Chapitre pour la Solennité de l’Assomption
Scourmont,
15
août
2010
La joie du service mutuel
Dans l’homélie de la Messe d’aujourd’hui, je m’arrêterai
surtout
au
mystère
de
l’Assomption
comme
pleine
participation
de
Marie
dans
la
Résurrection
de
son
Fils.
Dans
ce
« chapitre »
je
voudrais
méditer
sur
un
aspect
du
message
évangélique
vécue
d’une
façon
toute
spéciale
par
Marie,
celui
du
« service ».
Dans l’Ancien Testament, en particulier en Isaïe, le Messie
était
préfiguré
comme
le
« Serviteur »
de
Jahvé. Dans l’Évangile, Jésus se fait le serviteur
non
seulement
de
son
Père
mais
de
tous
ses
frères
et
soeurs.
Il
est
venu
en
ce
monde
pour
servir
et
non
pas
pour
être
servi,
dit-il. Et lorsqu’à la dernière Cène, il veut résumer
tout
son
message
dans
un
geste
prophétique,
il
lave
les
pieds
de
ses
disciples
et
les
invite
à
se
faire
de
même
les
serviteurs
les
uns
des
autres.
Dès le premier chapitre de son Évangile, Luc nous montre
Marie
comme
la
première
des
croyants
incarnant
déjà
dans
sa
vie
cet
idéal
du
service.
« Heureuse
celle
qui
a
cru
à
l’accomplissement
des
paroles
qui
lui
furent
dites
de
la
part
du
Seigneur ».
Ces
paroles
adressées
par
Élizabeth
à
sa
cousine
Marie
expriment
bien
le
sens
de
notre
célébration
d’aujourd’hui. Contrairement à Zacharie, qui avait douté, Marie
a
cru,
dès
la
première
révélation
de
sa
mission
qui
lui
fut
faite
par
l’envoyé
du
Seigneur.
Et
tout
au
long
de
sa
vie,
sa
foi
n’a
cessé
de
croître.
Elle
n’a
cessé
de
croître
tout
au
long
de
la
vie
de
son
fils,
et
elle
a
continué
à
croître
après
sa
résurrection,
animant
la
vie
de
la
communauté
des
Disciples.
Cette
foi
s’épanouit
en
plénitude
à
la
fin
de
sa
vie
terrestre,
dans
la
pleine
participation
à
la
résurrection
de
son
Fils,
nous
montrant
la
voie. Ce que l’Église célèbre aujourd’hui est une
fête
de
Résurrection.
Nous
sommes
tous
appelés
à
ressusciter
dans
le
Christ.
Marie
est
la
première
des
ressuscités,
après
son
Fils,
le
Premier-né
d’entre
les
morts,
et
elle
nous
trace
le
chemin.
Dans le
récit
de
Luc
que
nous
lisons
à
la
Messe
d’aujourd’hui,
nous
voyons
comment
cette
foi
de
Marie
est
la
foi
en
celui
qui
est
venu
comme
le
«
serviteur
»
de
son
peuple,
et
c’est
donc
une
foi
qui
s’épanouit
dès
le
premier
instant
en
service
du
prochain.
Luc
prend
soin
de
souligner
la
promptitude
de
ce
service.
Dès
que
Marie
apprend
la
nouvelle
de
la
grossesse
de
sa
cousine
Élizabeth,
en
même
temps
qu’elle
apprend
qu’elle
sera
elle-même
la
Mère
du
Messie,
elle
«
se
met
en
route
rapidement
».
De
même
que
l’ange
est
entré
chez
elle
et
l’a
saluée,
de
même
elle
entre
dans
la
maison
de
Zacharie
et
salue
Élizabeth.
On
peut
penser
que,
dans
l’esprit
de
Luc,
c’est
l’Israël
fidèle
de
Galilée,
qui
apporte
le
salut
au
judaïsme
officiel
de
Juda,
en
passant
à
travers
les
montagnes
de
Samarie.
L’une des
choses
admirables
de
ce
récit
plein
à
la
fois
de
symbolisme
et
de
délicatesse,
c’est
la
totale
syntonie
entre
ces
deux
femmes,
toutes
deux
enceintes.
La
foi
et
la
joie
de
l’une
se
communiquent
à
l’autre. À travers elles, ce sont les enfants qu’elles
portent
qui
se
rencontrent
et
sont
eux-mêmes
remplis
de
joie.
Le point
culminant
du
récit,
après
la
salutation
d’Élizabeth
qui,
sous
la
plume
de
Luc,
exprime
toute
la
vénération
de
l’Église
primitive
pour
Marie,
la
première
des
croyantes
et
celle
qui
a
nourri
et
soutenu
la
foi
de
l’Église
naissante
–
le
point
culminant,
dis-je,
c’est
le
Cantique
de
Marie.
Dans
ce
cantique
résonne
le
cri
et
la
clameur
des
humiliés,
des
opprimés,
des
déshérités
et
des
affamés
de
tous
les
temps
–
ceux
que
son
Fils
appellera
les
«
petits
».
Ce n’est
pas
un
chant
guerrier,
mais
un
chant
de
louange
:
«
Mon
âme
exalte
le
Seigneur…
»
;
mais
ce
pour
quoi
elle
loue
le
Seigneur,
c’est
que,
dans
toutes
les
tensions
qui,
depuis
le
premier
péché,
soulèvent
les
hommes
et
les
peuples
les
uns
contre
les
autres,
Dieu
est
toujours
du
côté
des
faibles,
des
opprimés,
des
petits.
Toute
forme
d’oppression,
surtout
lorsqu’elle
se
réclame
de
la
religion
–
de
l’Islam
ou
du
Christianisme
–
est
un
sacrilège
et
un
blasphème
contre
le
Dieu
que
nous
révèle
Marie
dans
son
Magnificat
et
que
nous
révélera
Jésus
tout
au
long
de
son
ministère.
N’oublions
surtout
pas
que,
dans
sa
prédication,
en
particulier
dans
ses
«
béatitudes
»,
il
nous
a
donné
la
mission
de
réaliser
cette
libération
des
petits
et
des
opprimés.
De
toute
façon,
depuis
cet
admirable
Cantique,
nous
savons
de
quel
côté
est
Dieu.
À l’opposé
de
l’oppression
et
de
la
violence,
il
y
a
l’humble
service.
Ce
service,
Luc
nous
en
donne
un
exemple,
dès
le
début
de
son
Évangile,
dans
ce
récit
plein
de
fraîcheur
et
de
délicatesse,
nous
montrant
Marie
volant
littéralement
au
service
de
sa
vieille
cousine
qui
a
besoin
d’elle.
Saint Benoît
au
début
de
sa
Règle
nous
présente
la
vie
monastique
comme
une
école
de
service
–
une
école
de
service
du
Seigneur
incarné
dans
le
service
mutuel. Marie, en venant servir Élisabeth apporte la
joie
dans
sa
maison,
une
joie
partagée
par
l’enfant
que
chacune
de
ces
femmes
porte
dans
son
sein.
Le
secret
d’une
communauté
heureuse,
rayonnant
de
joie,
c’est
de
pratiquer
sans
cesse,
sous
toutes
ses
formes,
le
service
mutuel,
depuis
les
plus
humbles
services
matériels
et
physiques
jusqu’au
service
de
la
correction
fraternelle
et
de
la
prière
les
uns
pour
les
autres.
Demandons
à
Marie
la
grâce
d’être
toujours
ainsi
une
communauté
heureuse
trouvant
sa
joie
dans
la
pratique
du
service
mutuel.
Armand VEILLEUX