Chapitre du 5 juillet 2009

 

La puissance dans la faiblesse

 

            Comme deuxième lecture à la Messe, nous avons aujourd’hui une dernière section de la deuxième Lettre de Paul aux Corinthiens. 

            On le sait, cette lettre est un ensemble composite, et les exégètes se partagent quant à savoir s’il s’agit d’une seule Lettre ou d’un recueil de Lettes.  De toutes façons, dans les chapitres 10 à 13, qui constituent la dernière partie, Paul explique comment l’autorité de son ministère s’exprime dans sa propre faiblesse. 

            C’est le message de la brève lecture d’aujourd’hui.  Paul fait d’abord allusion aux révélations ou expériences mystiques tout à fait spéciales dont il a parlé précédemment  --  la première et la plus importante étant sans doute sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas.  Mais il ajoute que, pour l’empêcher de s’enorgueillir ou de se surestimer, il lui a été donné une écharde dans la chair.  Il ne dit pas lui-même en quoi consiste cette « écharde » ; et donc toutes les suppositions ont été faites depuis l’époque patristiques jusqu’à nos jours. Depuis plusieurs siècles l’opinion la plus commune est qu’il s’agissait d’une maladie physique (et une bonne quarantaine de maladies ont été suggérées par les exégètes). Nous ne saurons jamais de quoi il s’agissait, et cela est sans importance. Ce qui compte, c’est la conscience que Paul a de sa faiblesse. 

            Il dit que trois fois il a demandé à Dieu de le délivrer de cette épreuve. Il faut probablement mettre cette triple prière de Paul avec la triple prière de Jésus à Gethsémani (Mc 14,32-42).  La coupe n’a pas été écartée de Jésus ; de même l’épreuve n’a pas été écartée de Paul.  « Ma grâce te suffit » lui a fait comprendre le Seigneur.  Pour Paul, la faiblesse est humaine et la puissance est divine.  Lorsqu’il parle de faiblesse, il en parle au pluriel, et la description qu’il en donne (insultes, contraintes, persécutions, situations angoissantes) montre bien que sa vraie faiblesse consiste à reproduire celle du Christ.   

            Il dit qu’il n’hésite pas à mettre son orgueil dans la faiblesse, « afin que la puissance de Dieu habite en moi ». Le verbe grec (episkènôo) traduit dans le lectionnaire par « habiter » (et qui ne revient nulle part ailleurs dans le NT) pourrait tout aussi bien se traduire par « repose sur moi ». L’étymologie du mot révèle en effet la présence glorieuse de la shekina reposant sur la tente en Israël pour signifier la présence invisible mais sensible de Dieu. 

            C’est dans cette faiblesse, qui est une participation à celle du Christ, que Paul se glorifie.  C’est en elle, dit-il, qu’il est fort.  

            Nous faisons tous l’expérience de faiblesses de divers ordres. Nos malades en font présentement l’expérience dans leur corps. Ces faiblesses de tous ordres – celles du corps engendrées par la maladie, mais pas seulement celles-là nous fort partager la croix du Christ ; et c’est en elle que nous trouvons notre force. 

            Nous avions comme lecture biblique aux Vigiles de ce matin l’histoire de la victoire de David contre Goliath. Devant Goliath, armé jusqu’aux dents et protégé par un poids impressionnant de bronze, David essaie d’abord de revêtir une armure semblable ; mais elle l’écrase.  Il ne peut marcher.  Il affronte donc l’ennemi avec sa faiblesse, utilisant ses faibles moyens : sa fronde et une petite pierre ; et il est vainqueur.  

            La vie humaine est faite de cycles. Il y a une période de croissance au cours de laquelle tout semble possible ; une période d’âge mûr où l’on est conscient de sa force, mais où l’on devient plus réaliste face à ses possibilités ; puis une période de vieillesse, où l’on fait l’expérience nouvelle de sa fragilité.  Cela vaut non seulement des personnes individuelles, mais aussi des communautés, monastiques et autres. Cela vaut aussi de l’Église.  Il y a des périodes où les institutions paraissent toutes puissantes et d’autres où elles font l’expérience de leur fragilité. 

            Ce qui est important, chaque fois que nous faisons l’expérience de notre faiblesse, sous une forme ou sous une autre, est de faire l’expérience de la présence au dessus de nous (tout comme en nous), de la shekina, de la présence de Dieu, en qui nous pouvons tout.

 

Armand Veilleux

 


 

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