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Chapitre du 28 février
2010
à la communauté de Scourmont Des qualités requises de l’abbé - RB 2, 14-fin Dans la première partie du chapitre
2
de
sa
Règle,
saint
Benoît
situe
l’abbé
par
rapport
au
Christ
dont
il
est
le
représentant
ou
le
vicaire
(
cf.
vices
gerere
)
au
sein
de
la
communauté.
L’abbé
doit donc s’efforcer d’incarner la bonté du Christ
auprès
de
ses
frères,
et
leur
transmettre
son
enseignement
(i.e.
l’enseignement
du
Christ).
Il
enseignera
par
son
comportement
aussi
bien
que
par
ses
paroles.
Dans
les
versets
suivants
Benoît
en
tire
un
certain
nombre
de
conséquences. La première de ces conséquences est
d’éviter
toute
acception
de
personnes,
c’est-à-dire
avoir
la
même
attitude
à
l’égard
de
tous
ses
frères,
quelle
que
soit
leur
provenance
sociale.
Dieu,
rappelle-t-il,
ne
fait
pas
acception
des
personnes. Il faut dire qu’on était alors dans une société
romaine
fortement
stratifiée
où
les
classes
sociales
jouaient
un
très
grand
rôle.
Parmi
ceux
qui
venaient
au
monastère
il
y
en
avait
de
la
vieille
noblesse
romaine,
mais
aussi
des
serviteurs
et
des
esclaves
de
cette
noblesse,
sans
compter
ceux
qui
provenaient
de
toutes
les
peuplades
qu’on
appelaient
« barbares »
et
qui
remplaçaient
graduellement
cette
ancienne
noblesse.
L’abbé
doit
avoir
à
l’égard
de
tous
la
même
attitude
car,
nous
sommes
tous
les
serviteurs
du
Christ.
Plus
loin
dans
sa
Règle,
Benoît
en
déduira
que
nous
devons
être
les
serviteurs
les
uns
des
autres.
Il
anticipe
aussi
sur
ce
qu’il
dira
plus
loin
sur
le
rang
en
communauté,
où
nous
avons
le
rang
correspondant
au
jour
et
à
l’heure
de
notre
arrivée,
quelle
que
soit
notre
provenance.
La
seule
distinction
dans
l’attitude
de
l’abbé
à
l’égard
des
frères
doit
correspondre
au
mérite.
Benoît
l’exprime
dans
une
phrase
de
transition : Que sa charité soit égale pour tous et qu’il traite tous
avec
la
même
discipline,
selon
leurs
mérites. Aequalis sit ab eo omnibus caritas, una praebeatur in omnibus
secundum
merita
disciplina. Cette mention de la disciplina,
introduit
à
un
autre
aspect
de
la
charge
que
Benoît
confie
à
l’abbé
et
qu’il
exprime
d’abord
avec
la
recommandation
assez
incisive
de
Paul
à
son
disciple
Timothée :
« Reprends,
exhorte,
menace »
(2
Tim
4,
2)
et
qu’il
paraphrase
avec
des
expressions
moins
sévères
tout
en
étant
tout
aussi
exigeantes. Il doit, dit-il « mêler selon les circonstances
la
sévérité
à
la
douceur,
et
montrer
soit
la
rigueur
d’un
maître,
soit
la
bonté
d’un
père ».
Si, dans le passé, les supérieurs pouvaient
assez
souvent
pécher
par
sévérité
en
corrigeant
sans
cesse
et
parfois
avec
dureté,
la
tentation
la
plus
générale
de
nos
jours
est
de
pécher
par
la
tendance
inverse
en
n’ayant
pas
le
courage
de
corriger
lorsque
c’est
nécessaire. Il est difficile de citer de nos jours
dans
leur
entièreté
les
recommandations
de
Benoît,
qui
supposent
un
contexte
social
tout
à
fait
différent
du
nôtre,
où
l’on
pouvait
aller
dans
les
cas
extrêmes
jusqu’aux
coup
physiques
–
ce
qui
serait
évidemment
tout
à
fait
inacceptables
de
nos
jours
(en
plus
d’être
puni
par
la
loi
civile !). Et pourtant ce passage de Benoît est un modèle
d’équilibre : Aussi
l’incitons-nous
à
reprendre
vertement
les
indisciplinés
et
les
turbulents ; à exhorter les obéissants, les doux et les patients
à
toujours
plus
de
progrès ;
à
menacer
et
châtier
les
négligents
et
les
arrogants. Il explique ensuite comment une ou
deux
admonitions
verbales
suffisent
pour
réprimander
les
esprits
droits
et
compréhensifs ;
mais
cela
ne
suffit
pas
avec
ceux
qu’il
appelle
les
« fourbes,
les
obstinés,
les
orgueilleux
et
les
désobéissants ». Cela veut dire qu’il y en avait dans ses communautés !
Même
si
nous
sommes
heureusement
de
nos
jours
dans
un
contexte
culturel
tout
autre,
le
devoir
de
la
correction
fraternelle
demeure
toujours
une
obligation
évangélique. Si tous les frères sont conscients de ce devoir
de
la
correction
fraternelle,
l’abbé
aura
rarement
besoin
de
l’exercer
lui-même
et
uniquement
dans
des
choses
sérieuses.
Il
ne
peut
cependant
renoncer
à
ce
devoir. Je sais, par mon expérience comme Procureur
Général
et
par
ma
plus
longue
expérience
de
participation
aux
Chapitres
Généraux,
depuis
quarante
ans,
qu’on
est
confronté
parfois
à
des
crises
personnelles
et
communautaires
qui
ne
se
seraient
probablement
pas
produites,
si
les
frères
et
l’abbé
avaient
eu
le
courage
d’exercer
la
correction
fraternelle
évangélique
au
tout
début
d’un
dérapage. Cela n’est certes jamais facile.
Et
c’est
pourquoi
Benoît
rappelle
encore
une
fois
à
l’abbé
toutes
ses
obligations,
dans
des
mots
qui
ont
de
quoi
décourager
quiconque
aurait
le
désir
de
devenir
abbé :
Qu’il
sache
combien
difficile
et
rude
est
la
tâche
qu’il
a
reçue :
conduire
des
âmes
et
être
au
service
d’un
grand
nombre
avec
leurs
humeurs ;
avec
l’un
il
usera
de
douceur ;
avec
l’autre
de
blâmes,
avec
un
troisième
de
persuasion
selon
le
caractère
et
l’esprit
de
chacun... .......
Surtout
qu’il
ne
perde
pas
de
vue
ni
ne
sous-estime
le
salut
des
âmes
à
lui
confiées,
pour
ne
pas
donner
plus
de
soin
aux
choses
passagères,
terrestres
et
caduques... Cela peut en effet être une tentation
pour
l’abbé
de
se
dire
qu’il
considère
sa
tâche
comme
un
service
des
frères ;
qu’il
n’a
pas
de
grandes
capacités
pour
guider,
enseigner
et
corriger
les
frères,
mais
qu’il
se
consacre
à
leur
service. Ou bien il consacre la majeure partie de son
temps
à
la
gestion
matérielle
de
la
communauté,
ou
bien
simplement
à
l’une
ou
l’autre
tâche
matérielle.
Il
doit
alors
toujours
s’examiner
devant
Dieu
pour
voir
si
cette
« générosité »
au
service
de
sa
communauté
n’est
pas
une
fuite.
C’est
pourquoi
Benoît
enfonce
le
clou
en
redisant
la
même
chose
en
d’autres
mots : Qu’il
pense
toujours
que
ce
sont
des
âmes
qu’il
a
reçues
à
conduire,
dont
il
devra
rendre
compte. Et pour
ne
pas
tirer
prétexte
du
risque
de
perte
matérielle,
il
se
souviendra
qu’il
est
écrit :
Cherchez
d’abord
le
royaume
de
Dieu
et
sa
justice
et
tout
cela
vous
sera
donné
de
surcroît. Il serait facile de corriger les autres
si
l’on
n’avait
pas
soi-même
ses
propres
défauts. Mais le fait d’être soi-même encore loin du
but
dans
tel
ou
tel
aspect
de
la
vie
chrétienne
et
monastique
ne
peut
être
un
prétexte
pour
ne
pas
indiquer
ce
but
à
ses
frères. C’est pourquoi Benoît termine ce chapitre en
rappelant
à
l’abbé
que
ce
sont
là
deux
aspects
de
la
même
responsabilité : ... travaillant
par
ses
monitions
à
corriger
les
autres,
il
corrigera
lui-même
ses
défauts. Le fait que l’abbé aie ses défauts
n’est
donc
ni
pour
lui-même
un
prétexte
légitime
de
ne
pas
exhorter
ses
frères
à
une
conversion
continuelle,
ni
pour
les
frères
un
prétexte
légitime
à
ne
pas
porter
attention
à
ses
enseignements
et
à
ses
exhortations. Nous avons tous le même devoir de la
conversion
continuelle. Armand
Veilleux
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