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Chapitre – Fête du Corpus
Xti
2009 Scourmont, 13 juin 2009
L’Eucharistie dans une communauté monastique L’Eucharistie est au coeur de la vie
chrétienne
et
donc
aussi
au
coeur
de
la
vie
monastique.
Dans
une
communauté
monastique
comme
la
nôtre,
nous
avons
la
grâce
de
pouvoir
célébrer
communautairement
l’Eucharistie
tous
les
jours.
Ce
n’est
évidemment
pas
le
cas
pour
la
plupart
des
Chrétiens,
y
compris
des
Chrétiens
fervents. Et de plus en plus ce n’est pas le cas pour
beaucoup
de
communautés
religieuses
non
cléricales,
y
compris
des
communautés
de
moniales
de
notre
Ordre.
Cela
ne
veut
pas
dire
que
l’Eucharistie
est
moins
au
centre
de
leur
vie
pour
autant. Cela peut nous amener à réfléchir sur ce que
signifie
placer
l’Eucharistie
au
coeur
de
notre
vie
personnelle
et
communautaire.
On sait que saint Benoît consacre de
nombreux
chapitres
de
sa
Règle
à
décrire
en
détail
la
célébration
de
l’Office
Divin,
mais
ne
parle
que
très
peu
de
l’Eucharistie. La situation est la même dans l’ensemble des
règles
monastiques
et
autres
écrits
monastiques
des
premiers
siècles. Cela ne veut pas dire que l’Eucharistie n’était
pas
importante
pour
eux.
Cela
veut
simplement
dire
que
c’était
une
dimension
de
la
vie
chrétienne
qu’ils
avaient
en
commun
avec
tous
les
autres
fidèles,
qu’on
célébrait
sous
l’autorité
de
l’évêque
local
et
au
sujet
de
laquelle
il
n’y
avait
pas
lieu
d’établir
des
règles
proprement
monastiques.
Il y a quelques années, les Bernardines
d’Esquermes
m’ont
demandé
de
leur
commenter
les
sermons
de
saint
Bernard
pour
la
dédicace
de
l’église,
en
préparation
de
celle
de
leur
propre
église.
Ma
surprise
fut
de
constater
que
saint
Bernard,
dans
ces
sermons,
mentionne
constamment
tous
les
actes
religieux
que
l’on
fait
dans
l’Église,
à
travers
lesquels
la
communauté
se
crée,
s’exprime
et
honore
Dieu,
mais
ne
mentionne
qu’une
seule
fois
l’Eucharistie.
Ce
qui,
encore
une
fois,
ne
veut
pas
dire
qu’elle
n’était
pas
importante
pour
lui. Saint Augustin, à une époque où coexistaient
dans
l’Église
plusieurs
traditions
différentes
concernant
la
fréquence
de
l’Eucharistie
–
ou
bien
une
fois,
ou
deux
fois
ou
trois
fois
par
semaine,
ou
bien
tous
les
jours
(une
pratique
qui
commençait
alors
à
se
faire
jour),
se
fait
demander
quelle
est
la
meilleure
pratique. Sa réponse est que la chose qui convient le
mieux
à
un
Chrétien
est
de
se
conformer
à
la
pratique
de
l’Église
où
il se trouve. L’idée
fondamentale
est
claire :
Il
n’y
a
qu’un
seul
sacrifice,
celui
du
Christ.
Chaque
fois
que
nous
célébrons,
nous
ne
répétons
pas
cet
unique
sacrifice ;
et
surtout
nous
ne
le
multiplions
pas,
mais
nous
nous
y
unissons.
L’important
est
que
cette
union
au
Christ,
et
sa
place
centrale
dans
nos
vies,
soient
aussi
permanentes
que
possibles.
Que
cela
soit
rendu
possible
et
favorisé,
selon
les
circonstances,
par
une
célébration
quotidienne
ou
par
une
célébration
hebdomadaire,
demeure
relatif
–
par
rapport
à
cet
essentiel. Tous les textes du Nouveau Testament
concernant
l’Eucharistie,
que
ce
soit
dans
les
Synoptiques,
ou
chez
saint
Jean
ou
chez
saint
Paul,
sont
unanimes
à
montrer
qu’à
la
dernière
Cène
Jésus
n’a
pas
simplement
institué
un
« rite »,
mais
qu’il
a
invité
ses
disciples
à
vivre
« en
mémoire
de
Lui »
et
à
exprimer
cette
mémoire
et
cette
communion
avec
lui
à
travers
la
communion
fraternelle
et
le
service
mutuel
signifiés
en
particulier
par
le
lavement
des
pieds. Tout cela peut nous aider à considérer
avec
sérénité
un
certain
nombre
de
questions
qui
se
posent
aujourd’hui
de
façon
nouvelle,
en
particulier
dans
les
monastères
de
moniales.
Dans
nos
monastères
d’hommes
c’est
la
communauté
de
vie
d’un
groupe
d’hommes
qui
s’exprime
dans
la
célébration
eucharistique
présidée
par
l’un
d’entre
eux
et
concélébrée
par
un
certain
nombre
d’entre
eux.
Chez
les
moniales,
le
président
de
l’Eucharistie
est
un
homme. Si cet homme n’a pas un sens communautaire aigu,
et
surtout
s’il
n’est
pas
moine,
il
risque
de
considérer
que
c’est
lui
qui
« fait »
l’Eucharistie
pour
les
Soeurs,
plutôt
que
de
considérer
qu’il
s’agit
d’une
célébration
communautaire
de
la
communauté
de
moniales,
qu’il
est
appelé
à
présider.
Certaines
communautés
de
moniales,
de
nos
jours,
n’ont
pas
un
moine
comme
aumônier.
Parfois
ils
ont
un
prêtre
séculier
qui
comprend
bien
leur
vie
monastique ;
mais
ce
n’est
toujours
le
cas. Certaines communautés ont de plus en plus de
difficultés
à
trouver
un
prêtre
chaque
jour.
Et
il
arrive,
en
certains
cas,
qu’elles
préfèrent
ne
pas
avoir
l’Eucharistie
à
certains
jours
plutôt
que
de
faire
venir
un
prêtre
qu’elles
ne
connaissent
pas
et
qui
ne
les
connaît
pas
et
qui
ne
viendrait
que
« faire
le
rite »
pour
elles.
Cela
ne
veut
pas
dire
que
l’Eucharistie
est
alors
moins
au
coeur
de
leur
vie. La plupart d’entre nous sommes entrés
au
monastère
à
l’époque
où
tous
les
prêtres
de
la
communauté
célébraient
leur
messe
privée
avant
d’assister
à
une
messe
conventuelle
où
seul
le
célébrant
communiait
et
à
laquelle
les
frères
convers
n’assistaient
même
pas. C’était le résultat de plusieurs siècles de
non
compréhension
de
la
liturgie.
Avec
Vatican
II,
la
concélébration
nous
a
permis
de
dépasser
cette
anomalie
et
d’avoir
chaque
jour
une
célébration
vraiment
communautaire
à
laquelle
tous
participent
et
à
laquelle
tous
communient.
La
plupart
de
nos
communautés,
comme
la
nôtre,
sont
satisfaites
de
cette
situation ;
mais
en
plus
d’un
endroit
on
trouve
anormal
la
situation
où
le
nombre
de
concélébrants
qui,
en
réalité,
co-président
l’Eucharistie
soit
plus
grand
que
le
nombre
des
non
prêtres.
Aussi
un
bon
nombre
de
prêtres,
en
diverses
communautés,
préfèrent
participer
à
l’Eucharistie
sans
« exercer
leur
sacerdoce
ministériel »
en
« présidant ».
Cela
ne
veut
pas
dire
que
l’Eucharistie
est
moins
au
coeur
de
leur
vie. Le manque de prêtres dans les diocèses
et
le
fait
que
de
nombreuses
communautés
paroissiales
sont
laissées
sans
célébration
eucharistique
dominicale
a
fait
resurgir
une
vielle
question
théologique :
celle
de
la
présidence
de
l’Eucharistie. Dans un article très documenté et très équilibré,
paru
récemment
dans
la
Revue
théologique
de
Louvain
(2008,
pp
492-519),
le
père
Paul
Tihon,
jésuite
belge,
professeur
à
Lumen
Vitae,
a
fait
le
point
sur
la
question. Il cite plusieurs théologiens et biblistes des
plus
sérieux
et
de
plus
rigoureux
qui
n’ont
cessé
de
traiter
de
cette
question
depuis
cinquante
ans :
Congar,
Delorme,
Grelot,
Kasper, Duquoc, sans oublier, bien
sûr,
Schillebeeckx
et
Küng. Et il y a eu, l’an dernier, un document des
Dominicains
hollandais,
(Kerk en Ambt), qui
a
fait
du
bruit. La question que posent tous ces théologiens
et
biblistes
est :
« L’Eucharistie
doit-elle
toujours
nécessairement
être
présidée
par
un
prêtre
ordonné ? » Chose certaine, le Nouveau Testament ne donne
aucune
réponse
précise
à
ce
sujet
et
la
pratique
des
premières
générations
chrétiennes
permet,
au
moins,
de
poser
la
question. Il n’y a vraiment pas lieu d’entrer
dans
cette
problématique
pour
le
moment.
(Je
vous
conseille
de
lire
l’article
du
Père
Tihon).
Ce que je voudrais qu’on retienne de
tout
cela
c’est
simplement
que
l’Eucharistie
est
au
coeur
de
notre
vie
lorsque
(quel
que
soit
son
mode
de
célébration
et
notre
façon
d’y
participer,
ou
même
la
fréquence
de
notre
participation)
elle
nous
maintient
dans
une
mémoire
continuelle
du
Christ,
et
une
mémoire
qui
s’exprime
dans
une
véritable
communion
avec
tous
nos
frères
dans
tous
les
aspects
de
notre
vie
quotidienne. Armand VEILLEUX
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