19 juillet 2009

Chapitre à la communauté de Scourmont 

 

En mémoire de Dom Guerric Baudet 

            Dom Guerric nous a quittés assez rapidement. Son coeur, avec une valve à peu près bouchée, avait de plus en plus de difficulté à battre. Il s’est tout simplement éteint lentement.  Malgré la difficulté à respirer des derniers jours, il n’a pas connu d’agonie.  

            Sa longue vie s’est terminée par une très belle vieillesse et aussi une très belle mort.  Il a gardé toute sa lucidité, son esprit vif et sa mémoire jusqu’au bout, à près de 96 ans.  Il a vu venir la mort avec une très grande sérénité.  Il en parlait de plus en plus souvent, mais en toute simplicité.  Il était en quelque sorte surpris d’être encore en vie.  Il était heureux de vivre, mais était aussi tout à fait prêt à rencontrer le Seigneur.  

            J’ai eu le privilège d’accompagner ses derniers moments.  J’ai récité quelques prières très peu de temps avant son dernier respire, et il a récité amen à la fin.  Il a aussi levé les bras lorsque j’ai chanté le Salve à voix basse.  Au moment où son respire allait arrêter, il m’a serré la main en me regardant avec deux yeux très paisibles, puis il a émis son dernier respire. Tout sereinement, comme il avait vécu parmi nous ces dernières années. 

            Il va nous manquer. Il a été si longtemps au coeur de la communauté. Durant près de quarante ans comme supérieur, suivis de vingt ans d’une présence beaucoup plus discrète, mais toujours intense.  Pour moi, qui suis venu de l’extérieur, il y a onze ans, il a été le modèle de l’abbé démissionnaire.  Il n’est jamais facile à quelqu’un qui a servi sa communauté comme abbé durant longtemps de trouver sa juste place en communauté (comme la chose n’est pas facile non plus pour son successeur).  Ce ne fut pas le cas durant ces onze dernières années. Pour moi la présence de Dom Guerric en communauté m’a toujours été précieuse.  Ses avis et ses conseils – qu’il ne donnait que si on les lui demandait – m’ont toujours été précieux.  Comme tout le monde sait, les choses ne furent pas faciles pour lui sous l’un de ses successeurs.  Jamais il ne m’en a parlé.  C’était un moine pacifié, sans rancune. 

            Même si je ne suis venu à Scourmont qu’il y a onze ans, je connaissais Dom Guerric depuis 45 ans.  Ma première rencontre fut à Monte Cistello, en 1964, lors de la première réunion de la Commission Centrale, qui allait devenir un organe important de l’Ordre.  Il était membre de cette première réunion (qui devait son origine à la réunion de Westmalle au sujet du groupe d’Achel voulant fonder au Danemark) ; et moi j’étais un jeune étudiant.  J’étudiais la liturgie, et l’une des questions au programme de cette réunion (et du Chapitre Général suivant) était la place de la liturgie dans la vie monastique.  

            Je l’ai retrouvé cinq ans plus tard au Chapitre Général de 1969. Il était le secrétaire d’une des commissions, et ses rapports succincts mais pleins d’esprit étaient un régal à entendre.     

            Dom Guerric aura eu, d’une façon très réservée, un rôle important dans l’histoire de l’Ordre au 20ème siècle.  

            Il fut étudiant à la Maison Généralice de 1936 à 1939.  La liste de ceux qui y furent en même temps que lui est impressionnante.  Toute une série de personnes qui ont marqué la vie de l’Ordre.  En voici les principaux : Vincent Hermans , Achel ;

Edmond Mikkers, Achel ; Jean-Baptiste Van Damme, Westmalle ; Robert Thomas, Sept Fons ; André Francheboud, Tamié ; Jean de Ruette, Orval ; Etienne Chenevière, La Trappe.  Sans compter ses confrères de Scourmont : Maur Standaert, Francis Mahieu, Théodore De Haene et Gall Schuon.  C’est sans doute là qu’il acquit son sens de l’Ordre. 

            Dès le début de son supériorat, en 1950 il devint membre de la Commission de Liturgie (en remplacement de Dom Anselme Le Bail) et il le sera jusqu’à la création d’une nouvelle Commission en 1967.  Il sera aussi le premier président de la Commission de Droit, de 1969, jusqu’à 1977. 

            Il fut envoyé avec Dom Félicien de Rochefort pour une importante Visite Régulière à Latroun en 1961.  

            Je reviendrai à un autre moment sur son service des maisons-filles de Scourmont et sur son amour de l’Afrique.  

            En relisant ses interventions aux Chapitres Généraux, spécialement à celui de 1969, où nous avons rédigé la Déclaration sur la Vie Cistercienne, je suis surpris à quel point je me sentais et me sens sur la même longueur d’ondes que lui, malgré notre différence d’âge.  Je puis dire que c’est quelqu’un que j’ai non seulement beaucoup estimé mais aussi aimé, et dont je me suis toujours senti accepté et estimé malgré notre différence d’âge et nécessairement des sensibilités différentes.

 

Armand Veilleux

 

 

 

 


 

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