Chapitre du  2 mai 2010-05-01

 

Toujours l’obéissance – RB 7, degrés 2-3-4

 

            Dans cette nouvelle lecture que nous faisons du chapitre 7 de la Règle de Benoît, c’est la grande adéquation que Benoît fait entre humilité et obéissance, qui me frappe particulièrement.  C’est comme s’il s’agissait pour lui de deux mots désignant la même attitude intérieure fondamentale.  

            Nous avons déjà vu comment Benoît commence le chapitre (5) sur l’obéissance par ces mots : « Le premier degré de l’humilité est l’obéissance sans délai ». Puis nous avons vu comment le premier degré d’humilité consiste pour l’homme à prendre conscience qu’il n’est pas sa propre loi mais qu’il doit s’insérer dans les plans de Dieu, dont il doit sans cesse se souvenir. 

            Les trois prochains « degrés » reprennent le même thème, sous trois variations différentes :

 

Le second degré d’humilité consiste à détester sa volonté propre et à ne pas se complaire dans l’accomplissement de ses désirs, mais à imiter par des actes le Seigneur qui a dit cette parole : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. »...

 

Le troisième degré de l’humilité consiste à se soumettre à un supérieur (maiori) en toute obéissance pour l’amour de Dieu, en imitant le Seigneur dont l’Apôtre dit : Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort...

 

Le quatrième degré de l’humilité consiste à garder délibérément patience, en silence, dans l’obéissance aux ordres difficiles et contrariants, voir même n’importe quelle situation d’injustice...

 

            Sous-jacente à toute cette problématique se trouve la notion de pouvoir. L’une des tentations les plus profondes de tout être humain, est d’exercer le pouvoir. Cela consiste tout d’abord à vouloir être son propre maître, ne pas accepter d’autre règle que sa volonté propre. À l’extrême c’est le non serviam (= je ne servirai pas) du prince des ténèbres.  

            Dans la formulation du deuxième degré d’humilité de Benoît il y a une expression intéressante : « ne pas se complaire dans l’accomplissement de ses désirs ». En latin on lit « desideria sua non delectetur ».  Il n’agir de ne pas chercher sa delectatio, son plaisir dans le simple fait de suivre ses désirs, ce qui est d’ailleurs une forme d’esclavage, et qui se traduit souvent par l’exercice du pouvoir sur les autres.  

            C’est pourquoi cet enseignement s’adresse tout aussi bien à ceux qui ont à exercer une forme ou l’autre d’autorité dans la communauté ou dans l’Église, suivant la parole du Seigneur : « Les chefs des peuples leur font sentir leur pouvoir ; il n’en sera pas ainsi de vous ».  

            Ce qu’il y a de profondément inique et terrible dans la pédophilie, dont on entend malheureusement tellement parler dans la presse de ce temps-ci, c’est qu’elle est précisément une utilisation perverse du pouvoir – par une personne en autorité -- pour satisfaire ses désirs personnels au dépend d’une autre personne en situation de dépendance. 

            Même sans aller jusqu’à cet extrême, toute utilisation du pouvoir de sa volonté propre pour soumettre, utiliser, ou humilier une autre personne, est une forme de viol. 

            Le troisième degré d’humilité indique bien que la véritable humilité ou l’obéissance évangélique ne consiste pas à laisser une autre personne nous imposer son vouloir propre, mais à accepter, à l’exemple du Christ et par amour de Dieu, de nous soumettre à une personne qui est notre supérieur (maiori) à un titre ou à un autre, ne fût-ce que par qu’elle est entrée en communauté avant nous. 

            Benoît passe rapidement sur les degrés deux et trois, qui contiennent pourtant l’enseignement le plus fondamental sur l’obéissance chrétienne mais il s’étend longuement sur le quatrième degré qui décrit les difficultés rencontrées dans l’exercice de l’obéissance. (Je vous invite à relire les nombreuses citations bibliques qui émaillent ce degré d’humilité). 

            Il est clair que Benoît est conscient que la vie en communauté n’est pas toujours facile ; que se soumettre à la règle commune demande parfois des renoncements difficiles à sa volonté propre, et surtout que les personnes qui exercent l’autorité au sein de la communauté sont des hommes qui ont leurs limites, qui peuvent se tromper, et qui peuvent même utiliser l’autorité pour assouvir leur soif de pouvoir. Pour Benoît rien de cela n’est une raison de ne pas imiter le Christ qui s’est fait obéissant jusqu’à la croix. 

            Cette série de trois degrés se termine donc par un appel à la patience, qui n’a rien de poétique :

 

Ainsi, gardant avec patience, dans l’adversité et l’injustice, le précepte du Seigneur, que ceux qu’on frappe sur la joue tendent l’autre ;  à qui l’on enlève leur tunique qu’ils laissent aussi leur manteau ; engagés pour un mille qu’ils en fassent deux ;

avec l’apôtre Paul qu’ils supportent les faux frères et souffrent persécution, qu’ils bénissent ceux qui les maudissent. 

            Tout en espérant ne pas avoir à subir ces extrêmes, demandons à l’Esprit que nous a promis le Christ Ressuscité de nous combler de sa patience et de sa joie, spécialement.   

            Cette patience nous est particulièrement nécessaire en ces temps où l’Église a à pleurer sur les péchés médiatisés de certains de ses membres, et où elle a aussi à subir une agression sans précédent des médiats qui semblent vouloir ancrer dans l’esprit d’une couche importante et nullement critique de la population la conviction que la pédophilie est un problème propre à l’Église catholique et que tous les prêtres et religieux sont des pédophiles ! 

            Prions pour les prêtres et religieux concernés et surtout pour leurs victimes ; et vivons l’humiliation collective qui en résulte dans l’esprit d’humilité à l’image du Christ, que nous décrit Benoît dans ces trois degrés d’humilité.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

 

             

 


 

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