Chapitre du 18 octobre 2009

Abbaye de Scourmont 

 

Le sacerdoce du Christ et la fermeté de note foi

 

            Depuis quelques semaines, et jusqu’à la fin de l’année liturgique – sauf pour le dimanche du Christ-Roi – la seconde lecture à la Messe du dimanche est tirée de la Lettre aux Hébreux. 

            Cette Lettre aux Hébreux n’est pas un écrit facile.  Les discussions n’ont pas manqué, depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours au sujet de son auteur, de la date de sa rédaction, de ses destinataires, etc. Il n’y a pas lieu d’entrer maintenant dans toutes ces questions. Retenons simplement que l’écrit se divise en trois grandes parties : 1) La parole de Dieu incarnée dans le Christ (1-4), 2) Le Sacerdoce du Christ (4,14-10,18), et 3) La vie chrétienne (10,19-fin). La lecture d’aujourd’hui est tirée de la deuxième partie

 

Frères,
en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l'affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n'est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l'épreuve comme nous, et il n'a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours (4, 14-16).

 

            On trouve dans ce texte deux affirmations concernant le Christ ; et, après chacune, l’expression de la conséquence pour nous de cette affirmation.  La première concerne le sacerdoce du Christ. Cela n’est pas sans importance car la Lettre aux Hébreux est le seul écrit du Nouveau Testament qui donne au Christ le titre de prêtre, et même de grand prêtre.  Il peut être intéressant d’y réfléchir en cette année que Benoît XVI a désignée comme « Année du sacerdoce ». 

            Dans l’Ancien Testament il y avait trois personnages importants : le roi, sur qui reposait tout l’aspect civil et militaire du peuple ; le prêtre, de qui dépendait tout l’aspect cultuel ; et le prophète, qui était l’intermédiaire entre le peuple et Dieu, et qui avait comme mission de rappeler sans cesse au peuple – y compris le roi et le prêtre – les volontés et les reproches de Dieu.  Tout au long de l’Évangile, Jésus se présente non pas dans la lignée du roi, même s’il est fils de David, ni dans la lignée du prêtre – il n’est d’ailleurs pas de famille sacerdotale -- mais dans celle des prophètes. 

            Il n’en est donc que plus important de bien peser ce que nous dit la Lettre aux Hébreux concernant son sacerdoce.  La première affirmation – qui ouvre le texte lu aujourd’hui – souligne d’emblée la nature de ce sacerdoce lorsqu’elle dit que nous avons un grand prêtre par excellence « qui a pénétré au-delà des cieux ». C’est donc dans le Christ ressuscité, glorifié auprès du Père, après sa passion et sa mort, qu’on reconnaît l’accomplissement parfait de son sacerdoce et non dans sa passion elle-même.

            D’ailleurs, dans la phrase suivante, la Lettre nous présente les souffrances du Christ non pas comme un rituel nouveau remplaçant les rituels de l’Ancienne Alliance, mais comme une épreuve par laquelle le Christ a passé, partageant toute notre condition humaine.  Il n’a pas été sacrifié ; il a été assassiné. 

            De la première affirmation, c’est-à-dire celle que nous avons un grand prêtre par excellence, l’auteur en déduit que « nous devons tenir ferme dans l’affirmation de notre foi » ; et de la seconde – qu’il a partagé nos faiblesses – il en déduit que nous devons nous avancer plein d’assurance vers le Dieu tout-puissant. 

            Dans l’Église, on distingue plus clairement de nos jours le sacerdoce ministériel des prêtres et des évêques du sacerdoce général de tous les fidèles, l’un et l’autre étant, chacun à sa façon, une participation au sacerdoce du Christ. Une forme d’exercice du sacerdoce ministériel, et un type de prêtre se sont développés au cours des siècles et la pénurie de vocations au sacerdoce ministériel dans plusieurs partie de l’Église obligent de nos jours à repenser le type d’Église et le type de ministère que Dieu veut pour son Église aujourd’hui. Ces passages de la Lettre aux Hébreux devraient être le point de départ d’une telle réflexion. 

            Pour nous moines, comme pour tout Chrétien, nous devons surtout retenir que, dans ce texte, l’affirmation du sacerdoce du Christ qui a pénétré au delà des cieux conduit à la recommandation d’être fermes dans l’affirmation de notre foi.  

            Remarquons l’expression « l’affirmation de notre foi ». Cela ne signifie certainement pas réciter des formules en disant « je crois en ceci... ou en cela ». Il s’agit d’affirmer notre foi à travers notre façon de vivre.  On retrouve cela à la fin du Prologue de la Règle, où Benoît dit que « à mesure que l’on progresse dans la vie sainte (ou conversatio) et dans la foi – on doit donc progresser sans cesse dans la foi – on pour courir le coeur dilaté dans la voie des commandements de Dieu. 

            Sans la foi notre vie monastique n’aurait aucun sens.  Le mot latin fides se trouve rarement dans la Règle ;  mais le verbe credere revient souvent.  Ainsi, au chapitre 2, il est dit de l’abbé que Christi... agere vices... creditur ; autrement dit ce n’est que dans une vision de foi que l’on peut le considérer comme le représentant du Christ dans la communauté.  Ou encore, au chapitre 19, sur la psalmodie, il est dit que « Nous croyons que Dieu est partout... d’une façon spéciale durant la psalmodie ». Là encore, il s’agit d’une vision de foi. Si l’on a cette vision de foi, on peut vivre sans cesse en présence de Dieu et faire de sa vie une prière continuelle, ce qui est le but de la vie monastique.

 

Armand VEILLEUX

 

           

 

 


 

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