Chapitre du 19 septembre 2010

 

RB 11 – Comment célébrer les Vigiles le dimanche

 

            Je reprends aujourd’hui mon commentaire de la Règle de saint Benoît interrompu depuis quelques mois par quelques absences et par le traitement d’autres sujets d’actualité.  Nous sommes toujours au coeur de la longue série de chapitres de la Règle qui décrivent l’organisation de l’Office divin selon les divers temps du jour et de la nuit et les diverses saisons de l’année. Dans mon premier commentaire, il y a plusieurs années, j’avais traité rapidement ces chapitres, en les regroupant, puisque cette description détaillée de Benoît ne correspond pas à notre pratique actuelle.  Cette fois-ci je tiens à m’arrêter à chaque chapitre, parce qu’on y trouve ici et là quelques petites indications pratiques qui ont un grand poids spirituel et nous révèle la pensée de Benoît.

            Nous avons déjà vu les trois premiers chapitres de cette série, dans lesquels Benoît décrit la célébration de l’Office de la nuit, en hiver et en été, et comment il y répartit les psaumes.  Le chapitre suivant (RB 11) décrit les particularités de l’Office le dimanche.

            Même s’il n’y a pas dans la Règle un chapitre spécial sur le dimanche, plusieurs passages de la Règle nous laissent voir l’importance que ce premier jour de la semaine avait pour Benoît. Il y a en particulier le passage du chapitre 48, qui traite en réalité de l’équilibre de la journée monastique, même si le titre est « Du travail manuel quotidien ».  On y lit, au verset 22 : « Le dimanche, tous vaqueront à la lecture, excepté ceux qui sont chargés de diverses fonctions. »

            Dans nos sociétés modernes le dimanche est perçu avant tout comme une journée de repos – ce qui n’est certes pas étranger à la vision du Livre de la Genèse qui nous montre Dieu se reposant le septième jour – ou comme une journée de loisir et de distraction.

            Pour le moine, le dimanche est aussi une journée de repos, mais nous devons être attentifs à ce que ce ne soit pas une journée de « repos de la vie monastique », c’est-à-dire une journée où l’on rechercherait des distractions pour se reposer des exigences de la vie monastique de tous les jours.  Ce doit être plutôt une journée de repos contemplatif, c’est-à-dire de repos en Dieu, ce qui se fait essentiellement dans la lectio divina. La lecture de la Parole de Dieu, ou d’autres formes de lectio doit donc être notre activité principale, le Jour du Seigneur.  Et comme la première forme de lectio divina, dans la vie monastique, est la lecture de la Parole de Dieu au cours de l’Office divin, il est normal que l’Office du dimanche – et spécialement l’Office de la nuit – soit particulièrement riche en lectures.

            Les historiens de la liturgie nous enseignent que, selon la tradition monastique ancienne, qui était encore en vigueur à l’époque de Benoît, toute la nuit du samedi au dimanche, depuis le samedi soir jusqu’au premier chant du coq, se passait en prière.  La Règle du Maître (c. 49) prescrit encore cette pratique même si des auteurs comme Cassien et Césaire soulignent à quel point ces longues Vigiles devenaient facilement une simple lutte – souvent perdue – contre le sommeil. Benoît, suivant la pratique récente des basiliques romaines, place cet office en fin de nuit, comme les autres jours, quitte à se lever un peu plus tôt que d’habitude, précisément pour permettre des lectures bibliques et patristiques plus longues et plus nombreuses.

            On remarquera le bon sens pratique de Benoît qui prévoit que parfois on se lèvera en retard, à cause de la négligence du sonneur et qui, au chapitre 48, lorsqu’il dit que le dimanche est consacré à la lectio divina, prévoit que certains ne peuvent pas le faire, étant occupé à diverses tâches au service de la communauté.

           Je ne lirai pas maintenant ce chapitre assez long. J’en signalerai simplement quelques éléments.  Il y a tout d’abord ici et là de brèves expressions qui révèlent le sens de la présence de Dieu qui doit animer tout cet Office – comme d’ailleurs tous les Offices. Ainsi, au verset 3, il est dit que lorsque le chantre entonnera le Gloria à la fin du quatrième répons suivant la quatrième leçon du premier nocturne, « tous se lèveront avec révérence ».  De même, lorsque l’abbé lira l’Évangile, à la fin, « tous se tiendront debout avec crainte et respect ».

            En effet, à la fin du troisième nocturne, on lit le dimanche l’Évangile.  Il est probable que cet Évangile, pour Benoît, n’était pas l’Évangile qu’on lirait à la messe du jour, mais l’un des récits de la résurrection, selon la vieille tradition de l’Église primitive.  Mais il faut dire que selon cette tradition, cette lecture de l’Évangile faisait partie d’un « Office le Résurrection » qui était distinct de l’Office de la nuit et séparé de celui-ci, même s’il se célébrait presque tout de suite après.  Diverses expériences ont été faites à l’époque de la réforme liturgique postconciliaire pour cet Office de la Résurrection.  Un certain nombre de monastères continuent de le célébrer, mais ce n’est jamais devenu une pratique générale.

            Enfin, le Te Deum nous fait conclure cet Office dans un esprit festif et prépare déjà la célébration des Laudes qui, chez Benoît, suivait presque tout de suite.

            Retenons au moins deux choses : La première est que le dimanche doit être un jour festif qui nous rappelle notre joie d’être chrétiens et moines. Et la seconde est que le dimanche doit être en tout premier lieu une journée consacrée à la lectio, c’est-à-dire à la Parole de Dieu – parole entendue plus longuement dans la liturgie et méditée plus longuement au cours de notre lectio privée.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

             

 


 

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