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Chapitre du 29 novembre
2009
Premier Dimanche de
l’Avent La Révélation du Fils de l’Homme Vous aurez sans doute remarqué que
l’Évangile
d’aujourd’hui
est
composé
de
deux
passages
du
chapitre
21
de
saint
Luc,
que
nous
avons
lus
au
cours
des
derniers
jours,
dans
le
lectionnaire
férial :
le
premier,
jeudi
et
le
second,
samedi.
Il
s’agit
d’une
section
du
grand
discours
apocalyptique
de
Jésus
en
saint
Luc. Nous baignons ici en pleine spiritualité
apocalyptique,
et
il
y
a,
en
ce
passage
d’une
année
liturgique
à
l’autre,
une
admirable
continuité.
Tout au long de la semaine qui vient de s’écouler,
et
qui
était
la
dernière
du
cycle
liturgique,
c’est
le
Livre
de
Daniel
qui
nous
accompagnait
comme
première
lecture
à
la
Messe. C’est un écrit qui, tout en ayant des éléments
historiques,
appartient
au
genre
apocalyptique. Il fut écrit dans un temps de persécution, au
moment
de
la
résistance
des
Maccabées.
S’y
révèle
un
messianisme
qui
nourrit
l’attente
d’un
sauveur
désigné
comme
le
« Fils
de
l’Homme ». Ce qui nous préparait déjà à l’Avent. (Cette
expression
« Fils
de
l’Homme »
est
ambivalente
et
riche
de
sens :
Elle
désigne
souvent
le
Messie,
mais
dans
son
sens
premier
elle
désigne
l’être
humain
comme
tel,
et,
dans
un
deuxième
temps,
l’humanité
dans
son
ensemble). De même, tout au long de la semaine,
la
lecture
quotidienne,
tirés
des
derniers
chapitres
de
l’Évangile
de
Luc,
nous
parlait
de
la
fin
des
temps.
Et
l'une
des
caractéristiques
de
cette
fin
des
temps
selon
l'Évangile,
est
le
renversement
des
situations: Ceux qui auront été sous-privilégiés et opprimés
en
cette
vie
seront
dans
la
joie,
et
les
privilégiés
de
ce
monde
qui
auront
vécu
sans
compassion
pour
les
moins
fortunés
seront
dans
les
douleurs.
La première lecture de la messe de
mercredi
dernier
nous
montrait
le
jeune
Daniel
prisonnier
à
la
cour
du
roi
de
Babylone,
non
seulement
plein
de
Sagesse
reçue
d’en
haut,
mais
aussi
totalement
dépourvu
de
peur.
Il
ose
parler
avec
force
et
courage
à
Nabuchodonosor,
le
plus
puissant
des
rois
de
la
terre,
lui
reprocher
ses
crimes
et
lui
annoncer
le
démantèlement
de
son
royaume,
tout
comme
Jean-Baptiste,
plusieurs
siècles
plus
tard
osera
parler
avec
courage
et
clarté
au
roi
Hérode.
Ce
sont
des
hommes
sans
peur
parce
qu’ils
n’ont
rien
à
perdre.
(Nous
avons
peur
des
autres
et
des
circonstances
lorsque
nous
avons
des
illusions
de
pouvoir,
des
ambitions,
des
rêves
ou
des
trésors
à
protéger.
Si
nous
sommes
pauvres,
de
la
pauvreté
des
béatitudes,
sans
rien
à
défendre
et
à
protéger
et
donc
sans
rien
à
perdre,
alors
nous
pouvons
être
libéré
de
toute
peur).
Dans
l’Évangile,
Jésus
ne
cesse
de
répéter
à
ses
disciples
« N’ayez
pas
peur ».
Luc, dont l’Évangile est le dernier
des
trois
Évangiles
synoptiques
à
avoir
été
écrit,
situe
le
discours
eschatologique
de
Jésus
autour
du
Temple
de
Jérusalem.
Et ce Temple a déjà été détruit par l’armée romaine
au
moment
où
Luc
écrit.
Dans
le
passage
qui
précède
immédiatement
ce
discours,
les
disciples
admiraient
la
beauté
du
Temple
de
Jérusalem,
et
Jésus
leur
annonçait
la
destruction
de
ce
Temple
disant
qu’il
n’en
restera
pas
pierre
sur
pierre.
Puis
il
continuait,
dans
le
texte
d’aujourd’hui,
en
annonçant
les
difficultés,
les
persécutions
et
les
souffrances
qu’auront
à
subir
ses
disciples Jésus les prévient que lorsqu’ils seront
traînés
devant
des
tribunaux
et
des
juges,
ils
ne
devront
pas
se
préoccuper
de
préparer
leur
défense,
car
c’est
d’en
haut
qu’ils
recevront,
comme
Daniel,
les
paroles
de
sagesse
dont
ils
auront
besoin. Ces paroles de sagesse ne les empêcheront pas,
en
plusieurs
cas,
d’être
mis
à
mort ;
mais
même
alors
ils
seront
entre
les
mains
de
Dieu. Tous ces récits nous parlent de la
fin
des
temps.
La
« fin
des
temps »
pour
Jésus,
surtout
si
l’on
prend
l’ensemble
de
ses
prophéties
à
ce
sujet
dans
les
trois
évangiles
synoptiques,
ne
signifie
pas
un
moment
où
l’univers
créé
sera
détruit
et
cessera
d’exister. Cette expression signifie plutôt le but, la
finalité
ultime
vers
laquelle
tend
toute
la
marche
de
l’histoire. Elle signifie l’achèvement ultime de l’univers
tel
que
prévu
par
le
créateur
et
non
sa
destruction. Il y aura des guerres, mais ce ne sera pas cela
la
fin.
Il
y
aura
des
tremblements
de
terres
et
des
cataclysmes
naturels,
mais
ce
ne
sera
pas
la
fin. Il y aura des persécutions, mais cela ne sera
pas
non
plus
la
fin.
Finalement
l’Évangile
sera
annoncé
à
toutes
les
nations
et
le
Fils
e
l’Homme
apparaîtra
dans
toute
sa
puissance
et
sa
gloire.
Alors
la
fin,
le
but
ultime
de
la
création
sera
réalisé. Les hommes pourront relever la tête car
leur
libération
sera
arrivée. Tous les grands récits apocalyptiques
tendent
non
pas
vers
une
destruction,
mais
une
pleine
réalisation
du
mouvement
de
retour
de
l’univers
créé
vers
Dieu
des
mains
duquel
il
est
sorti.
Réjouissons-nous, faisons taire
toutes
nos
peurs
et
vivons
non
dans
l’attente
de
la
destruction
du
monde
mais
dans
l’attente
d’un
plein
achèvement
et
de
chacun
de
nous
et
de
toute
la
création.
Dieu
ne
détruira
jamais
ce
qu’il
a
créé
par
l’amour,
mais
le
transformera
en
faisant
croître
en
plénitude
la
semence
de
vie
divine
qu’il
y
a
placée. J’ai utilisé plusieurs
fois
depuis
le
début
de
mon
entretien,
le
substantif
« apocalypse »
ou
l’adjectif
« apocalyptique ».
Pour
comprendre
toute
la
liturgie
de
l’Avent,
et
en
particulier
celle
de
ce
premier
dimanche,
je
crois
utile
de
dire
quelque
mots
de
ce
qu’on
entend
par
ces
expressions.
Il
ne
faut
surtout
pas
leur
donner
un
sens
tragique
de
destruction
totale.
Il
s’agit
plutôt
d’un
genre
littéraire
et,
avant
même
d’être
un
genre
littéraire,
de
tout
un
grand
courant
de
spiritualité.
Ce
grand
courant
s’est
développé
entre
le
deuxième
siècle
avant
Jésus-Christ
et
la
fin
du
1er
siècle
chrétien. Le verbe grec « apokalyptein » signifie d’abord découvrir,
puis
révéler.
Le
substantif
correspondant
–
apokalypsis
–
qu’on
traduit
généralement
par
« révélation »
est
le
premier
mot
du
dernier
livre
du
Nouveau
Testament,
qu’on
attribue
à
l’apôtre
Jean. Ce grand courant qui caractérise
le
judaïsme
tardif
et
le
christianisme
naissant
est
beaucoup
plus
qu’un
courant
littéraire.
C’est
un
puissant
courant
spirituel,
qui
prend
la
relève
du
mouvement
prophétique,
longtemps
après
que
celui-ci
semble
s’être
arrêté
ou
s’être
éteint.
L’un
des
grands
représentants
de
ce
mouvement
dans
le
judaïsme
tardif
est
précisément
Daniel,
mentionné
au
début. Selon une croyance et
un
enseignement
familiers
aux
Juifs
des
derniers
siècles
avant
Jésus-Christ,
les
cieux
« s’étaient
fermés »
et
l’Esprit-Saint
n’était
plus
descendu
sur
quiconque. Il n’y avait plus de prophète, depuis la disparition
des
derniers
prophètes,
que
furent
Aggée,
Zacharie
et
Malachie.
La
prophétie
avait
cessé
et,
dès
lors,
le
groupe
juif
était
atteint
dans
les
principes
mêmes
de
ses
prétentions
à
vivre.
Sans
Esprit
Saint,
il
n’y
avait
plus
d’histoire
possible
lui.
Il
n’y
avait
plus
d’Israël. Alors se fait plus vive
l’attente
du
Messie.
On
disait
couramment
que
les
cieux
s’ouvriraient
lors
de
la
venue
du
Messie,
afin
que
le
Prophète
des
« temps
nouveaux »
puisse
recevoir
l’Esprit. On se reportait à la promesse de Moïse au peuple
(Dt
18,18)
« Yahvé
ton
Dieu
suscitera
pour
toi...
un
prophète
comme
moi ».
On
l’identifiait
souvent
à
Elie...
Avec l’arrivée de Jésus,
les
cieux
s’ouvrent.
Par
exemple,
lorsqu’il
descend
dans
le
Jourdain
pour
se
faire
baptiser,
les
cieux
s’ouvrent
et
l’Esprit
se
manifeste. Je vous invite aussi à réfléchir tout particulièrement
sur
la
dernière
phrase
de
l’Évangile
d’aujourd’hui,
sur
laquelle
on
pourrait
bâtir
toute
une
théologie
de
la
vie
monastique :
« Restez
éveillés
et
priez
en
tout
temps :
ainsi
vous
serez
jugés
dignes
d’échapper
à
tout
ce
qui
doit
arriver
et
de
paraître
debout
devant
le
Fils
de
l’homme ». On a là trois éléments essentiels
de
la
voie
monastique : a) Rester éveillés, ou être vigilants . b) Prier sans cesse : c) Se tenir debout devant le fils de l’homme. Mail
il
y
a
là
l’objet
d’un
autre
entretien. Armand
Veilleux
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