaume, tout en donnant par son contenu le ton de l’Office, est chanté sans antienne, et « en traînant quelque peu », pour que tous soient bien arrivés pour le psaume 50 – l’hymne étant à la fin de l’Office (j’y reviendrai). Il y avait donc à l’époque de Benoît, comme aujourd’hui des frères qui arrivaient en retard.

            On notera le mot latin « dicatur » (« dicatur psalmus... »). Les éditions françaises  de la Règle traduisent souvent par « on dira les psaumes ».  C’est une erreur, car le verbe « dire », dans le latin chrétien de l’époque, était synonyme de « cantare ».  Les psaumes, qui sont des poèmes, étaient toujours chantés, jamais simplement récités.  Il pouvaient être chantés directement, c’est-à-dire sans antienne, ou avec une antienne qui en indiquait le ton.

            Après cela venait chaque jour le psaume 50 (le dimanche avec Alleluia, et les autres jours avec une autre antienne). Ce psaume, tout empreint du sens de la miséricorde de Dieu, rappelle au moine sa condition de pécheur, qui ne l’empêche cependant pas d’approcher Dieu pour le louer.

            Le dimanche suivent les psaume 117 et 62 qui font entrer directement dans l’esprit de cet Office, puisqu’ils chantent la lumière et la résurrection. Ils donnent un caractère « pascal » à cet Office. Pour chaque jour de la semaine d’autres psaumes sont choisis, mais il s’agit toujours de psaumes ayant ce même caractère pascal.

            Suit ensuite, le dimanche, les « Bénédictions ».  C’est ainsi que Benoît appelle le Cantique de Daniel (Dn 3, 57ss) : « Toutes les oeuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur... » etc., qui ouvrent la louange à une dimension cosmique.  Puis la joie exulte dans les psaumes 148-150, que Benoît appelle les « Laudes », qui ont donné leur nom à cet Office.

            L’Office des Laudes sur semaine n’est pas très différent de celui du dimanche, avec simplement des psaumes propres pour chaque jour, et un cantique de l’Ancien Testament différent pour chaque jour.

            Aussi bien le dimanche que chaque jour de semaine, Benoît prévoit que l’abbé récitera à haute voix le Pater, à la fin de Laudes comme aussi à la fin des Vêpres, et « tous l’écouteront », dit-il. Benoît est un homme pratique ; il sait que dans une communauté faite d’hommes, il y a parfois des conflits, même des animosités – qu’il appelle des « épines » de scandales. Les frères ont pu se blesser mutuellement, il doivent donc se pardonner mutuellement.  C’est ce qu’ils sont appelés à faire en écoutant attentivement les paroles du Pater prononcées par l’abbé : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons... ».

            Je ne m’arrête pas au très bref chapitre 14 qui ne fait que dire qu’aux fêtes des saints et à toutes les solennités on agira comme pour le dimanche, sauf qu’on prend les psaumes, antiennes et leçons correspondant au jour de la semaine.

            Notre Office de Laudes aujourd’hui est légèrement différent de ce qu’il était à l’époque de Benoît, mais l’esprit demeure le même.  Le choix des psaumes nous fait commencer le jour dans une atmosphère de louange, avec aussi le sens de notre besoin de la miséricorde de Dieu.  L’hymne, que Benoît situation à la fin de l’Office est désormais au début ; ce qui souligne encore plus le caractère de louange de cet Office.

            Quant à la récitation du Pater par l’abbé, que Benoît prévoyait à la fin des Laudes et des Vêpres, elle a lieu désormais pour nous une seule fois, à la fin des Complies. L’esprit de cette pratique est le même, cette récitation à la fin de la journée nous rappelle l’obligation de l’Évangile de nous réconcilier avec notre frère avant d’entrer dans la nuit et de passer à un jour nouveau.

            Cet Office des Laudes nous rappelle chaque jour que toute notre vie doit être une louange de Dieu, qui nous a créés à son image, qui nous offre sans cesse sa miséricorde et son pardon et qui nous appelle à être conformés à l’image de son Fils.

 

Armand VEILLEUX

 

           

 

 

 

             

 


 

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