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Chapitre du 25 avril
2010
Le premier degré d’humilité Nous avons vu dimanche dernier comment
Benoît
entend
présenter
l’humilité
en
utilisant
l’image
d’une
échelle
dont
la
caractéristique
est
de
relier
la
terre
au
ciel.
Sur
cette
échelle
on
monte
et
on
descend.
Il
ne
s’agit
pas
d’ambitionner
d’arriver
au
sommet
comme
quelqu’un
qui
veut
avec
beaucoup
d’exercice
et
d’effort
arriver
au
sommet
du
mont
Everest.
Il
s’agit
pour
nous
de
nous
abaisser,
à
l’image
du
Christ,
confiant
que
Dieu
nous
élèvera
en
nous
introduisant
dans
son
royaume. Le premier degré est celui sur lequel
Benoît
s’attarde
le
plus.
Il
n’en
donne
pas
une
description
et
encore
moins
une
définition
d’une
grande
clarté
logique.
Il
décrit
plutôt
une
attitude.
Il
ne
faut
surtout
pas
comprendre
l’image
de
l’échelle
d’une
façon
trop
matérielle,
comme
s’il
s’agissait
de
douze
barreaux
qu’on
franchirait
l’un
après
l’autre,
le
premier
degré
étant
la
forme
la
plus
imparfaite
d’humilité
et
les
autres
étant
des
formes
de
plus
en
plus
parfaites.
Au
contraire,
le
premier
degré
–
sur
lequel
s’attarde
Benoît
–
est
l’attitude
intérieure
la
plus
fondamentale,
dont
les
autres
degrés
seront
des
manifestations
extérieures
ou
des
conséquences. Vous vous souvenez que Benoît, commençait
son
chapitre
5,
sur
l’obéissance,
en
disant
« Le
premier
degré
de
l’humilité
est
l’obéissance
sans
délai ». On pourrait penser que Benoît lorsqu’il écrivait
ce
chapitre
sur
l’obéissance
ne
pensait
pas
encore
écrire
un
peu
plus
loin
un
chapitre
complet
sur
l’humilité ;
ou
encore
voir
une
certaine
incohérence
entre
le
fait
d’avoir
deux
fois,
à
quelques
pages
de
distances,
la
même
formule :
« Le
premier
degré
d’humilité
est... ». En réalité, le premier degré d’humilité
tel
que
décrit
dans
le
chapitre
7,
parle
bel
et
bien
lui
aussi
d’obéissance,
mais
en
l’abordant
par
un
autre
angle.
Voici
les
premiers
versets
de
cette
description : Le premier degré de l’humilité consiste à garder toujours
présent
à
l’esprit
la
crainte
de
Dieu
et
à
éviter
de
jamais
l’oublier. On se souviendra toujours de tout ce que Dieu a commandé,
se
rappelant
sans
cesse
en
son
coeur
que
le
feu
de
l’enfer
brûle
ceux
qui
méprisent
Dieu
du
fait
de
leurs
péchés,
et
que
la
vie
éternelle
est
préparée
pour
ceux
qui
le
craignent. Et, se gardant à tout instant des péchés et des vices...
l’homme
pensera
que,
du
haut
du
ciel,
Dieu
le
regarde
toujours
à
tout
moment. Suivent de nombreuses citations de
l’Écriture
insistant
surtout
sur
le
fait
que
Dieu
est
omniprésent
et
que
même
nos
pensées
ne
lui
sont
pas
cachées. L’idée fondamentale est que l’homme
n’est
pas
sa
propre
loi
à
lui-même.
Il
a
une
origine
dont
il
doit
sans
cesse
se
souvenir.
L’orgueil
consiste
à
oublier ;
l’humilité
à
se
souvenir.
En
nous
souvenant
de
Dieu,
dont
nous
avons
reçu
l’existence,
nous
prenons
conscience
d’appartenir
à
une
réalité
immensément
plus
grande
que
nous,
qui
a
sa
finalité
et
qui
est
soumise
à
ses
propres
lois
internes
pour
arriver
à
cette
fin. La conséquence est que l’humilité consister
à
faire
la
volonté
de
Dieu,
alors
que
l’orgueil
consiste
à
vouloir
faire
ses
volontés
propres.
C’est
pourquoi
un
aspect
important
de
ce
premier
degré
est
de
renoncer
à
faires
ses
quatre
volontés,
et
donc
à
adopter
une
attitude
fondamentale
d’obéissance
(cf.
chapitre
5). Donc la première attitude décrite dans
ce
premier
degré
est
celle
de
la
mémoire
–
la
memoria
Dei. La deuxième, qui est sa conséquence, est celle
de
la
vigilance.
Sur
quoi
doit-on
veiller ?
Tout
d’abord
sur
soi-même
et
sur
ses
propres
pensées
(qui
sont
d’ailleurs
toutes
connues
de
Dieu). Pour être vigilant sur la malignité de ses pensées, le
frère
utile
répétera
sans
cesse
en
coeur :
« Je
serai
sans
tache
devant
lui
quand
je
me
garderai
de
mon
iniquité. Le « frère utile » (frater
utilis).
Que
signifie
cette
expression ?
Les
traducteurs
modernes
l’ont
rendue
de
plusieurs
façons,
souvent
assez
insipide
en
traduisant
par
« le
frère
vertueux »
ou
« le
frère
attentif »,
etc.
En
réalité
cette
expression
renvoie
à
plusieurs
passages
des
Livres
sapientiaux
et
du
Nouveau
Testament. Utile est évidemment l’opposé de « inutile ». Ainsi, par exemple, dans le psaume 13,3 nous
disons,
dans
la
traduction
de
la
TOB
(et
de
la
BdJ)
« Tous,
il
sont
dévoyés,
tous
ensemble
pervertis ».
Le
mot
hébreu
traduit
par
« pervertis »
était
traduit
par
inutiles
dans
la
Vulgate
(omnes declinaverunt simul inutiles facti sunt non
est
qui
faciat
bonum
non
est
usque
ad
unum). De
même,
dans
le
NT,
le
figuier
qui
ne
porte
pas
de
fruits
est
un
arbre
« inutile »,
qui
mérite
d’être
arraché...
mais
auquel
le
Christ
veut
quand
même
toujours
donner
une
nouvelle
chance
de
porter
des
fruits. L’importance de ne pas laisser se perdre
dans
la
traduction
cette
notion
de
« frère
utile »
(frater
utilis),
c’est
que
plus
loin,
vers
la
fin
de
sa
description
du
premier
degré
d’humilité,
Benoît
utilisera
l’adjectif
« inutile » :
il faut
donc,
frères,
prendre
garde
à
tout
instant,
comme
dit
le
Prophète
dans
le
psaume
que
dieu
ne
nous
voie
à
un
moment
quelconque
tomber
dans
le
mal,
devenir
inutiles. La référence est évidemment celle au
psaumes
13,
que
je
viens
de
citer. Allant encore plus loin, Jésus nous
dit
dans
l’Évangile
que
même
si
nous
arrivons
à
suivre
fidèlement
tous
les
commandements
de
Dieu,
nous
devons
dire
en
notre
coeur
« Je
suis
un
serviteur
inutile ».
Notons,
au
passage,
que
cette
notion
d’être
« utiles »
ou
« inutiles »
est
liée
à
celle
de
service,
qui
est
une
notion
fondamentale
de
la
vie
chrétienne,
puisque
le
Fils
de
Dieu,
en
s’incarnant,
s’est
fait
serviteur. Retenons donc de ce premier degré d’humilité
que
nous
avons
la
disposition
fondamentale
d’humilité,
si
nous
adoptons
une
attitude
de
serviteur,
si
nous
renonçons
à
suivre
nos
volontés
propres,
pour
être
attentifs
au
plan
de
Dieu
sur
nous
et
sur
l’ensemble
de
sa
création,
et
si
nous
acceptons
d’être
« utiles »,
en
laissant
Dieu
se
servir
de
nous
selon
son
propre
plan. Armand
VEILLEUX
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