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Chapitre du 15 février 2009 Pour la plus grande gloire de Dieu C’est toujours
saint
Paul,
avec
sa
Première
Lettre
aux
Corinthiens,
qui
nous
accompagne
à
la
deuxième
lecture
de
l’Eucharistie
en
ces
derniers
dimanches
avant
le
Carême.
Voici
le
texte
d’aujourd’hui :
Première
lettre
de
saint
Paul
Apôtre
aux
Corinthiens
(1Co
10,
31-33;
11,
1) 31i Frères,
tout
ce
que
vous
faites
:
manger,
boire,
ou
n’importe
quoi
d’autre,
faites-le
pour
la
gloire
de
Dieu. 01 Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi, c'est
le
Christ. Ce bref texte, composé de quatre phrases
lapidaires,
conclut
un
long
développement
sur
la
légitimité
ou
non-légitimité
pour
des
Chrétiens
de
manger
des
viandes
qui
avaient
été
sacrifiées
à
des
idoles.
Dans
cette
conclusion
Paul
s’élève
et
essaie
d’élever
ses
lecteurs
au-dessus
de
la
bête
question
de
casuistique
qui
lui
avait
été
proposée. Le problème que se faisaient certains
–
ou
plutôt
faisaient
aux
autres,
dans
bien
des
cas
–
à
Corinthe,
n’était
pas
celui
de
la
participation
directe
à
des
liturgies
païennes.
C’étaient
plus
simple
que
cela.
Les
viandes
immolées
dans
les
sacrifices
aux
dieux
païens
étaient
ensuite
emmenées
à
la
maison
ou
vendues
au
marché
comme
nourriture
ordinaire. Pour certains convertis, ces aliments étaient
devenus
impurs
parce
qu’ils
avaient
été
immolés
aux
idoles. Cela pouvait devenir tout un problème lorsqu’on
était
invité
chez
un
ami
païen
de
savoir
si
la
viande
qu’il
nous
servait
à
manger
provenait
des
restes
d’un
sacrifice
ou
non ;
de
même
pour
la
viande
qu’on
trouvait
à
acheter
au
marché.
L’attitude de Paul est très équilibrée.
Ces
nourritures,
pour
lui,
sont
des
nourritures
comme
toutes
les
autres.
Les
dieux
auxquels
elles
ont
été
offertes
n’existent
pas ! Vous pouvez en manger sans problème. Par ailleurs,
comme
cela
faisait
vraiment
problème
à
plusieurs,
il
fallait
savoir
respecter
leur
sensibilité ;
et
donc
savoir
s’en
abstenir
en
certaines
circonstances,
pour
ne
pas
troubler
les
autres. C’est à la fin de son long développement
sur
ce
sujet
que
Paul
élargit
les
horizons
et
conclut
d’une
façon
très
générale.
Dans
tout
ce
que
vous
faites,
dit-il,
qu’il
s’agisse
de
manger
ou
de
boire,
ou
de
n’importe
quoi
d’autre,
agissez
toujours
pour
la
plus
grande
gloire
de
Dieu.
Ad
maiorem Dei gloriam, selon la
traduction
latine
de
la
Vulgate.
(Cette
expression
me
rappelle
bien
des
souvenirs,
car
durant
mes
humanités
[dans
les
années
1950...],
nous
mettions
A.M.D.G.
à
la
fin
de
tous
nos
devoirs
latins
ou
grecs
(et
je
n’ai
pourtant
pas
étudié
dans
une
école
de
Jésuites !). La première partie de la réponse globale
de
Paul
aux
Corinthiens
est
que
Dieu
ne
s’intéresse
aucunement
de
leurs
arguties
et
que
ce
n’est
pas
manger
ceci
ou
non,
boire
cela
ou
non,
qui
l’intéresse. Dieu n’en a cure. Mais il n’y a pas que Dieu, il y a aussi nos
frères ;
et
c’est
pourquoi
il
ajoute
la
seconde
phrase :
« Ne soyez un obstacle
pour
personne,
ni
pour
les
Juifs,
ni
pour
les
païens,
ni
pour
l'Église
de
Dieu. »
Cela
revient
à
ce
qu’il
avait
dit
plus
haut :
« Tout
m’est
permis,
mais
tout
n’est
pas
opportun ».
Autrement
dit,
en
tout
ce
que
nous
faisons,
nous
devons
tenir
compte
des
réactions
que
nos
actions
–
ou
nos
abstentions
–
peuvent
avoir
sur
les
autres. L’amour de Dieu ne peut se séparer de l’amour
du
prochain.
Et
l’amour
implique
le
respect
de
la
sensibilité
des
autres,
même
lorsque
cette
sensibilité
nous
paraît
exagérée
ou
mal
placée. Paul, venu du judaïsme et converti
radicalement
au
message
de
Jésus,
se
sentait
totalement
libre
à
l’égard
de
toutes
les
obligations
auxquelles
il
s’était
soumis
dans
le
judaïsme. En même temps, était très compréhensif à l’égard
des
autres
convertis
qui
avaient
un
besoin
psychologique
de
garder
des
attaches
culturelles
ou
même
cultuelles
avec
leur
passé ;
par
ailleurs
il
devenait
intransigeant
à
l’égard
des
intransigeants,
c’est-à-dire
de
ceux
qui
voulaient
imposer
aux
autres
leur
sensibilité,
en
particulier
les
convertis
du
judaïsme
qui
voulaient
imposer
à
ceux
venus
du
paganisme
les
coutumes
juives. Paul appelle les Corinthiens à l’imiter.
« Soyez
mes
imitateurs »,
leur
dit-il,
dans
une
de
ces
interpellations
qui
lui
étaient
familières
et
qui
ressemblent
à
des
bravades.
Mais
il
rétablit
tout
de
suite
la
situation
en
ajoutant :
« comme
je
suis
moi-même
imitateur
du
Christ ».
Le
modèle,
ce
n’est
pas
lui ;
c’est
le
Christ,
qui,
tout
au
long
de
l’Évangile,
s’efforce
de
libérer
ceux
qu’il
rencontre
des
liens
et
des
chaînes
que
leur
ont
imposés
les
hommes,
prétendument
au
nom
de
Dieu. Tout cela devrait éclairer un peu la
situation
que
nous
vivons
actuellement
dans
l’Église,
en
particulier
toute
la
tragi-comédie
qui
s’est
développée
ces
derniers
mois
autour
du
petit
groupe
de
personnes
rattachées
à
feu
Mgr.
Lefebvre. Dans l’Église primitive il y a eu des
tensions
très
fortes
non
seulement
entre
les
fidèles,
mais
aussi
entre
les
pasteurs,
comme
c’est
normal
entre
personnes
qui
osent
être
différents
et
s’acceptent
comme
différents.
Il
y
eut
des
dangers
de
schismes
et
parfois
des
schismes ; mais ces divisions – ces schismes, si on veut
les
appeler
ainsi
–
n’étaient
pas
au
sujet
de
grandes
vérités
de
la
foi,
c’est-à-dire
au
sujet
de
l’enseignement
de
Jésus
sur
son
Père. Il s’agissait de conflits entre des sensibilités
différentes.
Il en va de même de nos jours dans
notre
Église.
Face
à
l’événement
Vatican
II,
on
a
parfois
l’impression
qu’un
schisme
est
en
train
de
se
créer
entre
ceux
dont
toute
la
sensibilité
ecclésiale
et
humaine
se
retrouve
dans
les
grandes
orientations
de
ce
Concile
et
ceux
dont
la
sensibilité
religieuse
et
parfois
politique
est
choquée
par
ces
mêmes
orientations.
Y
a-t-il
de
quoi
faire
tant
de
bruit ? Je crois que si Paul revenait il dirait : « Qu’est-ce
que
ça
peut
bien
faire
à
Dieu
que
vous
le
priiez
en
latin
ou
dans
votre
langue,
que
le
prêtre
qui
préside
la
célébration
de
la
mémoire
de
son
Fils,
le
fasse
en
se
tournant
vers
ses
frères
ou
en
se
tournant
vers
l’autel ;
que
le
célébrant
porte
une
chasuble
gothique
ou
romaine
ou
baroque
avec
beaucoup
de
dentelle,
ou
n’en
porte
pas
du
tout ? ».
Tout
cela
est
totalement
indifférent
à
Dieu,
qui
doit
d’ailleurs
prendre
plaisir
à
cette
variété
de
sensibilités
et
des
tempêtes
dans
des
verres
d’eau
qu’elles
provoquent.
La
seule
chose
que
Dieu
veut
de
vous,
dirait
Paul,
est
que
vous
vous
acceptiez
dans
vos
différences
et
permettiez
à
chacun
d’avoir
ses
sensibilités,
mais
sans
jamais
imposer
les
vôtres
aux
autres,
que
vous
soyez
ou
non
détenteur
d’autorité. Et c’est cette attitude que Paul nous
invite
à
avoir
dans
tous
les
éléments
de
notre
vie. C’est uniquement sur une telle attitude de respect
mutuel
que
peut
se
bâtir
une
petite
communauté
monastique
comme
la
nôtre,
ou
la
grande
communauté
ecclésiale
qu’on
appelle
l’Église. Armand
VEILLEUX
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