Chapitre du 25 juillet 2010

RB 10 Comment célébrer la louange nocturne en été

 

De Pâques au 1er novembre, on se tiendra au nombre de psaumes susdit.

Par contre, vu la brièveté des nuits, on ne lira pas les leçons dans le livre, mais, au lieu de ces trois leçons, on en dira de mémoire une de l’Ancien Testament suivie d’un répons bref.

Tout le reste se fera comme on l’a dit, à savoir qu’on ne dira jamais moins de douze psaumes aux Vigiles de la nuit, sans compter les psaumes 3 et 94.

 

Le chapitre 10 de la Règle est très bref et il ne fait que décrire la différence dans la psalmodie entre les Vigiles de l’été par rapport au même Office durant l’hiver. Ce chapitre, comme les précédents ne contient pas de grandes élaborations théologiques ou spirituelles.  Il nous révèle quand même quelques principes fondamentaux de saint Benoît.

Retenons tout d’abord le titre du chapitre, qui est certainement très ancien, même s’il n’est probablement pas de saint Benoît lui-même : « Comment célébrer la louange nocturne (nocturna laus) en été.  Cet Office de la nuit est donc un moment de louange divine. Dans la réforme du « Bréviaire romain », les Vigiles (ou Matines) ont été remplacées par un « Office de lectures » qui peut être célébré à n’importe quelle heure du jour. Dans la conception de Benoît, qui demeure l’esprit de notre liturgie monastique, cet Office de la nuit doit demeurer avant tout un moment de louange et ne pas être transformé en moment où on lit un certain nombre de textes intéressants et édifiants ou instructifs.

Nous avons déjà vu comment, pour Benoît, la célébration de l’Office s’adapte au rythme des saisons. Une partie de la nuit est consacrée à la prière, après la partie consacrée au repos (et à la digestion !). Mais la nuit en été est nettement plus brève qu’en hiver. Les heures de sommeil seront donc moins longues et aussi les heures de prière. Où couper dans l’Office ?  La réponse de Benoît est claire : il choisit de réduire les lectures et non pas la psalmodie.  Pour lui la psalmodie est l’élément essentiel de la louange. Il tient donc à maintenir en tout temps les deux groupes de six psaumes, en plus, dit-il des psaumes 3 et 94 qu’on récite toutes les nuits.

Il y a là une approche de l’Office divin différente de celle qu’on trouve dans les Églises orientales, où une place beaucoup plus grande est donnée aux hymnes, tropaires, et autres compositions lyriques d’auteurs chrétiens.

Au moment de notre propre réforme liturgique, tout de suite après Vatican II, l’un des soucis était d’alléger l’Office – ce qui ne voulait pas dire l’abréger. La sensibilité religieuse ayant changé, on sentait le besoin de ne plus psalmodier à toute vitesse, comme on le faisait souvent en latin, de laisser de brefs moments de silence entre les divers éléments de l’Office, et de redonner plus de place à l’écoute de l’Écriture et de la Tradition, par un choix plus élaboré de lectures, tout en conservant la psalmodie comme structure fondamentale de l’Office. Nous n’avons pas jugé nécessaire de maintenir la tradition des douze psaumes aux Vigiles, qui semblait importante pour Benoît. De même, afin de retrouver un rythme plus contemplatif de la journée monastique et de conserver un bon équilibre entre l’Office divin et les exigences du travail pour gagner notre vie, il a semblé à presque tout le monde, qu’il n’était pas opportun de maintenir un autre principe de Benoît qui était celui de réciter tout le psautier chaque semaine [1] .

Diverses répartitions nouvelles des psaumes ont été élaborées, dans les années 1967-1972 par la Commission liturgique de notre Ordre, en collaboration avec l’OSB, et trois nouvelles répartitions des psaumes ont été approuvées par Rome pour les Ordres monastiques. Nous utilisons l’une d’entre elles. Dans cette nouvelle répartition, il y a toujours un psaume invitatoire qui donne à l’Office de nuit dès le début sa note de louange.  Benoît prévoyait que le psaume 94 soit chanté tous les jours.  Nous l’avons réservé pour les dimanches et les solennités, prenant soit le psaume 99 ou le psaume 133 comme invitatoire des jours de semaine. On n’a pas maintenu non plus le psaume 3 chaque jour. Mais le chant de l’hymne suivant tout de suite l’invitatoire et suivi lui-même immédiatement de l’oraison souligne aussi le caractère de louange de cet Office.

Benoît prévoyait en été un leçon brève récitée de mémoire.  Maintenant que nos nuits sont concrètement de la même longueur en été comme en hiver, nous avons rétabli les lectures du premier et du deuxième nocturne tous les jours (ce qui justifiait la réduction de la psalmodie). Mais ces lectures au coeur de l’Office ne sont pas conçues comme une forme d’instruction ou de catéchèse, mais essentiellement comme une lectio divina.  Il faut se souvenir que la lectio divina, pour les Anciens était essentiellement et avant tout la lecture de la Parole de Dieu et des Pères au sein de l’Office divin.

Un élément intéressant du texte de Benoît est la récitation de mémoire d’un texte de l’Ancien Testament au deuxième nocturne.  Cela veut dire qu’on s’attendait à ce que les moines connaissent de mémoire une partie de l’Ancien Testament.  Déjà dans le monachisme pachômien le postulant, avant d’être admis à la prière commune, devait avoir appris par coeur au moins le Nouveau Testament et le Psautier.  Une bonne façon de pratiquer la prière continuelle consiste à choisir un verset de psaume ou un autre texte de l’Ancien ou du Nouveau Testament et de le réciter intérieurement tout au long de la journée.

Armand VEILLEUX



[1] J’ai eu l’occasion de présenter les principes de cette réforme au Chapitre Général de 1969 (cf. 9ème annexe du compte rendu)

 

 

 

             

 


 

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