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Chapitre du 4 juillet 2010 RB 8 : De l’Office Divin, la nuit Tout de suite après son très long chapitre sur l’humilité,
Benoît
passe,
sans
aucune
transition
à
une
longue
série
d’une
dizaine
de
chapitres
sur
l’Office
Divin.
Dans
ces
chapitres,
Benoît
ne
présente
pas
des
réflexions
théologiques
sur
l’Office
Divin,
mais
décrit
simplement
comment
on
le
célèbre.
Cette
description,
si
on
la
considère
attentivement
nous
révèle
la
compréhension
spirituelle
que
Benoît
avait
de
la
Prière
des
Heures. En période d’hiver, soit du premier novembre à Pâques, tout bien réfléchi,
on
se
lèvera
à
la
huitième
heure
de
la
nuit, La prière, nous l’avons déjà vu plusieurs fois, est communion
avec
Dieu.
Or,
dans
son
expression
visible,
et
en
particulier
dans
son
expression
commune,
qu’est
la
prière
communautaire,
cette
communion
avec
Dieu
s’incarne
et
s’exprime
dans
une
communion
avec
la
nature,
et
tout
particulièrement
avec
les
rythmes
de
la
nature.
L’univers
créé
est
une
sorte
de
symphonie
ou
une
sorte
de
danse
faite
de
rythmes
multiples.
Il
y
a
le
rythme
des
saisons
qui
reviennent
chaque
année.
Dans
le
contexte
italien
où
vivait
Benoît,
les
deux
saisons
intermédiaires
du
printemps
et
de
l’automne
sont
peu
marquées ;
mais
l’hiver
et
l’été
sont
deux
grandes
parties
de
l’année
nettement
distinctes
l’une
de
l’autre.
L’Office
se
célèbrera
différemment
en
chacune
de
ces
périodes. Et puis il y a la nuit et le jour. Il était coutumier dans toute l’antiquité de
diviser
la
nuit
en
douze
veilles
et
le
jour
également
en
douze
sections
ou
heures.
Évidemment
durant
l’hiver
chacune
des
douze
heures
de
la
nuit
sont
plus
longues
et
celles
du
jour
sont
plus
brèves ;
et
vice
versa
durant
l’été. On peut évidemment dire que cela n’a plus grande importance
de
nos
jours,
puisque
nous
avons
des
montres,
et
aussi
que
nous
avons
en
général
le
courant
électrique
qui
nous
permet
pratiquement
de
faire
les
mêmes
activités
de
jour
ou
de
nuit.
Mais
nous
perdons
alors
de
vue
la
communion
avec
la
nature
et
le
cosmos,
si
importante
pour
Benoît–
une
communion
qui
implique
une
attention
à
tous
les
besoins
corporels,
puisque
c’est
avec
notre
corps
que
nous
communion
avec
la
nature. Pour l’Office Divin Benoît divise donc l’année en deux grandes
parties,
l’hiver
qui
va
du
1er
novembre
à
Pâques,
et
l’été,
qui
va
de
Pâques
au
premier
novembre.
Le
chapitre
huit
de
la
Règle
s’occupe
donc
tout
d’abord
de
la
période
d’hiver.
Et
la
préoccupation
de
Benoît
est
de
déterminer
combien
de
temps
on
dormira.
Il
était
assez
courant
dans
le
monachisme
égyptien
du
quatrième
siècle,
de
dormir
la
moitié
de
la
nuit
(soit
qu’on
passe
la
première
moitié
en
sommeil
et
la
seconde
en
veille,
soit
que
l’on
alterne
les
heures
de
sommeil
et
de
veille).
Benoît
veut
que
l’on
dorme
un
peu
plus
de
la
moitié
de
la
nuit,
et
il
donne
pour
cela
une
raison
bien
concrète,
et
même
physique :
c’est,
dit-il,
pour
qu’on
se
lève
la
digestion
terminée
(iam digesti). Il faut
se
souvenir
qu’en
hiver
on
jeûnait
et
que
le
jeûne
consistait
essentiellement
à
ne
prendre
qu’un
seul
repas
par
jour,
et
vers
la
fin
de
la
journée.
Les
heures
de
la
nuit
permettaient
la
digestion
de
ce
repas. Le deuxième office est celui des Laudes. Alors que les Vigiles
sont
un
exercice
surtout
monastique,
les
Laudes
sont,
avec
les
Vêpres,
l’un
des
deux
moments
les
plus
importants
de
la
prière
chrétienne
publique,
depuis
l’époque
des
Apôtres.
Puisqu’il
s’agit
de
l’Office
célébrant
le
début
de
la
journée,
il
est
important
qu’elles
soient
célébrées
au
moment
précis
où
apparaît
la
lumière
du
jour. L’intervalle entre les Vigiles et les Laudes variera évidemment
selon
qu’on
est
en
hiver
où
les
heures
de
la
nuit
sont
plus
longues
ou
en
été
lorsqu’elles
sont
plus
brèves.
En
été
l’intervalle
sera
tout
juste
assez
long
pour
vaquer
aux
besoins
de
la
nature…
mais
l’hiver
il
sera
plus
long,
ce
qui
permettra
aux
frères
qui
ne
savent
pas
encore
par
cœur
le
psautier
et
les
diverses
lectures
qu’on
récite
de
mémoire
durant
les
Offices,
de
les
apprendre
en
les
« méditant »,
c’est-à-dire
en
les
récitant
à
demi
voix.
Même si, de nos jours, nos horaires sont beaucoup plus réglés
par
des
horloges
et
sont
en
général
à
peu
près
les
mêmes
l’été
comme
l’hiver,
nous
devons
nous
efforcer
de
ne
pas
perdre
et,
au
besoin,
de
retrouver
cette
communion
non
seulement
spirituelle
mais
toute
physique
avec
les
rythmes
de
la
nature.
Une
prière
désincarnée
n’est
pas
une
prière
chrétienne. La préoccupation écologique est de plus en plus à l’ordre
du
jour.
Or,
cette
préoccupation
doit
aller
bien
au-delà
de
la
préservation
d’espèces
en
voie
de
disparition
ou
au-delà
du
danger
d’un
réchauffement
de
la
planète.
Il
doit
s’agir
avant
tout
d’une
véritable
communion
avec
la
nature
dans
tous
ses
rythmes
et
ses
alternances.
Les
développements
de
la
technique
nous
ont
permis
de
créer
des
univers
artificiels
dans
lesquels
nous
passons
une
grande
partie
de
notre
vie. Ce qui est important, ce n’est pas un retour
nostalgique
et
romantique
à
des
pratiques
des
siècles
passés.
Il
serait
stupide
de
remplacer
la
lumière
électrique
par
des
bougies
ou
de
calculer
nos
horaires
avec
des
cadrans
solaires
plutôt
qu’avec
des
montres.
C’est
plutôt
de
savoir
vivre
en
harmonie
avec
les
rythmes
de
la
nature,
d’y
insérer
harmonieusement
nos
propres
rythmes
biologiques.
Cette
communion
avec
la
danse
du
temps
est
déjà
pour
Benoît
une
prière.
C’est ce qu’il établit, dans le chapitre 8 de sa Règle,
avant
de
décrire,
dans
les
chapitres
suivants,
le
contenu
de
ces
moments
de
prière
durant
la
nuit,
que
ce
soit
en
hiver
ou
en
été.
Armand VEILLEUX
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