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14 mars 2010 – Chapitre
à
la
Communauté
de
Scourmont Les instruments pour bien agir (RB 4) La Règle de saint Benoît est concrète
et
pratique.
Elle
nous
présente
une
façon
d’agir,
de
faire.
Dès
le
début
du
Prologue,
elle
s’adresse
à
celui
qui
veut
revenir
à
Dieu
par
le
labeur
de
l’obéissance. Et, dans ce même Prologue, Benoît nous montre
Dieu
cherchant
son
ouvrier
dans
la
foule
du
peuple.
Il
n’est
donc
pas
surprenant
que,
dans
un
des
premiers
chapitres
(le
chapitre
4),
il
nous
présente
les
instruments
de
ce
travail,
les
outils
des
bonnes
oeuvres
(instrumenta
bonorum
operum). Ce chapitre, sans doute un peu déconcertant
pour
un
lecteur
moderne
nous
présente
une
liste
de
74
brèves
sentences,
la
plupart
formulées
sous
forme
de
préceptes
négatifs :
Ne
pas
tuer,
ne
pas
commettre
d’adultères,
ne
pas
voler.
En
réalité
ce
chapitre
n’a
rien
de
proprement
monastique.
Il
s’agit
de
la
façon
de
vivre
qui
convient
à
tout
chrétien,
et
même
à
tout
homme.
Un
autre
rappel
du
fait
qu’il
n’est
pas
possible
d’être
moine
chrétien
sans
être
un
chrétien
authentique,
et
il
n’est
pas
possible
d’être
chrétien,
sans
mener
une
vie
authentiquement
humaine.
Diverses analyses ont été faites de
la
structure
de
ce
chapitre
de
la
Règle.
En
gros
on
peut
dire
que
ces
74
sentences
sont
réparties
en
deux
grands
groupes :
d’abord
40
sentences
bibliques
rapportées
sans
commentaire
(1-40),
puis
une
trentaines
d’autres
sentences
(41-74)
constituant
un
programme
spirituel,
et
enfin
trois
sentences
constituant
une
conclusion. Ce sont évidemment les deux premières
sentences
qui
donnent
leur
sens
à
tout
l’ensemble.
Ce
sont
les
deux
grands
commandements
du
Nouveau
Testament :
l’amour
de
Dieu
et
l’amour
du
prochain : D’abord aimer le Seigneur Dieu de tout son coeur, de
toute
son
âme
et
de
toutes
ses
forces
(1). Ensuite, le prochain comme soi-même (2). C’est là l’essentiel de toute vie monastique,
comme
de
toute
vie
chrétienne.
Sans
cet
amour
de
Dieu
et
du
prochain,
rien
n’a
de
sens.
Si
l’on
tient
compte
de
cette
entrée
en
matière
sans
aucune
ambigüité,
on
sera
moins
surpris
des
autres
sentences
dont,
a
priori,
on
voit
moins
l’importance
dans
une
vie
monastique. Les six sentences suivantes sont tout
simplement
des
préceptes
du
décalogue :
ne
pas
tuer
(3),
ne
pas
commette
d’adultère
(4),
ne
pas
voler
(5)... respecter tous les hommes (8) – ce qui s’éclaire
par
la
parole
de
Jésus
disant
que,
par
son
commandement
de
l’amour,
il
n’est
pas
venu
abolir
la
Loi
et
les
Prophètes,
mais
les
porter
à
leur
perfection. Ce premier groupe de sentences se termine
par
la
règle
d’or : Ne pas faire à autrui ce qu’on ne
veut
pas
qu’on
nous
fasse
(9). Viennent ensuite une série de préceptes
–
toujours
tirés
de
l’Écriture
–
relatifs
à
la
suite
du
Christ
(sequela
Christi)
et
au
renoncement
nécessaire :
J’en
cite
quelques-uns : Renoncer à soi-même pour suivre le Christ (10). Aimer le jeûne (13). Restaurer les pauvres (14). Vêtir qui est nu (15). Visiter les malades (16). Consoler les affligés (19). Et cette série, inspirée évidemment
du
chapitre
25
de
Matthieu
se
termine
par
l’une des phrases centrales de la Règle, qui
reviendra
sous
diverses
formes : Ne rien préférer à l’amour du Christ. C’est donc dire que tout ce qui précédait,
y
compris
ce
qui
était
formulé
de
façon
négative,
ne
faisait
qu’énoncer
les
conditions
pour
ne
rien
préférer
à
l’amour
du
Christ.
Et
il
faut
bien
notre
qu’il
s’agit
d’une
affaire
d’amour.
Benoît
ne
dit
pas
simplement
Ne
rien
préférer
au
Christ,
mais
bien
Ne
rien
préférer
à
l’amour
du
Christ. Mais souvenons-nous que les deux premières
sentences
concernaient
l’amour
de
Dieu
et
du
prochain. C’est pourquoi cette mention de l’amour du Christ
est
suivie
d’une
longue
liste
d’une
vingtaine
de
sentences
relatives
pour
la
plupart
à
l’attitude
à
l’égard
du
prochain (22-40). En voici quelques-unes : Ne pas agir sous le coup de la colère (22). Dire la vérité de coeur comme de bouche (28). Ne pas rendre le mal pour le mal (29). Ne pas commettre d’injustice, mais supporter patiemment
celle
qu’on
nous
fait
(30). Aimer nos ennemis (31). Après cette série, dont les dernières
sont
toutes
formulées
de
façon
négative,
commence
une
nouvelle
série,
beaucoup
plus
positive,
qu’on
pourrait
appeler
un
programme
spirituel,
et
dont
la
première
donne
le
ton : Mettre en Dieu son espérance (41). S’il faut craindre le jour du jugement
(44)
et
redouter
l’enfer
(45),
il
faut
surtout
désirer
la
vie
éternelle
d’une
ardeur
toute
spirituelle
(46). Le Christ est de nouveau mentionné,
dans
le
contexte
de
la
lutte
contre
les
pensées
mauvaises
qui
nous
viennent
au
coeur.
Benoît
a
une
vision
très
positive
de
la
nature
humaine
et
du
coeur
humain.
Les
pensées
mauvaises
ne
sont
pas
engendrées
par
notre
coeur ;
elles
adviennent
à
notre
coeur.
Il
faut,
dit-il,
les
briser
immédiatement,
comme
des
corps
étrangers,
contre
le
roc
qu’est
le
Christ
et
s’en
ouvrir
à
un
ancien
(seniori spiritali) (50). – Il n’est cependant pas évident qu’il faille voir dans cette
dernière
invitation
une
allusion
à
ce
qu’on
appelle
aujourd’hui
la
direction
spirituelle
ou
l’accompagnement
spirituel. Les sentences 55 (écouter volontiers les
Saintes
Écritures) et 56 (s’adonner fréquemment à la prière) montrent que la prière continuelle et l’Écoute
de
la
Parole
de
Dieu
sont
intimement
liées. Dans le Chapitre 2 de
sa
Règle,
Benoît
avertissait
l’abbé
qu’il
doit
enseigner
à
la
fois
par
la
parole
et
par
l’exemple.
Ici,
dans
la
sentence
61,
il
rappelle
au
moine
qu’il
doit
suivre
l’enseignement
de
son
abbé,
même
si,
par
malheur,
celui-ci
agissait
autrement,
comparant
alors
l’abbé
aux
docteurs
de
la
loi,
au
sujet
de
qui
Jésus
avait
dit :
Faites ce qu’ils disent et non ce qu’ils font. En conclusion Benoît
rappelle
l’atelier
où
l’on
utilise
ces
outils
de
l’art
spirituel
(
ars spiritali -- l’expression demanderait, à elle seule, un long commentaire), c’est la
communauté.
Quant
au
but,
c’est
la
vie
éternelle :
ce
que
nul oeil n’a vue, ni l’oreille entendu, et que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment (76-77). Excellente lecture pour
un
Temps
de
Carême ! Armand VEILLEUX
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