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4 janvier 2009 : Solennité de l’Épiphanie Chapitre à la Communauté de Scourmont S’ouvrir à la lumière Les deux premiers chapitres de Luc
nous
ont
accompagnés
dans
la
liturgie
et
sans
doute
dans
notre
lectio
divina
personnelle,
tout
au
long
des
dernières
semaines,
et
ils
seront
l’objet
de
notre
retraite
annuelle
qui
commence
aujourd’hui.
J’ai
souvent
insisté
dans
mes
commentaires
sur
la
richesse
symbolique
de
ces
chapitres
qui
sont
non
pas
une
chronique
d’histoire
mais
une
présentation
théologique
très
profonde. Il en va de même des deux premiers chapitres
de
Matthieu,
et
surtout
du
deuxième
concernant
la
visite
des
mages,
le
martyre
des
enfants
de
Bethléem
et
la
fuite
en
Égypte. Il y a
deux
thèmes
qui
parcourent
les
trois
lectures
de
la
Messe
d’aujourd’hui,
eux
de
la
lumière
et
de
l’universalité. Je traiterai du thème de l’universalité dans l’homélie.
Parlons
pour
le
moment
un
peu
du
thème
de
la
lumière. La première
lecture
(que
nous
venons
d’entendre
à
Laudes)
est
constituée
des
premières
strophes
d’un
long
poème
tirée
du
Livre
d’Isaïe. Durant l’Avent nous avons lu plusieurs poèmes
de
ce
Livre,
surtout
des
Chapitres
appelés
le
Deuxième
Isaïe
et
spécialement
ceux
appelés
le
Livre
de
la
Consolation
d’Israël.
Le
poème
d’aujourd’hui
est
tiré
de
la
section
appelée
le
Troisième
Isaïe. Nous sommes alors environ deux siècles après
le
premier
Isaïe,
après
le
retour
des
Juifs
de
l’exil
en
Mésopotamie. Jérusalem est alors une toute petite ville qui
commence
à
peine
à
se
reconstruire
sur
ses
ruines. Alors, les disciples des disciples d’Isaïe s’efforcent
de
faire
revivre
sa
vision
et
annoncent
le
jour
où
cette
petite
ville
sera
le
centre
du
monde,
tout
illuminée
de
la
gloire
de
Dieu,
et
où
l’on
viendra
de
toutes
les
nations
vers
sa
lumière. Saint Paul,
dans
sa
Lettre
aux
Ephésiens,
reprend
le
même
thème. La mission qu’il a reçue, qui lui a été révélée,
est
celle
d’annoncer
que
le
salut
apporté
par
le
Christ
n’est
pas
destiné
à
un
seul
peuple,
mais
à
toutes
les
nations.
Le
salut
n’est
pas
dans
l’appartenance
à
un
peuple,
mais
dans
une
relation
personnelle
avec
le
Christ
Jésus,
qui
fait
de
nous
des
fils
participant
au
même
héritage
et
formant
donc
tous
une
grande
famille,
un
nouveau
peuple. Dans le
récit
évangélique
des
mages
venus
d’Orient,
ce
thème
de
la
Lumière
est
exprimé
symboliquement.
Réalisant
la
prophétie
du
Troisième
Isaïe,
ces
mages
(peu
importe
s’ils
étaient
deux
ou
trois,
ou
cinq
ou
plus)
viennent
d’Orient
(et
peu
importe
aussi
de
quel(s)
pays
ils
viennent)
et
ils
veulent
adorer
le
roi
des
Juifs,
car
ils
ont
vu
se
lever
son
étoile. L’Évangile
ne
dit
pas,
en
effet,
combien
de
mages
il
y
avait ;
mais
dès
le
deuxième
siècle
on
a
commencé
à
considérer
qu’ils
étaient
trois,
à
partir
des
trois
présents
mentionnés
dans
le
texte
de
Matthieu.
Puis,
à
partir
du
6ème
siècle,
on
les
a
pris
pour
des
rois,
et
on
a
même
décidé
de
quel
pays
ils
étaient,
puis
on
les
a
baptisés :
Melchior,
roi
de
Perse ;
Gaspar,
roi
d’Arabie
et
Balthasar,
roi
de
l’Inde.
Un
peu
plus
tard,
au
8ème
siècle,
Bède
le
Vénérable
leur
a
fait
représenter
plutôt
les
trois
continents
connus
à
l’époque :
l’Europe,
l’Asie
et
l’Afrique
et
alors
les
peintres
ont
commencé
à
donner
à
chacun
la
couleur
de
la
peau
correspondant
à
cette
provenance
supposée. Enfin, au 12ème siècle, les Croisés,
qui
ont
ramené
d’Orient
les
reliques
les
plus
invraisemblables,
ont,
bien
sûr,
ramené
aussi
les
ossements
des
trois
rois
mages,
qui
furent
d’abord
vénérés
à
Milan
et
qu’on
peut
aujourd’hui
aller
vénérer
à
Cologne,
si
le
coeur
nous
en
dit. Mais revenons
à
l’étoile
et
au
thème
de
la
lumière :
Cette
étoile
–
ou
cette
lumière
–
qui
les
avait
guidés
jusqu’à
Jérusalem,
les
a
quittés
dès
qu’ils
ont
demandé
à
Hérode
où
était
né
ce
roi
et
qu’Hérode
l’eut
demandé
aux
chefs
des
prêtres
et
aux
scribes.
On
retrouve
ici
en
Matthieu,
comme
dans
les
deux
premiers
chapitres
de
Luc,
un
récit
symbolique
dont
le
but
est
d’annoncer
ce
qui
va
se
passer
par
la
suite :
les
autorités
du
peuple
juif
et
les
autorités
romaines
complotent
déjà
ensemble
la
mort
de
Jésus. Dès qu’ils quittent ce monde de la politique
locale,
plein
de
confusion,
les
mages
voient
de
nouveau
l’étoile
qui,
tout
d’abord,
leur
donne
une
grande
joie
puis
les
guide
vers
une
maison
(il
n’est
pas
dit
où
se
trouvait
cette
maison
–
cela
n’est
pas
important)
où
ils
voient
l’enfant
(qui
n’a
pas
encore
de
nom,
puisque,
théoriquement,
c’est
avant
la
circoncision,
jour
où
il
recevra
son
nom)
et
sa
mère.
De
nouveau
ils
accomplissent
la
prophétie
d’Isaïe
en
se
prosternant
en
signe
de
respect
et
en
offrant
leurs
présents.
Puis,
leur
mission
prophétique
étant
terminée,
ils
quittent
le
décor
et
retournent
chez
eux. L’objet
de
cette
fête
est,
pour
nous,
de
rendre
grâce
à
Dieu
de
trois
choses : a) d’avoir
envoyé
son
Fils
en
notre
monde
comme
Lumière ;
b) d’avoir
fait
de
lui
la
lumière
de
toutes
les
nations
et
non
seulement
d’un
peuple c) de nous
avoir
donné,
à
chacun
de
nous,
la
grâce
de
recevoir
cette
lumière. Ce récit,
selon
plusieurs
exégètes,
a
aussi
un
arrière-fond
historique
dans
l’Église
primitive
où
il
a
été
rédigé.
On y trouve la réaction
de
l’Évangile
de
Matthieu
face
à
la
conscience
de
leur
supériorité
raciale
que
démontraient
les
chrétiens
d’origine
juive
de
Syrie
où
fut
écrit
cet
Évangile.
Devant
cet
orgueil
et
cet
exclusivisme
hérités
de
l’Ancien
Testament,
l’Évangile
invite
à
reconnaître
le
« roi
des
juifs »
dans
un
petit
enfant
nu,
déposé
dans
une
mangeoire.
Matthieu
le
fait
reconnaître
non
par
les
puissants
aussi
bien
laïcs
que
religieux
d’Israël,
mais
par
des
« étrangers »
venant
de
loin
et
exerçant
une
profession
méprisée,
celle
d’astrologues. On pourrait dire, entre parenthèse,
que
l’attitude
de
l’État
moderne
d’Israël
à
l’égard
des
Palestiniens
comporte
le
même
sens
de
supériorité
et
le
même
mépris
qui
s’exprime
ces
jours-ci
dans
un
débordement
de
violence
qui
atteint
la
démence.
(Les
exégètes
considèrent
que
s’il
y
a
eu
vraiment
un
massacre
des
enfants
de
moins
de
deux
ans
dans
le
petite
bourgade
de
Bethleem,
le
chiffre
n’a
pas
dû
dépasser
le
nombre
de
15
–
or
plus
de
75
enfants
ont
été
tués
ces
derniers
jours
dans
la
bande
de
Gaza,
sur
un
total
de
plus
de
400
victimes
–
et
ce
n’est
pas
fini). Il ne faut cependant pas trouver trop
facilement
de
bouc
émissaire.
À
notre
époque,
dans
tous
nos
pays,
se
généralise
à
nouveau
une
méfiance
grandissante
à
l’égard
de
l’
« étranger »
et
de
quiconque
est
« différent ».
Ce
récit
prend
donc
une
signification
tout
à
fait
actuelle.
Il
nous
montre
que
lorsque
nous
nous
fermons
à
l’étranger
et
surtout
lorsque
nous
voulons
réduire
le
monde
aux
limites
de
nos
croyances
et
de
nos
appartenances,
nous
reproduisons
aussi
bien
l’attitude
d’Hérode
que
celle
des
prêtres
et
des
scribes
d’Israël
–
ou
celle
des
Nazis
à
l’égard
des
Juifs,
ou
celle
de
l’État
actuel
d’Israël
à
l’égard
des
Palestiniens.
Ouvrons-nous donc à toutes les épiphanies
ou
manifestations
de
Dieu,
dont
la
lumière
nous
conduira
toujours
à
l’universalité
et
au
respect
de
l’autre.
Armand VEILLEUX
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