Chapitre à la Communauté de Scourmont, 25 mars 2010 

 

L’Obéissance – RB5

 

            Dans le Prologue et les quatre premiers chapitres de sa Règle, Benoît a déjà parlé du monastère comme d’une école où l’on apprend à servir, et d’un atelier où l’on oeuvre.  Il a d’ailleurs consacré un long chapitre à énumérer les instruments que l’on doit utiliser dans cet atelier. Dans les chapitres qui vont suivre une très longue série sera consacrée à l’organisation de l’oeuvre par excellence, l’opus Dei. C’est ainsi qu’il appelle et qu’il conçoit la prière commune. Il s’agit bien de quelque chose que l’on fait ensemble, d’un opus. Mais avant d’entreprendre cette série, il a un long chapitre sur l’humilité qui est la principale qualité requise. Et avant cela il a deux chapitres, l’un sur l’obéissance et l’autre sur l’amour du silence. Même si ce n’est pas évident, les deux sont intimement liés entre eux. Et tous les deux – obéissance et silence – sont évidemment liés à l’humilité. D’ailleurs le chapitre 5 sur l’obéissance (dont nous nous occupons aujourd’hui), commence par l’affirmation : Le premier degré de l’humilité est l’obéissance.   

            Dans le latin, qui est la langue dans laquelle Benoît pense, comme d’ailleurs dans l’ensemble des langues latines, le même vocabulaire désigne l’action d’écouter et celle d’obéir.  Et les deux sont liées à la présence d’une communauté vivant selon une règle et dans laquelle quelqu’un est désigné pour interpréter cette règle en fonction des circonstances de temps et de lieu.  Alors que le sarabaïte est celui qui fait ce qu’il veut, comme il veut et quant il veut, le cénobite est celui qui écoute et obéit. 

            Cette attitude, dit Benoît, au début de ce chapitre 5, est celle qui « convient à ceux qui estiment n’avoir rien de plus cher que le Christ. » C’est donc une question d’amour.   

            Dans la première moitié du chapitre, Benoît décrit l’obéissance sans hésitation et sans retard et il conclut cet exposé en disant  que c’est là une imitation du Christ qui a dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. »   

            On ne comprendra rien à ce chapitre – ni d’ailleurs à l’ensemble de la Règle – si l’on conçoit l’obéissance comme une situation où une personne commande et toutes les autres obéissent. C’est là une vision enfantine qui conduit nécessairement à la réaction enfantine normale qui consiste à se rebeller contre toute forme d’exercice de l’autorité.  Pour Benoît, l’obéissance est une réalité communautaire.  Elle implique que l’on a choisi d’être les disciples du Christ, de vouloir vivre l’Évangile au sein d’une communauté avec d’autres frères, de se conformer à une règle commune et à un ensemble de comportements librement choisis et d’accepter qu’au sein de cette communauté diverses personnes aient reçu diverses responsabilités.  La  communauté se construit sans cesse lorsque chacun sereinement l’exercice de ces diverses responsabilités et elle s’effrite chaque fois que, refusant cette obéissance mutuelle, l’un ou l’autre, sous prétexte d’autonomie adulte impose sa volonté propre à l’ensemble du groupe. 

            Pour comprendre ce chapitre 5 de Benoît sur l’obéissance, il faut le lire à la lumière de son chapitre 71 sur l’obéissance mutuelle.  Au début de ce chapitre 5, Benoît décrit ainsi l’attitude de ceux qui veulent imiter le Christ obéissant :

 

En raison du service sacré dont ils ont fait profession... dès qu’un ordre leur est donné par un supérieur, ils l’exécutent comme s’il s’agissait d’un ordre de Dieu, sans souffrir le moindre retard. 

            Le mot latin qui est rendu par « supérieur » dans cette traduction est le mot maior.  Ce n’est pas évidemment pas simplement l’abbé.  C’est n’importe quel membre de la communauté qui nous est plus ancien, soit par la date de son entrée en communauté, soit parce qu’il a reçu une charge qui lui confère la gestion d’un aspect de la vie communautaire, que ce soit l’organisation de la liturgie, du travail manuel, de l’infirmerie, etc. 

            Obéir c’est accepter de vivre comme le membre d’une communauté bien structurée et bien organisée, et non de vivre soit selon son inspiration personnelle du moment ou selon sa fantaisie.  Je puis prier de diverses façons tout au long du jour au moment où j’en ai l’inspiration ou le goût.  Mais lorsque la cloche sonne pour la prière commune l’esprit d’obéissance décrit ici par Benoît demande que je laisse immédiatement toutes mes occupations pour me rendre à l’Office.  Lorsque je suis seul, je puis fredonner dans mon coeur ou de vive voix toutes les mélodies que je veux, modifiant librement des mélodies existantes ou en improvisant de nouvelles.  Mais lorsque je participe à la prière de la communauté, prendre la peine de regarder attentivement le texte et la mélodie qui servent à cette prière commune et les respecter est, dans l’esprit de Benoît, une réelle exigence d’obéissance et de respect de la communauté. 

            Toute la première partie de ce Chapitre de Benoît sur l’obéissance (versets 1-15) décrit cette forme monastique d’obéissance évangélique à l’exemple du Christ. 

            Dans la deuxième partie du chapitre Benoît décrit l’esprit dans lequel cette obéissance doit se vivre : 

Cette obéissance – dit-il – sera agréable à Dieu et douce aux hommes si l’ordre donné s’exécute sans agitation, ni lenteur, ni mollesse, sans récrimination ni désaccord exprimé... car Dieu aime qui donne avec joie. 

            Et il ajoute que la conformation aux ordres reçus ou aux règlements n’a aucune valeur devant Dieu si le coeur n’y est pas, c’est-à-dire si elle est faite de mauvais gré ou avec récrimination. 

            Le but final est de former une communauté chrétienne authentique, c’est-à-dire de développer entre nous une véritable communion, comme celle qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit.  Il ne s’agit pas de se plier au vouloir d’un autre ou des autres, mais d’arriver à avoir une seule volonté et la marche commune vers un seul but, en renonçant chacun à notre vouloir propre, à l’exemple du Christ. 

 

 

           

 

 

 

             

 


 

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