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Chapitre
du
17
janvier
2010
Prologue de la Règle de saint Benoît (verset 4) Dimanche dernier, j’avais annoncé que
je
commenterais
les
verses
3
et
4
du
Prologue
de
la
Règle. En réalité je n’ai commenté que le verset 3.
Je
reprends
donc
mon
commentaire
aujourd’hui
à
partir
du
verset
4,
qui
est
le
dernier
de
la
petite
section,
au
début
du
Prologue,
qui
est
vraiment
propre
à
Benoît,
avant
de
passer
au
corps
du
Prologue,
où
l’auteur
reprend
substantiellement
un
texte
antérieur. Avant tout, quand tu commences à faire quelque chose de bien, supplie le Seigneur par une très instante prière de conduire lui-même cette action jusqu’au bout. « Avant tout » (in primis) :
par
ces
mots
Benoît
affirme,
d’une
façon
très
claire
et
très
forte,
dès
le
début
de
la
Règle
le
primat
de
la
prière.
Il
ne
faut
pas
oublier
que
Benoît
écrit
pour
quelqu’un
qui
entre
dans
une
forme
de
vie
où
rien
de
devra
être
préféré
a
l’Office
Divin
(opus
Dei).
Cet
« avant
tout »
ne
signifie
pas :
« avant
de
commencer
ta
vie
monastique ». Cela signifie que la prière doit être au début
et
à
l’origine
de
toute
bonne
action.
C’est
ainsi
que
chacune
des
principales
« Heures »
de
la
journée
(selon
le
mode
romain
de
diviser
le
jour
et
la
nuit),
c’est-à-dire
la
première,
la
troisième
et
la
neuvième
heure,
commencera
par
un
moment
de
prière
commune,
en
plus
évidemment
des
Laudes
au
début
de
la
journée
et
des
Vêpres
à
la
fin,
puis
des
Vigiles
et
de
Complies.
Au début de chacun de ces moments de
prière
commune
on
dit
« Dieu,
viens
à
mon
aide ;
Seigneur,
à
notre
secours ».
Or
l’attitude
exprimée
par
cette
formule
utilisée
dans
la
prière
commune,
exprime
l’attitude
que
chacun
de
nous
doit
avoir
au
début
de
chacune
de
nos
actions. Et quand je dis « chacune de nos
actions »,
je
veux
souligner
tout
le
poids
du
mot
« action ». Car la Règle n’est pas un document décrivant
des
états
d’âmes
qu’on
serait
censé
avoir
–
elle
est
un
document
pratique
qui
décrit
ce
que
nous
devons
« faire »
(« quand
tu
commences
à
faire
quelque
chose
de
bien... »).
Il
serait
intéressant
de
relever
tous
les
mots
du
Prologue
qui
désignent
une
« action » :
écoute...
les
préceptes
/
accepte
les
conseils
/
renonces
à
tes
volontés
propres
/
prends
les
armes...
de
l’obéissance
/
pour
militer
/
et,
un
peu
plus
loin :
cherche
/
cours
/
persévères,
etc. Lorsque Benoît dit qu’avant toute bonne
action
il
faut
supplier
le
Seigneur
par
une
prière
très
instante
de
la
conduire
jusqu’au
bout,
il
ne
veut
pas
dire
que
nous
devons
réciter
rapidement
et
–
probablement
–
distraitement
une
« petite
prière »
avant
chaque
activité.
Il
veut
surtout
dire
qu’il
doit
y
avoir
dans
notre
vie
une
attitude
constante
de
prière,
dans
laquelle
se
situe
toute
notre
activité
tout
au
long
du
jour.
(Il
est
trop
facile
d’oublier
cette
exigence
de
la
prière
continuelle
en
se
satisfaisant
de
faire
simplement
une
petite
routine
de
prière
avant
chaque
action). Ici Benoît utilise deux mots latins
plutôt
rares,
qu’on
ne
retrouve
pas
dans
la
Règle
du
Maître
ni
dans
la
Vulgate.
Il
parle
d’une
prière
« très
instante » :
instantissima.
Ce
superlatif
ne
se
trouve
pas
dans
la
Bible
latine
(Vulgate)
et
est
très
rare
dans
la
littérature
patristique.
Le
mot
vient
évidemment
du
verbe
latin
instare,
qui
a
plusieurs
significations :
insister,
importuner,
presser,
et
même
assaillir
quelqu’un.
Cette
insistance
comporte
évidemment
une
nuance
de
durée. Il s’agit donc d’une prière continuelle, d’une
attitude
de
prière.
Il
s’agit
non
seulement
d’une
prière
qui
« insiste »
dans
sa
demande,
mais
d’une
prière
qui
« persiste »,
qui
« continue »
--
donc
d’une
prière
continuelle. L’autre mot rare utilisé ici par Benoît
est
le
mot
deposcas
(supplie
le
Seigneur).
Un
autre
mot
qui
ne
revient
ni
dans
la
RM
ni
dans
la
Vulgate.
Il
signifie
une
prière
très
fervente.
Ces deux expressions et la tonalité
générale
de
ce
verset
renvoie
sans
doute
à
la
parabole
de
la
veuve
importune
qu’on
trouve
en
Luc
18,
1-8.
(Remarquons
au
passage
que
chez
Luc
aussi,
il
faut
chercher
une
signification
bien
précise,
chaque
fois
qu’il
utilise
un
mot
ou
une
expression
rare
ou
qui
lui
est
propre). Que faut-il demander au Seigneur ?
Tout
simplement
qu’il
conduise
chacune
de
nos
bonnes
actions,
et
donc
aussi
notre
vie
tout
entière,
jusqu’au
bout.
Mot-à-mot,
on
lui
demande
de
« parfaire »
(perfici)
nos
actions.
Il
est
si
facile
de
commencer
beaucoup
de
choses
sans
jamais
les
achever.
Par
ailleurs
nous
devons
être
conscients
que
chaque
fois
qu’une
de
nos
actions
est
« par-faite »,
c’est-à-dire
achevée,
menée
jusqu’au
bout,
c’est
le
Christ
qui
l’a
rendue
par-faite,
qui
l’a
achevée,
en
réponse
à
notre
prière
insistante,
incessante
ou
constante. Je me suis attardé dans mon commentaire
de
ces
quatre
premiers
versets
du
Prologue
(nous
irons
beaucoup
plus
vite
pour
la
suite),
parce
qu’ils
nous
révèlent
très
clairement
la
personnalité
de
Benoît,
et
nous
aideront
donc
à
mieux
comprendre
le
reste
de
sa
Règle. Benoît nous apparaît comme un être humain très
sensible
et
en
même
temps
très
pratique.
Dès
le
début
il
met
son
disciple
devant
Dieu
perçu
comme
un
père
aimant.
Il
situe
déjà
le
Christ
au
coeur
de
la
vie
du
moine.
Il
présente
toute
la
vie
monastique
qui,
à
l’instar
de
toute
vie
humaine,
sera
remplie
de
choses
à
faire,
comme
une
recherche
constante
de
Dieu
dans
une
prière
continuelle
menant
à
l’union
des
coeurs
et
des
volontés
qu’est
l’obéissance. Armand VEILLEUX
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